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Personnage controversé et complexe, le compositeur Richard Wagner a laissé derrière lui une œuvre colossale dont Les Noces, les Fées, le Vaisseau fantôme, Tétralogie ou l’Anneau du Nibelung, la Walkyrie, le Crépuscule des dieux, Tristan et Isolde ou encore les Maîtres chanteurs de Nuremberg. Si ses compositions sont connues du grand public, les histoires qui les accompagnent sont parfois méconnues. C’est le cas pour son œuvre Les Maîtres chanteurs de Nuremberg.
Alors qu’il visite la basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari, à Venise, Richard Wagner tombe littéralement en admiration devant L’Assomption de la Vierge, un tableau du Titien. Le compositeur imagine alors les prémisses d’un nouveau drame musical. Il rédige un premier livret en juillet 1845, mais ce n’est que le 21 juin 1868 que l’opéra des Maîtres chanteurs de Nuremberg est créé à l’Opéra d’État de Bavière à Munich, le temps d’en écrire la musique et de travailler au livret.
Un chef-d’œuvre du Titien surplombe la nef de l’église
Quelles sont les particularités de ce tableau ? Situé au-dessus de l’autel, L’Assomption de la Vierge a été réalisé par l’un des peintres de l’école vénitienne les plus prestigieux de l’époque, Tiziano Vecellio, surnommé le Titien. Il s’apprête à être nommé peintre officiel de la République de Venise quand le prieur lui commande ce tableau en 1515, pour orner le maître-autel de l’église Santa Maria Gloriosa. Le chef-d’œuvre du peintre est livré et installé à peine trois ans plus tard, le 20 mars 1518. Cette toile de près de sept mètres de long, et large de la moitié, réalisée à la peinture à l’huile est considérée comme l’un des plus beaux tableaux du monde. Trois niveaux mènent à l’élévation jusqu’à Dieu, en passant par les apôtres et la Sainte Vierge, le regard vers le haut, au moment où elle entre dans la gloire de Dieu avec son corps charnel. La croyance de Marie montant directement au ciel est partagée par les catholiques et les orthodoxes. Une grande joie s’empare de cette représentation, pour le moins assez peu habituelle à l’époque de la Renaissance, où les couleurs vivantes évoquent l’allégresse du Ciel en même temps que celle des apôtres et des anges.
Richard Wagner n’est pas le seul à être tombé en admiration devant : Félix Mendelssohn l’a loué en son temps lors d’un séjour vénitien, « il faut voir comment Marie semble flotter dans les nuages, comment l’air qu’elle respire paraît réel, sa crainte, sa dévotion, bref des milliers de sentiments mêlés. (...) Sur la droite du tableau, les têtes des trois anges sont le comble de la beauté : une beauté pure, sereine, séraphique. J’irai certainement revoir ce tableau chaque jour », a-t-il écrit par la suite. André Malraux a également rappelé l’importance de ce tableau, quand Gustave Flaubert avoua tout simplement « en peinture, je ne connais rien qui soit au-dessus de l’Assomption du Titien, si je restais un peu plus longtemps ici, j’aurais peur de tomber amoureux de sa Vierge ». L’écrivain anglais Charles Dickens, quant à lui, fit part de son impression de manière assez essentielle : « Aucun éloge ne parvient à dire la moitié de la belle et surprenante réalité. C’est l’essence même de la perfection ».
L’un des opéras les plus joyeux de Wagner
De cette contemplation presque amoureuse, Richard Wagner va ainsi donner naissance à une nouvelle création de quatre heures et demie comportant les symphonies les plus joyeuses qu’il ait pu composer. Sans doute, les couleurs et la joie qui transparaissent du tableau l’ont assez profondément marqué pour qu’il soutienne cette émotion jusqu’à l’écriture de la musique. L’argument de cet opéra se passe à Nuremberg au XVIe siècle, ville alors pleine de vie, où est organisé un concours de chant entre les Maîtres chanteurs, dont le gagnant aura la main d’Eva et ses charmes espiègles. La comparaison avec L’Assomption de la Vierge du Titien tient certainement au crescendo de mélodies heureuses présent dans cet opéra, à l’ancrage dans une Allemagne populaire, à l’image des apôtres, et à l’intrigue qui consiste à gagner le cœur de la jeune femme par la voix du meilleur maître. Loin des drames wagnériens, c’est une véritable comédie que le compositeur a produit, marqué par "l’Assomption" qu’il a vu à Venise et ses anges, descendus un temps pour chanter eux aussi, mais pour la gloire de Dieu et celle de la Sainte Vierge.
Pour ceux qui souhaiteraient à leur tour tomber sous le charme de ce tableau, sachez qu’il est hébergé dans la basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari, une église de style gothique située dans le quartier San Rocco de la Cité des Doges, sur le Campo dei Frari. Grâce à son atout architectural, elle a reçu le titre de basilique mineure, en opposition aux quatre basiliques majeures sises au Vatican. Sa construction fut entreprise par des moines franciscains, dont l’ordre venait d’être créé en 1210, en même temps que leur monastère, au début du XIIIe siècle. Les travaux se poursuivirent jusqu’à la fin du XIVe siècle pour l’agrandir et y accueillir davantage de fidèles. Elle est alors devenue un joyau de l’art gothique vénitien, dédié à l’Assomption de la Sainte Vierge Marie.