separateurCreated with Sketch.

Allons-nous vers une guerre mondiale du poisson ?

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Paul De Maeyer - publié le 23/10/18
whatsappfacebooktwitter-xemailnative

Au regard d’un dernier rapport de la FAO sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, les risques que les querelles déjà existantes sur les droits de pêche puissent s’accroitre ne sont pas à sous-estimer.

Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.


Je donne en 3 clics

*don déductible de l’impôt sur le revenu

En août dernier, des pêcheurs britanniques et français se sont livrés, dans la baie de Seine au large de la Normandie, à une véritable “guerre de la coquille Saint-Jacques” ou “guerre à la coquille”, comme on appelle désormais ce différend qui les a opposé à propos de ce précieux mollusque. Les premiers n’ont pas de dates imposées et voulaient l’exploiter, les seconds ont une réglementation — du 1er octobre au 15 mai — et voulaient le préserver. Le climat est aujourd’hui apaisé. La saison de la pêche est ouverte, après des mois d’hostilité particulièrement virulents –— jets de pierres et tirs de fumigènes — sur la ligne entre Barfleur et Cap d’Antifer.

Ce n’est pas la première fois que l’accès au droit de pêche pour une espèce de poisson finit en tensions entre des pays. Les exemples les plus connus sont probablement les fameuses “guerres de la morue”, dans la seconde moitié du siècle dernier, qui opposaient d’un côté l’Islande et de l’autre le Royaume-Uni et — dans une moindre mesure — l’Allemagne de l’Ouest et la Belgique.

Risque de conflit armé

Ces querelles n’ont jamais fini en conflits armés mais cela pourrait changer dans un avenir proche, met en garde le magazine Foreign Policy dans un article paru le 12 septembre sous le titre Food Fight (lutte pour la nourriture). L’auteure de l’article, Kate Higgins-Bloom, commandant des garde-côtes américains, estime que ce genre de conflit peut en effet dégénérer en véritable affrontement armé, surtout lorsque la question de l’accès aux lieux de pêche se pose dans des eaux contestées par plusieurs pays.

Un exemple concret est la situation en mer de Chine orientale. Des bateaux de pêche de Pékin sont escortés par la marine militaire, ou la garde côtière chinoise, pour entrer dans les eaux territoriales entourant les îles Senkaku (appelées Diaoyu en chinois), administrées par le Japon mais revendiquées par la Chine et Taiwan. Tokyo y a renforcé sa présence, et la zone est aujourd’hui à haut risque d’un véritable affrontement armé. En 2012, l’avertissement du premier ministre chinois de l’époque, Wen Jiabao, était son appel : “Les îles font partie intégrante de notre territoire et notre nation ne cédera jamais même un millimètre de son territoire”.


VEGAN
Lire aussi :
Faut-il jouer le développement durable contre la vie éternelle ?

Pékin possède également la plus grande flotte de pêche hauturière — plus de 2 500 navires — selon les estimations de Greenpeace — et a été accusé de pêche illicite, non déclarée et non réglementée à l’échelle industrielle dans les eaux au large des côtes de l’Argentine et du Sénégal.

Croissance démographique

Ce risque de conflit est renforcé par la croissance démographique mondiale qui devrait augmenter de 29% d’ici le milieu du siècle, passant de 7,6 milliards à 9,8 milliards de personnes, selon les estimations des Nations Unies. Cette croissance, explique Kate Higgins-Bloom, aura lieu dans des régions du monde où des millions de personnes sont récemment sorties de la pauvreté et ont rejoint la classe moyenne, préférant alors une alimentation plus riche en protéines. Selon elle, la demande mondiale de protéines dépassera même la croissance de la population. L’experte prévoit une augmentation entre 32 et 78%. Cela signifie qu’entre 62 et 159 millions de tonnes de protéines supplémentaires seront nécessaires chaque année, ce que le secteur de la pêche — de poisson frais et surgelé, ou d’élevage — n’est pas en mesure de fournir pour le moment.

