Politique, économique et migratoire, la crise que traverse le Venezuela est sans précédent. Cinq questions pour mieux la comprendre.
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Quelle est l’ampleur de la crise que traverse le Venezuela ?
Au pouvoir de 1999 à 2013, Hugo Chavez a réussi à faire progresser le pouvoir d’achat des classes populaires et à soutenir la consommation intérieure grâce à la manne pétrolière dont le Venezuela tire plus de 95% de ses revenus. Mais avec la chute du prix du baril à partir de 2009, et qui s’est accentuée depuis 2014, l’État a tenté de compenser en faisant marcher à plein régime « la planche à billets », menant de facto à une forte inflation. Cette politique a été reconduite par Nicolas Maduro, qui a succédé à Hugo Chavez en 2013. En août 2018, l’inflation au Venezuela a passé la barre des 200%, portant la hausse des prix sur un an à 200.000%, d’après un rapport rendu récemment public par le Parlement, contrôlé par l’opposition. Depuis le 1er janvier, les prix ont grimpé de 34.680,7%. En 2018, le FMI table sur une hyperinflation de 1.000.000%. Le président Nicolas Maduro a lancé un plan de relance qui prévoit notamment une hausse du salaire minimum (multiplié par 30), une dévaluation de 96% de la monnaie locale, le bolivar, et une hausse de la TVA et de l’essence mais cela n’a pas permis de juguler l’inflation, qui atteint 4% par jour. En parallèle, les Vénézuéliens souffrent d’une pénurie de denrées alimentaires, de médicaments et de tous types de biens de consommation courante.
En plus d’être politique et économique, cette crise est aussi migratoire. Le Venezuela se vide-t-il de ses forces vives ?
Actuellement, environ 2,3 millions de Vénézuéliens (7,5% d’une population de 30,6 millions) vivent à l’étranger, dont 1,6 million qui ont émigré depuis 2015 quand les pénuries de nourriture et de médicaments se sont aggravées, en parallèle de l’hyperinflation galopante. Quelque 90% d’entre eux se sont réfugiés dans les pays de la région. La Colombie, le Pérou et l’Équateur sont les principaux pays d’accueil de ce flux. Parce qu’il s’agit d’une des crises migratoires les plus graves de l’histoire récente du continent, treize pays d’Amérique latine (Argentine, Bolivie, Brésil, Colombie, Costa Rica, Chili, Équateur, Mexique, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine et Uruguay) ont participé à une réunion inédite les 4 et 5 septembre afin de tenter de définir des moyens d’action communs. Parmi les sujets avancés se trouvaient notamment l’unification des mesures régissant le transit des migrants vénézuéliens, la mise en place éventuelle de quotas ainsi que la constitution d’un fonds commun à l’initiative de l’Onu. Ils ont également appelé Caracas à garantir aux Vénézuéliens qui émigrent la possibilité d’obtenir une carte d’identité ou un passeport. « Je pense que nous avons envoyé un message important aux millions de Vénézuéliens qui voyagent sur notre continent », a expliqué Raul Sanhueza, le représentant du Chili. « Nous leur disons que nous allons reconnaître les documents expirés à des fins migratoires ».
Comment réagit le gouvernement vénézuélien ?
Diosdado Cabello, numéro deux du pouvoir chaviste, a d’abord qualifié cette réunion de « honte », qui n’inspire que « le dégoût » et « l’écœurement ». Petit retournement de situation ce lundi 10 septembre : « le Venezuela a demandé une rencontre » avec Michelle Bachelet, l’ancienne présidente chilienne et nouvelle chef des droits de l’Homme à l’Onu, a déclaré une porte-parole de son bureau. Cette dernière a répondu positivement et a accepté de rencontrer prochainement Jorge Arreaza, le ministre des Affaires étrangères du Venezuela.
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Y a-t-il une aide internationale ?
« Nous sommes très inquiets pour la situation humanitaire dans le pays, mais aussi des conséquences que cela peut engendrer chez les pays voisins qui reçoivent des vagues de (migrants) Vénézuéliens sur leurs territoires », a déclaré le 31 août 2018 Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne, qui a annoncé dans la foulée que l’Union européenne venait d’« adopter un programme d’aide humanitaire de 35 millions d’euros pour soutenir les Vénézuéliens dans leur pays mais aussi ceux hébergés dans les États voisins et les communautés hôtes ». Le financement devrait se concentrer sur « l’alimentation, l’eau, la santé et le soutien aux personnes les plus vulnérables ».
Quel rôle pour l’Église catholique ?
Il y a un an, en septembre 2017, le pape François avait lancé un appel depuis Carthagène, dans le nord de la Colombie, à mettre fin à « tout type de violence dans la vie politique » au Venezuela. « Je veux assurer de ma prière chacun des pays d’Amérique latine, et de manière spéciale le Venezuela tout proche », avait-il déclaré en exprimant sa « proximité à chaque fils et fille de cette nation aimée, ainsi qu’à ceux qui ont trouvé sur cette terre colombienne un lieu d’accueil ». Plus récemment la conférence épiscopale vénézuélienne s’est rendue à Rome début septembre 2018 pour une visite ad limina (la visite quinquennale que tout évêque catholique est tenu de faire à Rome, ndlr). À cette occasion le porte-parole de la conférence épiscopale vénézuélienne a remis un rapport au pape sur la situation du pays. Ce lundi, on apprenait qu’Omar Barboza, président de l’Assemblée nationale vénézuélienne, avait été reçu ce week-end par le pape François et qu’il lui avait communiqué une liste de 349 “prisonniers politiques” pour lesquels il lui aurait demandé d’agir. Cette rencontre ne figurait pas à l’agenda communiqué par le Saint-Siège.
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