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En élisant le 16 octobre 1978 un jeune archevêque venu de l’Est, en pointe contre l’athéisme militant, les cardinaux donnèrent à l’Église un tournant décisif.
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À quarante ans de distance, on mesure mal le caractère incroyable de l’élection du cardinal Wojtyla au pontificat. Pour la première fois depuis Adrien d’Utrecht, le pape Adrien VI (1522-1523), un non-Italien accédait au trône de saint Pierre.
Deux grands courants
L’émotion était grande dans le monde catholique après la mort brutale de Jean-Paul Ier, 33 jours après son élection. Ce pape du sourire avait été élu pour succéder à Paul VI, mort le 6 août 1978. L’élection du patriarche de Venise avait été rapidement acquise. La bonhomie du nouveau souverain pontife apportait de la fraîcheur après la fin crépusculaire du pontificat de Paul VI. Cette élection rapide — quatre tours de scrutin — masquait pourtant les divisions du collège cardinalice. De plus, le choix inédit d’un double nom — Jean parce que Jean XXIII l’avait fait évêque et Paul parce que Paul VI l’avait fait cardinal — disait l’humilité du nouvel élu ainsi que le souci d’être l’homme de l’héritage.
Deux grands courants s’affrontaient : le courant conservateur emmené par le cardinal Siri, archevêque de Gênes, et le courant dit progressiste incarné par le cardinal Benelli, archevêque de Florence. Ils étaient les deux grands « papabili » du conclave. Et ce fut le cardinal Luciani qui émergea. Comme en 1903 quand les cardinaux s’opposaient en deux camps après le très long pontificat de Léon XIII (Mgr Sarto devenu Pie X) et comme en 1958 pour la succession de Pie XII (Mgr Roncalli devenu Jean XXIII), les cardinaux avaient vu en l’archevêque de Venise l’homme du centre, du compromis et de l’union.
Une Église de la résistance
En octobre 1978, tout est à refaire. Le conclave, cette fois-ci, sera long (trois jours). On sait par des indiscrétions et des témoignages que les deux camps s’affrontèrent à nouveau et se neutralisèrent. Face à cette situation, le cardinal König, archevêque de Vienne (Autriche), lança le nom de l’archevêque de Cracovie, Mgr Karol Wojtyla. L’homme n’était pas un inconnu dans les milieux du Vatican. Avec le cardinal Wyszynski, archevêque de Varsovie, il constituait le duo dirigeant de l’Église polonaise. On est en pleine Guerre froide. L’occupation soviétique des pays d’Europe de l’Est favorise le développement d’un athéisme militant. L’Église, en Pologne, jouit d’une autorité et d’une position uniques. Elle est la seule barrière au totalitarisme athée.
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En 1968, le réalisateur américain Michael Anderson avait adapté au cinéma le roman de Morris West, Les Souliers de saint Pierre. Anthony Quinn y incarnait un cardinal ukrainien élu pape. Étonnante prémonition que Karol Wojtyla incarnera, non plus dans la fiction, mais dans la réalité.
Un tournant décisif
En brisant le carcan italien, les cardinaux avaient choisi de donner à voir une Église menacée et poursuivie. Jean Paul II réussira l’extraordinaire : il opposera au marxisme de type soviétique la nouveauté de l’Évangile et il donnera à la papauté un rayonnement mondial. Le 16 octobre 1978, l’histoire de la papauté avait entamé un tournant décisif. Il justifie l’appellation de Jean Paul II le Grand.
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