Dominique Charlon, 59 ans, est sourde depuis la naissance. Elle revient de Lourdes, où elle a participé au premier rassemblement européen des sourds catholiques. Celui-ci a rassemblé près de 400 pèlerins (dont 90% de personnes sourdes) venus de différents pays d’Europe. L’événement avait été préparé par un comité de pilotage composé en grande partie de personnes sourdes. Pour cette animatrice à l’aumônerie régionale des sourds d’Ile-de-France, ce pèlerinage avait une dimension particulière. « Nous étions ensemble, c’était vraiment la dimension de ce rassemblement », explique-t-elle.
Enseignements, temps festifs, chemin de croix ont ponctué la semaine. Des interprètes de diverses régions du monde étaient présents. En effet, la langue des signes n’est pas la même partout et, malgré une grammaire commune, les gestes varient selon la langue utilisée. Il existe également une langue des signes internationale, mais qui n’est pas connue de tous. « Un certain nombre de sourds ne sortent pas beaucoup de chez eux », poursuit Dominique. « Même si nous sommes dans une époque où les personnes sourdes s’ouvrent de plus en plus aux entendants, notamment grâce aux interprètes, il reste encore des domaines auxquels elles n’ont pas accès. Dans le monde des entendants, elles ont des difficultés de communication et c’est fatiguant pour elles. Chez certaines, c’est une souffrance. Pour nous les sourds, c’est important de passer du temps ensemble pour nous exprimer et échanger. C’est comme un entendant qui rencontre un autre entendant ».
Une liturgie qui bouge
Mais qui dit sourd ne dit pas silence absolu. Dominique raconte cette soirée festive où chaque pays a présenté ses costumes traditionnels, le tout agrémenté joyeusement de chants et de mimes. Quand les sourds chantent, c’est avec les mains : « Ça bouge, il y en a qui utilisent tout leur corps et d’autres moins. Certains se sont formés au chant et y mettent de la poésie, quelque chose de gracieux ». Elle se remémore avec émotion la soirée d’adoration guidée par une femme sourde du nom de Coco. « C’était émouvant pour nous. Coco nous conduisait et nous apprenait à parler à Jésus en langue des signes, nous entraînant dans la prière. C’était un chant, mais sans voix ». « Certaines personnes ont des dispositions à signer de façon poétique », ajoute-t-elle.
Parmi les temps forts, également, une messe célébrée par un prêtre coréen sourd 100% en langue des signes, sans traduction orale. Laurence, une autre pèlerine, a vécu la session comme un véritable « choc spirituel » : « prier ensemble en langues des signes différentes et se comprendre a été comme une préfiguration de l’Église unie. J’en ai été émue et ma prière est montée vers Dieu pour l’unité de l’Église ». Et cerise sur le gâteau, Vincent, l’arrière-arrière petit-neveu de Bernadette Soubirous, sourd, qui travaille dans la ville mariale, a donné son témoignage lors de ce pèlerinage extraordinaire. Dominique a repris le chemin de la capitale hexagonale. Elle confie son espérance : que naissent des vocations de prêtres chez les personnes sourdes. Pour que la communauté chrétienne sourde puisse rayonner davantage.