De la Turquie aux États-Unis, le mariage des enfants est un phénomène plus répandu qu’on ne le croit.
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Où préféreriez-vous que votre fille vive quand elle aura 13 ans : à l’école ou mariée à un homme d’âge mûr ? C’est la question que pose le journaliste Burak Bekdil sur le site Gatestoneinstitute.org, en évoquant le phénomène des fillettes victimes de mariages forcés en Turquie. Dans le pays, 40% des jeunes filles turques sont mariées de force avant leurs 18 ans avec pour conséquence un taux élevé d’abandon scolaire — environ 56% — chez les lycéennes, détaille la journaliste en citant les chiffres du Turkish Philanthropy Funds.
Et les choses pourraient empirer. En janvier dernier, rappelle le journaliste, la direction des affaires religieuses (Diyanet) de Turquie — contrôlée directement par le gouvernement — prétendait qu’en vertu de la loi islamique, les fillettes de neuf ans et les petits garçons de douze ans pouvaient se marier. Après cette fatwa, la principale formation de l’opposition a demandé une enquête sur le mariage des enfants dans le pays, où l’âge légal pour le mariage est fixé à 18 ans.
La situation en Malaisie
En Malaisie, l’âge légal pour se marier est fixé à 18 ans. Mais il existe des exceptions. Sur autorisation du Chief Minister de leur État, les jeunes filles peuvent en effet se marier à 16 ans. La loi islamique, elle, abaisse l’âge minimum légal à 16 ans et prévoit des exceptions bien en-dessous, à condition qu’un tribunal religieux ait donné son accord, explique l’Independent. D’après des chiffres cités en 2016 par le quotidien malaisien de langue anglaise The Star, cité par l’Independent, plus de 9.000 mariages d’enfants ont eu lieu dans le pays durant les cinq dernières années. Le mariage d’une fillette de onze ans d’origine thaïlandaise avec un homme de 41 ans a récemment défrayé la chronique. Les parents de la fillette travaillent dans une plantation de caoutchouc et le marié est un riche commerçant malais qui a déjà deux femmes et six enfants. “C’est choquant et inacceptable”, a réagi la représentante de l’Unicef en Malaisie, Marianne Clark-Hattingh. Rappelant qu’il s’agit d’une “violation des droits” de la fillette, elle a exhorté le gouvernement malaisien à lancer une réforme législative fixant l’âge minimum du mariage à 18 ans sans exceptions.
Le Vieux continent
On pourrait croire dans ce contexte que le problème ne concerne pas le Vieux Continent. Or, ce n’est pas le cas. Même si les cinq pays à enregistrer le plus grand nombre de mariages d’enfants ne se situent pas en Europe — Bangladesh, Tchad, Guinée, Mali et Niger, où plus de 60% des filles se marient avant 18 ans — le phénomène concerne également le continent européen à travers l’immigration et le met face à certaines décisions à prendre.
On le voit avec la Suède, l’un des pays les plus ouverts à l’immigration et en même temps l’un des plus progressistes sur les questions sociales, comme les droits de l’enfant. Un débat politique très animé se déroule en ce moment sur le sujet. L’opposition accuse la coalition rouge-vert au pouvoir “d’inaction”, et le gouvernement de “prudence excessive pour ne pas dire culturellement insensible”, rapporte la journaliste Nathalie Rothschild sur le site Politico Europa. Bien que le mariage de mineurs soit illégal en Suède, le pays reconnaît ce type d’union lorsqu’il est contracté à l’étranger. La coalition gouvernementale a présenté en mai dernier une proposition visant à combler cette lacune juridique mais on ne sait toujours pas comment Stockholm compte s’y prendre pour faire appliquer la loi. Un rapport établi en 2016 par l’agence nationale pour l’immigration ne parle que de 132 demandeurs d’asile mineurs déjà mariés au moment de leur arrivée en Suède. Mais ils sont probablement plus nombreux, estiment les autorités.
L’Italie n’est pas épargnée par ce phénomène.Il y a quelques jours le magazine italien L’Espresso y a consacré un article, rapportant l’histoire d’une victime d’un mariage mixte à l’âge de 14 ans. La jeune K. a été mariée à un homme qui est son ainé de douze ans, devenant “la propriété de cet homme” dès “l’arrangement” conclu avec son père. “Je n’étais pas une personne, j’étais un objet”, explique-t-elle. L’adolescente a pu échapper à son bourreau de mari grâce à un maréchal de l’arme des carabiniers et l’association Differenza Donna de Rome.
La situation à l’étranger
Si certains pays d’Amérique latine, comme le Salvador, le Guatemala et le Honduras, l’ont récemment aboli, le mariage des enfants est étonnamment répandu aux États-Unis. Selon l’association Unchained At Last, citée sur le site AZcentral, dans plus de la moitié des 50 États de l’Union, la loi ne prévoit aucun âge minimum pour le mariage. Le nombre d’enfants mariés entre 2000 et 2015 au niveau national s’élèverait ainsi à 207.468 personnes. Dans le comté de Maricopa, en Arizona — le seul à enregistrer l’âge des demandeurs — une centaine de mineurs obtiennent chaque année le document (marriage license) qui autorise leur mariage. Sur les 570 autorisations délivrées entre 2012 et 2017, 406 sont des jeunes de 17 ans et 164 des jeunes de 16 ans. Dans 82% des cas, il s’agit de mineures épousant des hommes adultes. Dans 9% des cas, il s’agit de garçons épousant des femmes plus âgées et dans 9% des cas, de mariages entre deux mineurs. La plus grande différence d’âge enregistrée est celle de deux hommes de 41 et 37 ans avec des jeunes filles de 17 ans.
Plusieurs États ont depuis peu adopté des lois pour mettre un terme à ce type d’union. Y compris le Missouri, le seul État américain où, il y a quelques semaines encore, la signature d’un seul parent suffisait — même si l’autre n’était pas d’accord — et où il n’était pas nécessaire d’obtenir l’autorisation d’un juge pour permettre à un jeune de 15 ans de se marier, rappelle Kansas City Star. Pour les moins de 14 ans, le mariage était également possible mais avec le consentement d’un juge. Raison pour laquelle cet État était devenu la destination idéale pour de nombreuses personnes à la recherche d’un mariage réparateur, et pour éviter toute accusation éventuelle de viol statutaire (statutory rape). En mai dernier, le Delaware a été le premier État à avoir aboli complètement le mariage des enfants (il est maintenant illégal de se marier avant 18 ans, même si les parents y consentent).
Drame mondial
Le mariage précoce affecte les droits de millions de filles dans le monde entier — 14 millions selon le site Plan-International.it — forçant ces enfants à quitter l’école et à « retomber dans le cercle vicieux de la pauvreté ». Dans les pays en développement, une fille sur trois se marie avant ses 18 ans et une sur neuf est mariée de force avant l’âge de 15 ans. Par ailleurs, “les filles sans instruction ont trois fois plus de chances de se marier avant l’âge de 18 ans que celles qui ont fait des études secondaires ou supérieures”, ajoute le site. Ce dernier rappelle que “les mariages précoces ont un impact négatif sur la santé des filles”, car “ils augmentent les risques de violence, d’abus, d’infection par le VIH et conduisent à des grossesses prématurées”. En effet, il ne faut pas oublier que “les grossesses et les accouchements sont la principale cause de mortalité chez les filles de 15 à 19 ans” et que “les risques de décès néonatals sont 50% plus nombreux” chez les enfants de mères adolescentes.
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