René Écochard, professeur au CHU de Lyon et à l’Université Lyon I, épidémiologiste, enseignant à l’Institut pontifical Jean-Paul II (Rome), est intervenu lors du colloque organisé mi juin par l’Institut Catholique de Toulouse sur « Le temps de la femme ». Ce professeur de médecine a montré comment la femme développait des compétences de vie différentes à chacune des trois saisons naturelles de son cycle.
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Le cycle féminin comporte trois saisons, la période de latence, la période fertile et la période non-fertile post-ovulatoire (qui suit l’ovulation). Ces trois temps sont pour la femme trois saisons du corps (1) : la latence est une saison de repos hormonal ; la période fertile est marquée par un niveau sanguin élevé d’œstrogènes, hormones de la féminité ; et pendant la période post-ovulatoire s’ajoute la progestérone, hormone de la maternité, venant développer ce que la période précédente a préparé.
Ainsi, chaque mois, le corps féminin est marqué par ces trois saisons complémentaires sur le plan hormonal : le repos, la féminité et la maternité. Le dynamisme de la femme est orienté de façon différente selon les saisons du cycle. En période fertile, où la féminité est « en fête » sous l’effet des œstrogènes, la femme développe mille qualités que nous connaissons à la féminité. En période post-ovulatoire, saison plus colorée de maternité, d’autres domaines d’intérêt prennent le dessus : la femme est dans un temps où elle apprécie de prendre plus de recul : elle voit plus loin, comme le fait une mère.
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De même que l’alternance des saisons donne le rythme de la vie quotidienne, les temps du cycle sont des temps de développement des deux grands vécus féminins, la féminité et la maternité, et si on y prête attention, des temps du couple. La fin du cycle et les premiers jours des règles peuvent être marqués par des désagréments voire des douleurs. Ces douleurs peuvent être diminuées par des soins assez simples. Pour l’époux, c’est un appel à prendre soin de son épouse, dont le cycle est lieu de la transmission de la vie.
Les travaux de neurophysiologie montrent que les aptitudes de la femme sont clairement différentes selon chacune des trois saisons du cycle féminin : tout se passe comme si la femme développait des compétences de vie différentes à chacune des trois saisons du cycle. Des récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone sont présents dans nombre de sites déterminants du cerveau donnant de possibles explications à ce qu’on observe plus simplement par des tests ou des questionnaires.
Les hormones naturelles du cycle et la pilule
Des merveilles sont déployées par la nature pour nous aider à répondre à notre vocation de femme ou d’homme. Si nous interrompons les processus biologiques qui sous-tendent nos inclinations naturelles, nous rendons plus ardu notre chemin pour devenir ce que nous sommes. À notre époque, en Europe, plus de 60% des femmes en âge de procréer utilisent la pilule et n’ont donc pas de cycle féminin. L’arrêt temporaire de la pilule chaque mois provoque un saignement qui ressemble à des règles sans en être. Sous pilule, la femme n’a plus de cycles féminins. Certes, une femme sous contraceptif garde sa beauté, reste féminine et sera sans doute une bonne mère lorsqu’elle concevra un enfant, mais elle n’est plus accompagnée par ses saisons hormonales. Elle s’en plaint parfois, sans savoir, bien entendu, que les troubles qu’elle présente sont des conséquences d’un manque plus général de ces saisons du cycle.
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Sachant qu’en de nombreux lieux du cerveau, il y a des récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone, il est imprudent de bloquer la sécrétion de ces hormones selon les saisons du cycle. Les hormones synthétiques utilisées dans la pilule ne reproduisant pas les saisons hormonales naturelles. S’il était question de supprimer la sécrétion de la testostérone des hommes, nous serions inquiets des répercussions potentielles sur la vie de l’homme et sur sa relation à son entourage. Les hommes seraient plongés dans un hiver hormonal, n’ayant plus ce dynamisme intérieur qui les active pour développer leurs inclinations naturelles. De même les femmes sous contraceptif hormonal restent pleinement femmes biologiquement, avec dans chacune de leurs cellules les chromosomes XX. Mais, de même que les plantes se développent peu en hiver et développent toute leur beauté au printemps, les femmes sous contraceptif hormonal ne bénéficient pas des développements que permettent les hormones naturelles. Signalons que le stérilet à la progestérone, dont l’utilisation se généralise actuellement en réaction aux effets délétères de la pilule, perturbe le cycle lui-aussi.