Rapport de la FAO

 La question est donc la suivante : comment se porte le secteur de la pêche ? Selon un dernier rapport sur la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture de la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, d’ici 2030, d’ici 2030, la production issue de la pêche de capture et de l’aquaculture augmentera pour atteindre les 201 millions de tonnes, soit une hausse de 18 % par rapport au niveau de production actuelle de 171 millions de tonnes.


CHRISTIAN SYMBOL
Lire aussi :
Pourquoi le poisson est-il le symbole des chrétiens ?

90,9 millions de tonnes de poissons ont été capturées dans la nature en 2016 — soit 2 millions de tonnes de moins que l’année précédente, et ce, principalement dû à des fluctua­tions périodiques des populations d’anchois péruviens induites par le phénomène climatique El Niño. La production mondiale de poisson Issue des pêches de capture en eau douce s’élève à 11,6 millions de tonnes.

La production de poissons destinés à l’élevage est en constante augmentation. Selon les données de la FAO, en 2016, l’aquaculture a fourni 110,1 millions de tonnes de nourriture, dont 80 millions de tonnes de poissons et 30,1 millions de tonnes de plantes aquatiques (principalement des algues).

Stocks de poissons et surpêche

Le rapport de la FAO, sous-titré “Atteindre les objectifs du développement durable”, relève également une baisse des stocks ou réserves de poissons utilisées de manière biologiquement durable. Celle-ci était de 90% en 1974, avant de descendre à 66,9% en 2015. juste 10 pour cent d’entre elles étaient pêchées de manière non durable en 1974. En 2015, leur taux est monté à 33,1 %.

Sur les 16 principales zones de pêche suivies par la FAO, la plus petite proportion des réserves de poisson utilisées de manière biologiquement non durable (de 13% à 17%), se trouve en grande partie dans l’océan Pacifique : la région Pacifique au centre Est, au centre Ouest, au Nord-Est, et au Nord-Ouest. Les chiffres relatifs à la Mer Méditerranée et à la Mer Noire, qui enregistrent un taux de 62,2%,  sont en revanche très inquiétants. Derrière elles, le Sud-Est du Pacifique (61,5%) et l’Atlantique Sud-Ouest (58,8%).

Un monde surpeuplé et affamé

La consommation mondiale de produits de la pêche a augmenté à un taux annuel moyen d’environ 1,5 %, passant de 9 kg par habitant en 1961 à 20,2 kg en 2015. Les plus gros consommateurs sont en Asie (plus des 2/3). Leur consommation est estimée à 106 millions de tonnes sur un total de 149 millions de tonnes en 2015, soit 24 kg par habitant. Environ un cinquième de la pêche (20%) ont été consommés en Europe, au Japon et aux États-Unis en 2015, alors que le taux s’élevait encore à 47% en 1961.


TISSUE BOX
Lire aussi :
Quand la société ouverte devient l’Ordre du consommateur

“Le secteur des pêches est essentiel afin de répondre à l’objectif de la FAO d’un monde libéré de la faim et de la malnutrition et sa contribution à la croissance économique et à la lutte contre la pauvreté prend de plus en plus d’ampleur”, a déclaré M. José Graziano da Silva, directeur général de la FAO. L’agronome brésilien a également rappelé les défis auxquels le secteur est confronté, notamment “la nécessité de réduire le volume de poissons pêchés au-delà des limites biologiques”.

Autre défi majeur, la réduction des déchets. Selon le rapport de la FAO, plus d’un quart de la production de poisson (27% ) est perdu à cause de la décomposition et/ou jetée après avoir été déchargée, avant même d’arriver sur nos tables. Une vraie honte, surtout quand on pense que nous vivons dans “un monde surpeuplé et affamé” où “les batailles pour les ressources sont un fait bien réel”, commente Kate Higgins-Bloom.

Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !

Aleteia vit grâce à vos dons

Permettez-nous de poursuivre notre mission de partage chrétien de l'information et de belles histoires en nous soutenant. 

Profitez de cette fin d'année pour bénéficier d'une déduction de 66% du montant de votre don sur l'impôt sur le revenu en 2024.

Newsletter
Vous avez aimé cet article et souhaitez en savoir plus ?

Recevez Aleteia chaque jour dans votre boite e−mail, c’est gratuit !