Vous avez un bon médecin ? Vous le consultez depuis longtemps, depuis des années peut-être ? Avez-vous une relation ouverte et franche avec lui ? Alors, gardez-le précieusement car vous n’imaginez pas le pouvoir d’une telle relation sur la durée de votre vie. Selon une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’University of Exeter Medical School, en Angleterre, garder le même médecin tout au long de sa vie a des effets bénéfiques. Premiers à évaluer de manière systématique les liens qu’il peut y avoir entre la continuité des soins et le taux de mortalité -, les scientifiques anglais ont décortiqué parmi 726 articles, 22 études provenant de neuf pays et cultures différentes, dont le Canada, l’Angleterre, Israël, les États-Unis et la Corée du Sud. Toutes ont été publiées entre 2010 et nos jours.
Dans leurs conclusions publiées sur le site BMJ Open de la revue British Medical Journal, les auteurs déplorent que si l’essor des sciences médicales depuis le XIXe siècle a été décrit à de nombreuses reprises pour démontrer son efficacité, “la recherche sur les aspects humains des soins médicaux n’a que très rarement été mise en avant”. La valeur du contact personnel entre patients et médecins s’est perdue, relèvent les chercheurs en citant les propos d’un récent éditorial du New England Journal of Medicine (NEJM).
Continuité des soins
Pour évaluer une assistance ou des soins interpersonnels, il faut mesurer le niveau de “continuité des soins” qui se base sur les “contacts réguliers” entre un patient et son médecin traitant. Cette voie offre aux deux catégories concernées la possibilité d’améliorer la compréhension de leurs priorités et points de vue respectifs. “Il y a continuité de soins lorsqu’un patient et un médecin se voient régulièrement et apprennent à se connaître”, explique le professeur Philip Evans, co-auteur de l’étude, cité sur le site Medical News Today.
Ce mécanisme apporte un certain nombre d’avantages. Le patient a confiance en son médecin de base. Il est plus satisfait et adhère plus facilement au traitement prescrit. Cela se traduit alors par une réduction des hospitalisations, soulignent les auteurs.
Réduction importante de la mortalité
Selon la grande majorité des études examinées par les chercheurs britanniques – 18 sur 22, soit 82% – il y a un rapport entre la continuité des soins et une “réduction importante de la mortalité”. Ce rapport, relevé dans neuf pays, à travers trois continents, entre des populations et des systèmes de santé très différents, ajoute BMJ Open, montre que “le facteur humain est essentiel”.
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Pendant 200 ans, les progrès de la médecine ont été essentiellement techniques et impersonnels. Et l’attention portée à l’aspect humain s’en est ressentie. Or, il se trouve que “progrès ou pas, la continuité des soins est un maillon important de la pratique médicale, et peut devenir potentiellement une question de vie ou de mort”, concluent les auteurs de l’enquête.
L’avantage de garder longtemps le même médecin de référence vaut pour les spécialistes et pour les généralistes ou médecins de famille (comme on les appelle aussi), a déclaré le professeur Sir Denis Pereira Gray, du St Leonard’s Practice. “Nous avons trouvé des articles qui incluent les chirurgiens et les psychiatres, donc nous pensons que l’aspect humain a des effets vraiment importants dans la médecine”, explique-t-il dans des propos rapportés par Guardian.
Pour sa part, le système de santé britannique a promis 2,4 milliards de livres sterling en plus par an pour la médecine de base et 5 000 nouveaux médecins de famille d’ici 2020, selon la BBC. Une démarche accueillie positivement par le Royal College of General Practitioners (RCGP), l’organisme professionnel des médecins généralistes, qui l’estime nécessaire pour sauvegarder l’avenir de la médecine de base et de l’assistance aux patients.
La situation italienne
L’Italie peut être fière de son système de santé, car il permet à tous ceux qui sont inscrits et bènéficient d’une carte de santé, d’avoir accès gratuitement à tous les services de base, tels que le médecin de famille et un pédiatre de référence. Néanmoins un danger plane sur le modèle italien ( et donc sur la continuité des soins en Italie) : il commence à y avoir pénurie de médecins, chez les spécialistes comme chez les généralistes, ces derniers servant de “pont” entre chaque citoyen et le système sanitaire.
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Dans un communiqué, en février dernier, l’Association nationale des aides et assistants hospitaliers (ANAAO) et la Fédération italienne des médecins généralistes (FIMMG), a mis en garde contre une véritable « hémorragie ». Selon leurs estimations, dans les cinq prochaines années, jusqu’à 45 000 médecins italiens prendront leur retraite. Et dans 10 ans, c’est-à-dire en 2028, ils seront encore plus nombreux, donc la situation deviendra plus inquiétante. Le pays aura 80 000 médecins, dont près de 33 400 médecins de famille et près de 47 300 médecins en hôpitaux. Selon les estimations de l’institut national de la sécurité sociale en Italie (INPS) – qualifiées « d’optimistes » par le secrétaire de la FIMMG, Silvestro Scotti, sur Famiglia Cristiana –, au cours des cinq prochaines années, 14 millions de citoyens italiens risquent de rester sans médecin généraliste. L’écart entre les médecins partant à la retraite et les jeunes médecins qui peuvent prendre leur place est trop grand. Des régions comme la Lombardie, le Latium, la Campanie et la Sicile seront particulièrement touchées.
Pour combler ces lacunes, certaines régions ont déjà embauché des remplaçants provenant de l’étranger. A Rovegno, dans la haute vallée de Trebbia, à l’est de Gênes, est arrivé un remplaçant iranien qui, comme explique à Famiglia Cristiana le maire de la ville, Giovanni Isola, doit s’occuper 13 heures par semaine seulement, de tous les malades dans sept municipalités de la région. Même dans les proches environs de Milan, en Lombardie, les autorités locales ont dû se battre pour trouver au moins un médecin – au lieu des quatre postes disponibles – qui accepte de venir y travailler. Pour beaucoup d’Italiens, la question ne sera donc pas tant de savoir s’il convient ou non de garder son médecin de référence, mais plutôt de savoir s’ils en trouveront un.