L’attachement mère-enfant grâce à l’allaitement
Lorsque l’enfant paraît, la mère et le père ne sont pas encore « attachés » à leur enfant. Bien sûr, cette naissance était attendue, et l’enfant est maintenant là, mais tout reste à faire pour qu’un lien joyeux relie l’enfant à sa mère et à son père. Ce lien va se développer au cours des semaines à venir. Certaines mamans s’étonnent de ne « rien ressentir », inquiètes de n’être pas immédiatement submergées d’amour pour leur petit. Elles craignent alors parfois d’être « une mauvaise mère ». Or il n’en est rien.
Il y a un chemin à faire pour que les parents s’attachent à l’enfant. Les tétées déclenchent le passage dans le sang d’une grande quantité d’ocytocine, qui provoque l’éjection du lait. Mais cette hormone a un autre effet, peut-être plus précieux encore : l’ocytocine favorise l’attachement de la mère à son enfant (2, 3). Or, bon nombre de mères, pour diverses raisons, ne vont pas allaiter leur enfant ! Une privation de l’allaitement n’empêche pas totalement que la mère s’attache à son enfant, soit une bonne mère, mais la mère ne bénéficie alors pas de l’aide précieuse prévue par la nature, aide constituée par l’imprégnation par l’ocytocine et les autres hormones sécrétée lors de l’allaitement. (4, 5, 6)
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Le père bénéficie aussi d’encouragements biologiques à s’attacher à l’enfant, mais aussi à son épouse qui s’occupe de leur petit (7). Les formes arrondies du bébé participent au processus d’attachement ainsi que son odeur. Il en est de même de la beauté du sein maternel tété par l’enfant né de leur union. De façon plus générale, l’émerveillement et l’empathie sont deux processus favorisant l’attachement. Les processus d’attachements de la mère et du père, l’un à l’autre et à leur enfant, ont un support biologique et l’allaitement y participe grandement. L’allaitement n’est pas indispensable à l’attachement mais y contribue.
Les bienfaits des processus biologiques
Ces deux exemples, le cycle féminin et l’attachement des parents à l’enfant, montrent que les processus biologiques n’agissent pas que sur le fonctionnement du corps mais aussi sur la personne, son corps et son esprit. Nous pouvons donc conclure que protéger les processus biologiques est bienfaisant, les altérer prive d’une aide précieuse.
(1) Écochard Isabelle et René, Intimité, sexualité, fertilité, Téqui 2015.
(2) Carter CS., “The Role of Oxytocin and Vasopressin in Attachment”, Psychodyn Psychiatry, 2017 Winter ; 45(4) : 499-517.
(3) Britton JR., Britton HL., Gronwaldt V., “Breastfeeding, sensitivity, and attachment”, Pediatrics, 2006 Nov ; 118(5).
(4) Tharner A., Luijk MP., Raat H., Ijzendoorn MH., Bakermans-Kranenburg MJ., Moll HA., Jaddoe VW., Hofman A., Verhulst FC., Tiemeier H., “Breastfeeding and its relation to maternal sensitivity and infant attachment”, J Dev Behav Pediatr., 2012 Jun ; 33(5) : 396-404.
(5) Bosch OJ., “Maternal nurturing is dependent on her innate anxiety : the behavioral roles of brain oxytocin and vasopressin”, Horm Behav., 2011 Feb ; 59(2) : 202-12.
(6) Nemsadze K., Silagava M., “Neuroendocrine foundation of maternal-child attachment”, Georgian Med News, 2010 Dec ; (189) : 21-6.
(7) Weisman O., Delaherche E., Rondeau M., Chetouani M., Cohen D., Feldman R., “Oxytocin shapes parental motion during father-infant interaction”, Biol Lett., 2013 Nov 13 ; 9(6).