La vie de sainte Odile et sa montagne perchée en Alsace attire toujours autant les pèlerins. C’est leurs belles histoires et celle de son sanctuaire que le recteur raconte dans un bel ouvrage publié aux Editions du Cerf, “Sainte-Odile, le Mont et les grâces”.
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Le père Koehler, recteur du sanctuaire du mont Sainte-Odile depuis 2010 et ancien recteur du sanctuaire marial de Thierenbach (Haut-Rhin), nous raconte l’histoire d’une sainte et d’un lieu, parsemée de son expérience de prêtre parmi les fidèles, à l’occasion du jubilé du sanctuaire à venir en 2020. Situé dans les Vosges, à 734 mètres d’altitude, le monastère d’Hohenbourg couronne le mont, au sommet duquel la vue porte jusqu’à la Forêt-Noire. Odile en a été la première abbesse, après que son père le lui a confié.
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La vie de sainte Odile (662-720) n’a rien d’un conte de fée, ce serait même plutôt l’inverse. Aveugle de naissance, elle est rejetée par son père, le puissant duc d’Alsace Adalric. Elle sera élevée comme une servante, loin de sa famille, arrachée à sa mère. Et pourtant, c’est sans doute ce chemin qui lui permet d’affermir sa personnalité et de vivre les vertus théologales (foi, espérance et charité) et cardinales (prudence, tempérance, force d’âme et justice). Devenue jeune fille, elle reçoit le baptême et la guérison de sa cécité : un miracle qui marque un tournant dans sa vie. En retraçant son chemin, sans ommettre la dureté du rapport qu’elle a avec son père jusqu’au bout, bien décidée à le revoir, le recteur nous offre à travers elle un modèle d’attitude pour essayer au mieux de répondre quoi qu’il advienne par l’amour, la persévérance et la patience.
C’est avec beaucoup d’émotion qu’on lit certaines anecdotes actuelles. Comme ce jour où le prêtre est sollicité par un couple qu’il a accompagné pour chanter le Magnificat au moment où leur enfant vient de mourir à la naissance. Ces parents étaient avant tout animés par leur foi et avaient décidé de garder cet enfant condamné. Il cite aussi “l’histoire des foulards blancs”, sur le pardon. Une histoire racontée par le père Guy Gilbert lors de la messe de mariage du prince Laurent de Belgique. D’autres révèlent la miséricorde et le courage de nombreux cœurs qu’il croise sur son chemin, ou vers qui il va. Sa vie personnelle n’est pas non plus exempte d’expériences de foi. Et il nous guide dans ces gestes d’humanité à accomplir d’urgence, jusqu’à l’importance d’accompagner les mourants jusqu’au bout. La miséricorde, l’espérance, le pardon et la joie, toujours, doivent finir par gagner.
Que signifie devenir pèlerin ?
Un pèlerin est un voyageur et croyant qui se rend vers un lieu de dévotion. Ce voyage peut être long comme durer une journée. Le temps de grimper la montagne Sainte-Odile par exemple. Mais qu’en est-il dans la vie de tous les jours ?
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Le lieu de rencontre ultime est celui qui nous permet de rejoindre Dieu et ce chemin où l’on donne de soi-même. “Comment as-tu donné de toi ?”, nous demandera-t-on à la fin de notre vie. Sa grand-mère, après son ordination, dit au père Koehler la prière qu’elle récitait pour lui : “Sois bon pour les gens, sois bon pour les pauvres, les malades, les enfants. Sois bon pour tous les gens. Donne-leur ce qu’ils te demandent et même si tu ne devais plus rien avoir après… Le Seigneur veille.”
De la même manière que ce prêtre incarne sa vocation depuis ce temps, tous les pèlerins du mont Sainte-Odile sont accueillis, “attendus, aimés et regardés avec des yeux de miséricorde” pour qu’en “rentrant chez eux, ils éprouvent la nostalgie de ce qu’ils auront expérimenté et ils voudront poursuivre un chemin de foi dans la vie ordinaire”.
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Dans Sainte-Odile, le Mont et les grâces, le père Patrick Koehler, au-delà de proposer une hagiographie de la sainte, pose des jalons pour aider à devenir pèlerin. Il offre aussi des pistes pour ré-humaniser les relations humaines et vivre en chrétien, en s’appuyant sur la parole vivante et exigeante de l’Évangile. Car nous avons tous faim et soif, besoin de l’autre pour pouvoir se sanctifier, être compris et se sentir aimé. On lit volontiers des témoignages de vie qui font écho à la nôtre, ou bien qui nous éclairent. Et le père de nous rappeler au passage que le Christ nous demande de lui donner tous nos péchés et que le Père des Cieux, quand Il est en colère, ne le manifeste jamais très longtemps. Gravir la montagne de Hohenbourg, n’est-ce pas finalement, comme pour Odile, se libérer de son aveuglement ?
Sainte-Odile, le Mont et les grâces, du père Patrick Koehler, éditions du Cerf, juin 2018, 18 euros