Le besoin légitime d’accomplissement personnel au travail se confond parfois avec un individualisme délétère. Cette confusion est à l’origine d’une crise profonde du management actuel.
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Le manque d’autonomie serait la seconde source de mal-être professionnel après la charge excessive de travail, révèle une enquête de la CFDT réalisée auprès de 200.000 personnes. Ce constat révèle une crise profonde du management actuel. Les salariés sont-ils en train de changer ? Leur individualisme est-il légitime ? Pourquoi la soumission et l’obéissance ne fonctionnent-elles plus ? Ne sommes-nous pas en train de “challenger” un modèle qui a fait ses preuves ? Faut-il comme le préconise le coach Frédéric Laloux (Nous n’avons pas besoin de patrons, Diateino) se passer des managers et même des chefs, pour que les personnes accèdent enfin à l’autonomie tant désirée ?
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L’épicentre de la Modernité
Quand on scrute l’origine de ces nouveaux comportements et de ces nouvelles valeurs, il est d’usage de pointer une réaction au taylorisme et le ras-le-bol vis-à-vis d’abus de pouvoir qui heurtent notre rapport au travail. C’est vrai, mais je crois qu’il faut aller plus loin pour comprendre le sens de cette métamorphose. L’histoire montre le progrès grandissant de l’individualisme, au moins depuis la Renaissance.
Le philosophe Alain Laurent, grand spécialiste de la question, affirme par exemple : “Il est devenu courant d’affirmer que l’individualisme représente à la fois le propre de la civilisation occidentale et l’épicentre de la Modernité” (Histoire de l’individualisme, PUF). Ce que l’on constate aujourd’hui dans la revendication d’autonomie ou encore dans un management dégagé de toute contrainte hiérarchique inutile, est en fait l’aboutissement d’une puissante force d’individualisme qui imprègne notre culture.
Plusieurs individualismes
Or l’individualisme est un concept très ambigu. On peut parler d’un individualisme libertaire inspirant la société Uber, dont le fondateur, Travis Kalanick, ne cache pas sa proximité de pensée avec la pensée d’Ayn Rand. Qui était Ayn Rand ? Cette philosophe russo-américaine a développé un individualisme radical, comme le suggère le titre suggestif de son livre La Vertu d’égoïsme (“The Virtue of Selfishness”)… Cet individualisme “cow-boy” est présent dans l’ultra-libéralisme.
Autre est l’individualisme égalitariste, connu actuellement sous le nom d’holacratie, qui remet en cause l’utilité d’une hiérarchie pyramidale. Autre enfin est l’individualisme personnaliste, qui entend mettre l’homme au cœur de l’entreprise, “voie centrale” selon Alain d’Iribarne, et première, selon nous. Mais la majorité des approches managériales mélange allègrement ces dimensions.
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Accompagnement et leadership
D’où la perplexité de maints responsables, écartelés entre la nécessité de répondre à une demande puissante et légitime d’accomplissement personnel de la part des salariés, et la crainte d’entrer dans une idéologie masquée derrière des modes. C’est l’un des défis de cette nouvelle vague managériale. L’attitude la plus juste ne serait-elle pas de remettre à plat l’organisation managériale par un accompagnement humain et pragmatique, avec pour conditions sine qua non, un leadership puissant et une implication loyale de tous ? Ce qui suppose évidemment une préparation sur mesure.