Le courage de Judith, héroïne biblique, est tel qu’il a donné naissance à la dame de cœur dans les jeux de cartes. C’est une femme forte, entière et prête à tout, mais jusqu’où ? C’est ce que la Bible nous enseigne dans le livre qui porte son nom — le Livre de Judith — relevant de l’Ancien Testament pour les Catholiques et Orthodoxes, écarté en revanche par les Juifs et les Protestants. Le récit se déroule à l’époque de Nabuchodonosor II (605 av. J.-C. – 562 av. J.-C.), roi de l'Empire néobabylonien, monarque puissant et célèbre pour avoir été un bâtisseur, notamment des fameux jardins suspendus de Babylone.
Mais il sut être également un destructeur, tout aussi tristement célèbre, faisant démolir le Temple de Salomon. Un de ses généraux, Holopherne, règne en maître, détruisant tout sur son passage et exigeant une soumission sans condition des vaincus. Judith est une belle et riche veuve descendante de Siméon. Vertueuse, sa vie est conforme aux commandements bibliques "car elle craignait Dieu grandement".
Alors que règne le désespoir dans la ville de Béthulie et que ses habitants sont prêts à se rendre, Judith s’y oppose farouchement : "Qui donc êtes-vous pour tenter Dieu en ce jour et pour vous dresser au-dessus de lui parmi les enfants des hommes ?". La femme téméraire accompagnée d’une servante décide alors de se rendre dans le camp ennemi et d’apporter au général Holopherne de fausses informations sur le peuple Juif.
La victoire sur le farouche guerrier
Séduit par sa beauté, le général l’accueille à un festin. Il faut dire que Judith avait auparavant quitté ses vêtements de deuil pour se parfumer et revêtir ses plus beaux habits et bijoux. Le subterfuge opère. Alors que le général est ivre, elle se saisit d’un couteau et frappe par deux fois le cou du redoutable guerrier avant d’en arracher la tête qu’elle prend soin d’envelopper dans un drap. Sortie du camp, c’est à Bethulie qu’elle exhibera, victorieuse, son trophée en clamant :
"Voici la tête d’Holopherne, le général en chef de l’armée d’Assur […] Le Seigneur l’a frappé par la main d’une femme !".
La liesse est totale devant la victoire de Judith, signe du soutien du Dieu d’Israël. Les cœurs sont gonflés pour maintenant attaquer l’ennemi qui sera mis en déroute. Ce récit haut en couleur s’avère être une formidable leçon de courage rappelant l’exploit du jeune David face à Goliath. Ce n’est pas par la force que la victoire est emportée, mais bien par la foi dans le Dieu d’Israël.
Une femme inspirant les arts
Les artistes de la Renaissance vont se saisir de ce récit. Judith va apparaître en un contraste étonnant face à la force brute. Sa détermination est flagrante sous le pinceau du Caravage dont l’œuvre appartenant à la Galerie nationale d'art ancien de Rome est actuellement présentée à Paris au musée Jacquemart-André. La jeune femme tient fermement la tête de l’homme grimaçant de douleur alors que le sang gicle de son cou, sang qui fait écho au rouge de la draperie accrochée au-dessus et qui sera son linceul.
Seule la position en retrait de Judith et le froncement de ses sourcils marquent l’horreur de son geste alors que le reste de son visage reste impassible. Botticelli, Cranach, Rubens, Artemisia Gentileschi, et bien d’autres peintres immortaliseront encore ce geste que la psychanalyse appréhendera sous le nom de "complexe de Judith", mais ceci est une autre histoire..