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Le prélèvement à la source, une nouvelle mesure antifamille ?

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Jacques Bichot - publié le 25/09/18
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La retenue à la source est inspirée par une conception individualiste de la société, qui donne peu d’importance au fait familial.

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L’impôt sur le revenu (IR) est prélevé à la source dans plusieurs pays ; pourquoi regretter que la France les imite ? Des raisons techniques pourraient être invoquées, notamment la charge que cela fait peser sur les entreprises et le manque de discrétion, puisque divers membres de l’entreprise pourront être au courant du taux d’imposition de chaque salarié. Mais la raison la plus importante probablement est la suivante : la retenue à la source est inspirée par une conception individualiste de la société, qui donne peu d’importance au fait familial. Sa mise en place risque d’aboutir, plus ou moins rapidement, à la disparition de la notion de « foyer fiscal », dont l’importance est névralgique pour que la famille constitue institutionnellement le plus petit des corps intermédiaires, et donc la « cellule de base » de la société.

Le plus important des  corps intermédiaires

Rappelons à cet égard que la doctrine sociale de l’Église demande aux finances publiques d’accorder une grande attention à la famille (art. 355 du Compendium de la doctrine sociale), et souligne le rôle des « corps intermédiaires » entre l’individu et l’État (art. 356) : la famille est le plus petit et probablement le plus important de ces corps intermédiaires. Le principe de subsidiarité, pierre angulaire de la doctrine sociale (art. 185 et suivants), s’applique tout particulièrement à la famille (art. 187), qui peut résoudre bien des problèmes sans avoir à les porter au niveau des services de l’État.


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Pour que la famille joue pleinement son rôle en matière de solidarité, la notion de revenu familial, agrégeant les revenus individuels de ses membres, est centrale : l’argent gagné par le père et celui gagné par la mère deviennent de simples composantes du revenu familial. L’IR officialise cette existence du revenu familial : c’est lui, et non les revenus individuels, qui est soumis à prélèvement « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration », selon la formule qui figure dans la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

Le symbole du « nous » est brisé

Souvent les époux ont un « compte joint » : chacun d’eux possède la signature de ce compte, qu’il se doit d’utiliser au mieux des intérêts de la famille dans son ensemble, et de chacun de ses membres. C’est ce compte joint qui est, pour quelques mois encore, débité aussi bien pour payer les impôts dus par la famille (IR, mais aussi impôts locaux) que pour subvenir aux besoins de tous et de chacun.


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La retenue à la source va changer la donne. Ce n’est plus le revenu familial qui sera ponctionné pour permettre le fonctionnement de l’État, mais le revenu professionnel de chacun des époux. Le symbole du « nous » (cet argent n’est pas à moi, ni à toi, il est à nous deux et à nos enfants) sera brisé.

Les réalités survivent rarement à la destruction des symboles qui les exprimaient. Le législateur a d’ailleurs prévu la fin du bien commun familial en donnant la possibilité de choisir des taux de prélèvement différents sur chacun des revenus professionnels des conjoints.

Atteinte à la vérité

Par ailleurs, la retenue à la source va augmenter la désinformation des citoyens sur le montant véritable de leur revenu. La tendance naturelle consiste à considérer comme étant notre revenu ce qui est crédité sur notre compte en banque. Les cotisations sociales des salariés, retenues à la source, font en vérité partie du revenu du ménage, mais l’impression prévaut que ce revenu se limite au salaire net. Celui-ci va diminuer, pour les ménages imposables à l’IR, accroissant encore la différence entre la réalité et la perception que nous en avons.


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Il s’agit là d’une atteinte à la vérité, cette vertu dont l’encyclique Veritas in caritate a souligné le lien étroit avec la charité. Le bien commun serait beaucoup mieux servi si toutes ces sommes transitaient par les comptes des salariés, permettant à ceux-ci de mesurer la valeur exacte de leur travail et le coût véritable de la sécurité sociale.

Fabriquer des irresponsables

Le discours officiel vante un soi-disant avantage de la retenue à la source : celle-ci va décharger les ménages du souci d’avoir à mettre en réserve de quoi s’acquitter de l’IR, ou d’opter pour un prélèvement mensuel, analogue à ceux que l’on peut mettre en place pour payer le gaz et l’électricité. Mais à trop vouloir rendre indolore la fiscalité directe, nos dirigeants font des citoyens des irresponsables. Ils développent encore un peu « ce pouvoir immense et tutélaire » dont le probable développement inquiétait Tocqueville voici environ 180 ans.

L’homme a besoin de signes tangibles. C’est la raison pour laquelle ont été institués les sacrements : la grâce divine elle-même se manifeste à travers des démarches, telle que la communion. Le civisme, comme la foi et la charité, se développe mieux s’il existe des gestes concrets pour le signifier. Le paiement de l’impôt par le foyer fiscal est un de ces gestes. Le supprimer au profit d’une retenue automatique gérée par l’employeur est le signe d’une ignorance fâcheuse de ce qu’est réellement l’humaine condition.

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