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Il est notable que notre actualité se tend de plus en plus sur des questions religieuses. La « religion » s’envisage toujours à travers deux dimensions, l’une spirituelle, l’autre institutionnelle. Cette distinction entre religion et institution est importante à souligner. Les religions portent un message spirituel et les différentes institutions qui les représentent, contribuent à la réflexion sociale et souvent politique. C’est sur ce dernier versant que portent les tensions religieuses, délaissant les ressources spirituelles capable d’éclairer le sens de notre vie, de notre mort, de notre destinée… Or, il ne faudrait pas que les rapports de force politique occultent plus longtemps les questions essentielles, communes à tous les êtres humains, quel que soit leur point de vue sur la foi.
La pensée catholique est devenue très minoritaire en France. Elle est à la fois largement ignorée du point de vue spirituelle et massivement combattue du point de vue politique. Est-elle déviante pour autant ? L’univers médiatique se trouve de plus en plus dépourvu pour traiter des attentes spirituelles des citoyens, et opère une lecture systématiquement politique de tous les sujets : migrants, IVG, hallal, voile islamique, bioéthique… préférant en rester à l’émotion suscitée par les petites phrases, les clashs, les sentiments de victimisation ou d’exaspération.
À l’évidence, il faut entendre l’émotion suscitée par les propos du Pape, dans sa catéchèse du 10 octobre dernier, mais il faut surtout essayer de les comprendre ce qui exige un petit effort intellectuel. Les propos du Pape dispensent un enseignement destiné à des personnes de confession catholique d’abord et qui in fine, n’oblige personne. L’émotion ressentie sera d’autant plus vive, si on retranche ces propos de leur contexte : il s’agit des catéchèses hebdomadaires du mercredi. Le Pape propose un cycle de commentaires sur des points de la foi catholique. En ce moment, il explique les dix commandements, et ce 10 octobre en particulier le 5e commandement : « Tu ne tueras pas ».
Pour la doctrine de l’Église, le plus vulnérable reste l’enfant à naître
L’intention du Pape est simple : il s’agit d’inviter à prendre conscience des traitements tragiques que subit l’être humain aujourd’hui, et du « mépris pour la vie ». Il avait déjà abordé ce thème en dénonçant la « culture du jetable » qui considère les êtres humains comme des déchets. Ici, il observe que des hommes tuent : l’esclavage moderne, les migrants noyés, les personnes âgées abandonnées, les pauvres déclassés, et l’enfant à naître avec ou sans pathologie, éliminé. Pour la doctrine de l’Église, le plus vulnérable reste l’enfant à naître. Assumant son rôle, le Pape enseigne. C’est sa mission et son droit. Il ne vise nullement d’abord la remise en cause de l’IVG dans le droit français, il s’interroge. À cela s’ajoute, le phénomène de "la petite phrase" et de l’emploi de l’image : le langage en images.
Parler du recours à un « tueur à gage » est une image, destinée à interpeller les consciences. Une image-choc qui signifie « payer quelqu’un pour éliminer quelqu’un, et résoudre un problème ». L’emploi de cette analogie aide à se figurer les choses. Cette analogie cherche à éclairer le mécanisme de l’élimination d’un gêneur, sans toutefois résoudre le problème. On peut, bien-sûr, ne pas le voir ainsi, mais il serait faux de dire que le Pape désignait nommément les médecins pratiquants l’IVG comme « des tueurs à gages ». Il a conscience de ce que chaque personne est unique et aimable, de ce que chaque situation est particulière. Il ne juge pas le fait d’avoir eu recours à une IVG dans sa vie. Il sait que Dieu aime et pardonne. Mais il voit que les êtres humains ne s’aiment pas et ne s’accueillent pas et éliminent les personnes pour résoudre les problèmes. C’est donc bien une comparaison portant sur le mécanisme de résolution d’un problème qu’il interroge avec douleur. Il est hélas difficile de résister au raccourci facile si le buzz domine.
Réfléchissons encore un instant : si l’indignation se comprend parfaitement, n’est-elle pas aussi à la mesure de notre propre anesthésie sur cette réalité du traitement de l’humain ?
Ce que le Pape veut dire est plus important que ce que nous voulons lui faire dire. Il est heureux qu’il puisse exprimer un point de vue différent du nôtre. Nous avions tellement conçu, en France, qu’il était impensable — sinon interdit — que quelqu’un s’autorise à penser de manière différente avec ses propres arguments. Or, il y aura toujours dans le monde, quelqu’un ici ou là, — et ici un pape argentin, pour nous dire : êtes-vous si sûrs de votre cohérence ? La dépréciation de la vie humaine se voit sur tous les plans partout dans le monde et l’avortement, fut-il dépénalisé et légalisé, ne demeure pas sans interroger la conscience du Pape.
Nous avons évidemment le droit de ne pas être d’accord avec le pape François et de le dire haut et fort, mais nous avons aussi le devoir de lui laisser le droit d’exprimer ce qu’il dit, pourvu que nous n’en restions pas à l’émotion. Entre ce que le Pape dit et ce que nous en comprenons, il y a un effort d’écoute et d’argumentation : « tu ne tueras pas » est un commandement gardien de notre commune dignité humaine. « L’unique mesure authentique de la vie, c’est l’amour, l’amour avec lequel Dieu aime toute vie humaine ».