Après l’armistice de 1918, l’Empire ottoman s’est transformé pour devenir la Turquie moderne, au détriment des chrétiens d’Orient et avec la complicité de l’Occident.
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Comme en Allemagne, les troupes alliées occupaient la Turquie après 1918 et entendaient lui faire appliquer les conditions de paix imposées aux “puissances centrales”. L’Empire Ottoman finissant était en décomposition, et on pouvait logiquement envisager qu’il finisse comme l’Empire d’Autriche Hongrie, découpé, anéanti. Les différentes populations chrétiennes qui y résidaient, grecques, arméniennes, chaldéennes et autres, qui avaient terriblement souffert des persécutions ottomanes, ne rêvaient pas mieux.
Le débarquement grec de 1919
La Grèce, qui est dans le camp des vainqueurs, prend prétexte de la présence de ces populations pour intervenir militairement. Elle débarque ses forces armées à Smyrne, en Turquie actuelle, avec l’accord des pays alliés. Mais cette intervention, qui s’accompagne d’exactions contre la population turque, ravive le sentiment national turc. Le gouvernement révolutionnaire de Mustafa Kemal voit le jour, s’opposant à la fois aux Grecs et à l’Empire Ottoman finissant.
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Ces révolutionnaires, au début sous-armés et mal encadrés, bénéficient de l’appui de la République socialiste fédérative soviétique de Russie. Mais à partir de 1920, il devient évident que l’armée grecque ne peut pas obtenir rapidement de victoire décisive contre les Turcs kémaliste. Les Alliés, exténués par la Première Guerre mondiale, ne souhaitent pas s’impliquer dans ce conflit au côté des Grecs. La France, qui avait un mandat pour la Cilicie, au sud de la Turquie, l’actuelle Syrie et le Liban, renonce à tenir la région turque. Elle agit ainsi pour des raisons stratégiques – elle préfère se concentrer sur la Syrie et le Liban – mais aussi parce que progressivement, elle réalise qu’elle pourrait faire de Mustapha Kemal (le futur Atatürk, ndlr) un allié. Républicain, laïc, résolument tourné vers l’Occident, il pourrait être un partenaire intéressant… À tel point que la France renonce à le combattre et finit par le soutenir contre la Grèce, à partir du 7 octobre 1921. Elle le fournit en armes et va jusqu’à fabriquer une usine de munitions à Adana pour approvisionner l’armée révolutionnaire.
La Megalê katastrophê
Les Grecs, vaincus militairement, vivent la “Grande catastrophe”, Megalê katastrophê, qui aboutit à l’élimination de la présence hellène en Asie mineure. Plus d’un million de Grecs de Turquie fuient, soumis à la violence vengeresse des troupes de Kemal, et 500.000 Turcs installés en Grèce font le chemin inverse. Ce mouvement d’exil massif marque la fin de la présence chrétienne en Turquie. En 1900, près de 20% des habitants de l’actuelle Turquie étaient des chrétiens, après 1922, ils sont moins de 1%.
Un poilu Assyro-chaldéen
L’histoire d’un chrétien Assyro-chaldéen, enrôlé dans les milices levées par la France en Syrie, illustre l’ampleur de la désillusion que cette période a engendrée. Bablo Yacoub (1889-1974), né en Iran, s’était rendu à Tbilissi, en Géorgie, pour y travailler. Il a été recruté là-bas au sein d’une milice chaldéenne levée par la France pour maintenir son mandat sur l’actuelle Syrie.
Son fils, Joseph Yacoub, professeur honoraire de l’université catholique de Lyon, raconte : “Pour recruter les Assyro-chaldéens, on leur promettait une terre, taillée dans l’Empire Ottoman. On parlait de récupérer Edesse, Mossoul, Hassaké, de rétablir un état assyrien sous mandat français où les chrétiens pourraient se gouverner eux-mêmes. Avec le recul, ces promesses étaient absurdes”. Les Assyro-chaldéens étaient bien trop peu nombreux et dispersés pour revendiquer ces territoires. Mais pour ces peuples de langue araméenne, qui n’avaient pas recouvré leur souveraineté depuis les temps antiques, cette perspective était trop chatoyante.
Bablo Yacoub avait été écolier d’une institution lazariste en Iran et il parlait bien le français, il traduisait les ordres aux soldats, dont la majorité ne connaissait que l’araméen. Il était lieutenant dans le Bataillon assyro-chaldéen, à Hassaké, au nord-est de la Syrie, où il combattit les arabes sunnites partisans de l’émir Fayçal. Il n’a jamais été question de conquérir le mythique territoire qu’ils poursuivaient. “Souvent, la troupe lui demandait ce qu’ils faisaient dans cette région, mais il ne savait pas quoi répondre”, rapporte Joseph Yacoub.
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