Le père Jacques-Émile Sontag est mort en juillet 1918 à Ourmiah, en Perse, assassiné par Archad Humayoun, un Persan ennemi des chrétiens, lors de l’occupation par les troupes ottomanes.
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Alsacien et prêtre lazariste, le père Jacques-Émile Sontag (1869-1918) a été le premier archevêque latin d’Ispahan (en Iran actuel). La présence de cet archevêché latin dans ce pays peut sembler insolite. Elle s’explique par un processus remontant au XIIIe siècle. Le pape Innocent IV envoya des missionnaires latins au milieu des chrétiens de Perse, que l’on qualifiait alors de Nestoriens, et que l’on soupçonnait d’hérésie. Les missionnaires occidentaux avaient probablement un a priori négatif de ces chrétiens, qu’ils voulaient remettre sur le droit chemin. Mais avec la découverte de leur liturgie, de leur langue araméenne, ils sont devenus les premiers promoteurs de la culture assyro-chaldéenne. C’est à eux que l’on doit l’essentiel des dictionnaires araméens et la traduction des textes des Pères de ces Églises. Le père Jacques-Émile Sontag était de toute évidence lui-même passionné par ces communautés chrétiennes, auxquelles il a donné sa vie.
Une vie donnée à l’Orient
Le père Jacques-Émile Sontag, nommé délégué apostolique en 1910, entretenait d’excellentes relations avec les clergés assyro-chaldéens, développant le séminaire chaldéen de Khosrowa et encourageant l’apprentissage de l’Araméen. Il était aussi apprécié des communautés chrétiennes protestantes locales et des musulmans. Son action humanitaire lui valut une décoration, remise par le Chah d’Iran Ahmad Shah Qajar. Mais la position stratégique de Ourmiah, convoitée par les Turcs, les Russes et les Anglais, menaçait la paix fragile dont jouissaient les habitants de la ville.
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En 1911, les troupes russes prenaient possession de la région. Mais le 2 janvier 1915, alors que la Russie tsariste était en guerre contre l’Empire Ottoman, les armées russes se retirèrent pour des raisons stratégiques, laissant le champ libre aux armées ottomanes et aux éléments irréguliers kurdes, qui se livrèrent à de multiples exactions contre les chrétiens. Mgr Sontag était conscient de la situation. Sa mission ne fut pas attaquée pendant cette période, car des “personnages persans” la défendaient, écrivait-il. Cette mission a accueilli et sauvé des milliers de chrétiens en 1915, alors que le génocide opéré par les troupes ottomanes et leurs alliés kurdes faisait rage.
Les troupes russes revinrent en mai 1915, au grand soulagement des chrétiens. Ils commencèrent à s’armer, avec le soutien de l’Empire britannique qui leur promit en 1918 un État autonome chrétien assyro-chaldéen en échange de leur participation à la guerre contre l’Empire ottoman. Mais à la suite de la révolution de 1917, la situation se retourna à nouveau : les troupes russes se retirèrent une nouvelle fois de la région, laissant les chrétiens désemparés. L’aide anglaise promise fut très limitée, et les chrétiens virent avec angoisse les troupes Ottomanes revenir sur leurs terres. Beaucoup prirent le chemin de l’exil.
Pendant cette période, Mgr Sontag donna asile par charité chrétienne à Archad Humayoun, du 22 février à fin juillet 1918. Ce musulman iranien bien connu pour ses sympathies pro-turques, nourrissait en fait une haine profonde pour les chrétiens. Il fut un des chefs instigateurs des outrages perpétrés contre les chrétiens à Ourmiah, en février 1918, explique Joseph Yacoub, chaldéen et Professeur honoraire de l’Université catholique de Lyon. Il fut recueilli dans la mission lazariste avec sa famille et ses gardes du corps.
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En avril 1918, le Consul de France demanda à tous ses compatriotes de quitter le pays, où ils couraient désormais le risque d’être massacrés. Mgr Sontag refusa de quitter les lieux, écrivant : “Tant que mes chrétiens seront ici, ma place est au milieu d’eux”. Le 27 juillet 1918, il fut trahi et assassiné par Archad Humayoun et ses gardes du corps. Ils ouvrirent la mission lazariste qui fut pillée et un millier de chrétiens, qui avaient trouvé refuge à la mission, furent alors massacrés. Parmi eux se trouvait Mgr Thomas Audo, archevêque chaldéen d’Ourmiah.
Vers une béatification ?
“Nihil Obstat”. Rien ne s’oppose à ce que la cause en béatification des martyrs chaldéens d’hier et d’aujourd’hui soit entendue, selon le Préfet de la Congrégation pour les causes des saints. Le père lazariste Jacques-Émile Sontag en fait vraisemblablement partie. Joseph Yacoub, qui œuvre dans ce sens, est membre de la commission qui a en charge ces béatifications, sous la direction du postulateur, le père Dr. Luis Escalante. Pour Joseph Yacoub cela ne fait aucun doute : “Mgr Jacques-Émile Sontag est un martyr de la foi !” Passionné par ce personnage, il décrit un “homme de paix”, qui faisait l’unité des chrétiens et était apprécié des musulmans. Son nom est encore connu et révéré parmi les chrétiens chaldéens mais aussi assyriens et protestants. Le 1er septembre prochain, une statue à son effigie sera dressée dans son village natal de Dinsheim.