Présents dans la guerre, les catholiques jouèrent leur rôle au temps du deuil et de la mémoire. Un rôle plus difficilement admis aujourd’hui.
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En novembre 1918, le cardinal Amette, archevêque de Paris, célébra, à Notre-Dame, un Te Deum après la victoire française. Le président de la République, Raymond Poincaré, souhaita s’y rendre. Mais, prétextant le régime de séparation des Églises et de l’État, le chef du gouvernement, Georges Clemenceau, le lui interdit. Une solution bancale fut trouvée : Madame Poincaré, à titre privé, était présente à Notre-Dame et exprimait ainsi la sympathie du Président.
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Curieusement, au moment de construire les cimetières militaires, la République française favorisa le symbole chrétien de la croix. Puis, la nécessité de deuil et la proximité des prêtres avec les soldats — c’était un effet de la loi appelée familièrement « loi des curés sacs-au-dos » qui ôtait aux séminaristes l’exemption de service militaire — favorisèrent une réconciliation entre la République et l’Église. En 1938, pour l’inauguration de la cathédrale de Reims restaurée, le président Lebrun entra dans le temple.
Une épreuve religieuse
Reims, ville martyre de la Grande Guerre, elle a subi plus de 1.050 jours de bombardements entre 1914 et 1918, est devenue le lieu des symboles de la réconciliation franco-allemande. En 1962, un Te Deum était célébré par Mgr Marty, archevêque de Reims, avec le président De Gaulle et le chancelier Adenauer.
La Grande Guerre fut une épreuve nationale et une épreuve religieuse. La mort de masse des combattants suscita un accompagnement du deuil par les chrétiens. En outre, nombre de religieux qui avaient accompli leur devoir militaire s’estimèrent en droit de réintégrer les couvents qu’ils avaient dû abandonner au moment de l’expulsion des congrégations non autorisées en 1904 et 1905.
La symbolique chrétienne
Les monuments aux morts qui ont gravé dans la pierre le nom des tués pour la France puisent à des symboliques extrêmement diverses. Mais la dimension chrétienne est souvent présente, notamment en Bretagne, en Vendée ou au Pays basque. À Verdun, l’ossuaire de Douaumont fut érigé à l’initiative de l’évêque Mgr Ginisty. Les autorités politiques locales, marquées par l’esprit de concorde forgé dans la guerre, le laissèrent récupérer les biens confisqués au moment de la Séparation.
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La tentative de relance de la politique de laïcisation offensive, que le gouvernement du Cartel des Gauches lance en 1924, se fracasse sur la résistance politique que le général de Castelnau organise avec la Fédération nationale catholique. Le climat d’après 1918 n’est plus celui de 1905… Les Français veulent prolonger une forme d’union nationale, au moins dans le deuil, et l’Église demeure une des grandes dispensatrices de consolation.
Reconnaissance des catholiques
En 2018, le contexte a changé. On sait pourtant que la vie de l’homme ne se réduit pas à sa capacité à consommer. Certes les valeurs de la société française de 1914 ne sont plus exprimées de la même manière un siècle plus tard. L’épreuve de la guerre nous a rendus plus sensibles au prix précieux de la paix, une paix que l’Église a toujours défendu en essayant de refuser le nationalisme étroit.
Or, en 2018, dans un monde dangereux qui tend à marginaliser l’Europe et son expérience de dialogue politique plus fort que la guerre, peut-on, au moment de célébrer le centième anniversaire de l’armistice, ignorer délibérément tout un pan de notre histoire ? Est-il raisonnable d’évacuer de la commémoration la dimension que les catholiques ont pris à la consolation du pays pendant et après l’épreuve ? Ne faudrait-il pas plutôt regarder ces actes comme autant de contributions positives à la construction d’une identité française apaisée, plus forte que ses divisions et plus grande que la seule défense de ses intérêts ?
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