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La GPA, démarche altruiste ou exploitation de la femme ?

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Paul De Maeyer - published on 09/07/18
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Entre batailles juridiques, découverte de trafics de mères porteuses et rêves d’individus en mal d’enfants, avec la GPA, on est parfois très loin de l’image romantique que certaines émissions veulent lui donner.On l’appelle “maternité de substitution” ou “location d’utérus”. Une pratique sociale de procréation qui permet à une femme d’être enceinte et d’accoucher d’un enfant pour le compte d’autrui, ce dernier aspect lui valant son troisième nom “gestation pour autrui” ou GPA en sigle. Les commanditaires, appelés aussi “parents intentionnels”, sont des célibataires, des couples, mariés ou pas, hétérosexuels ou homosexuels.

Il existe deux formes de GPA. La GPA dite “traditionnelle” où le sperme du père est utilisé pour féconder l’ovocyte de la mère porteuse. Cette dernière devient alors automatiquement aussi la mère biologique du nouveau-né. Et la GPA de type “gestationnel” qui consiste à transférer dans l’utérus de la mère porteuse un ou plusieurs embryons créés dans un laboratoire avec les gamètes des parents biologiques (ou de donneurs, en cas de stérilité de l’un des deux partenaires).

Les partisans de cette pratique ont tendance à décrire cette pratique comme un “service”. Au Canada, où la GPA gratuite est légale – la loi ne permet que le remboursement de certaines dépenses encourues par les femmes – la compagnie Canadian Fertility Consulting (CFC) s’occupe de faire le pont entre les parents intentionnels et les mères porteuses. Une des femmes “assistées” par le CFC s’appelle Stéphanie Aubry, 37 ans. “Si l’accouchement se passe bien et que je suis en bonne santé, j’espère pouvoir le refaire”, déclare-telle sur les ondes de Radio Canada. Stéphanie est déjà mère de deux enfants. Elle est à sa première expérience de mère porteuse. Et elle le fait pour le compte d’un couple homosexuel français.

L’Inde, une destination très prisée

En plus de soulever des problèmes de bioéthique, la “maternité de substitution” est une pratique qui favorise l’exploitation des femmes, surtout dans les couches les plus pauvres de la société, comme le révèle une étude de la chercheuse indienne Sheela Saravananan, qui a également travaillé à l’Université de Göttingen, en Allemagne. Dans un entretien accordé à FigaroVox où elle parle de ses dernières recherches contenues dans son ouvrage A Transnational Feminist View of Surrogacy Biomarkets in India (2018), celle-ci révèle les conditions dans lesquelles se déroule la gestion pour autrui en Inde .

Si le pays est devenu la destination préférée des parents intentionnels, c’est parce qu’en Inde “les mères porteuses n’ont absolument aucun droit sur l’enfant qu’elles portent, ni même sur leur propre corps tout au long de leur grossesse”, explique la chercheuse qui a bénéficié de l’aide de deux cliniques indiennes pour son enquête. On est très loin de l’image romantique que l’on nous montre dans certains talk-shows américains. En Inde, ajoute-t-elle, la GPA “est une violation flagrante des droits de l’homme” dont les risques sont importants pour la santé des femmes.

Les mères porteuses vivent neuf mois dans des surrogate homes à l’intérieur des cliniques, voire plus longtemps si elles allaitent leur enfant. Mais ces cliniques sont impliquées dans diverses activités illégales, a constaté la chercheuse. Elle ne fournissent aucune copie de leur contrat aux mères porteuses, elles fabriquent de faux certificats de naissance, et implantent systématiquement cinq embryons à la fois dans l’utérus de la mère, au lieu des trois autorisés par la loi, pour pouvoir procéder à des avortements sélectifs — en Inde, les garçons sont préférés aux filles — s’il y en a plus de deux qui sont viables.

Les raisons qui poussent de nombreuses indiennes à se proposer comme mères porteuses sont des raisons économiques. Généralement choisies parmi les plus pauvres, celles-ci peuvent toucher environ 3.500 euros par grossesse. Avec cette somme, elles peuvent acheter une maison, lancer une activité ou inscrire leurs enfants dans une école privée. “Ces cliniques ressemblent à de gigantesques bazars, où tout a un prix : le corps des femmes, leur lait maternel, le travail de nounous que certaines font pendant quelque temps après la naissance, le nombre d’enfants, leurs poids, leur sexe, leur santé, jusqu’à la caste sociale ou la religion de la mère”, conclut Sheela Saravananan.

Bientôt une loi en Inde

Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses voix se soient élevées pour demander au gouvernement de légiférer sur cette question, surtout après la découverte, en juillet dernier, d’un trafic de mères porteuses. Bien que l’Inde n’ait aucune loi interdisant de pratiquer la GPA, comme rappelle Diwakar Reddy, le directeur d’une clinique illégale dans l’État d’Andhra Pradesh, cité par La Croix, un projet de loi en ce sens – la Surrogacy Bill 2016 – attend toujours d’être présenté à la chambre basse du Parlement de New Delhi.

Le gouvernement dirigé par le parti nationaliste hindou BJP tendrait à réserver cette pratique aux seuls couples indiens mariés, c’est-à-dire à interdire la GPA aux étrangers, aux célibataires, aux couples non mariés et aux homosexuels. Le Parti d’opposition, Le Congrès, y voit une loi “de l’âge de pierre”,  tandis qu’un comité parlementaire a qualifié le projet de moralisateur, rapporte La Croix.

L’affaire Mitsutoki Shigeta

Un autre pays d’Asie, la Thaïlande, s’est retrouvée sous les projecteurs de l’actualité pour une affaire de GPA. Un riche Japonais, Mitsutoki Shigeta, a remporté mardi 20 février le droit de garde de treize enfants nés de mères porteuses en Thaïlande. Le Tribunal pour enfants de Bangkok a invoqué «le bonheur des treize enfants nés de mères porteuses» pour justifier sa décision d’accorder “l’intégralité des droits parentaux” à Mitsutoki Shigeta, lequel déclarait “rêver d’une famille nombreuse”, rapporte Le Temps. Selon le quotidien suisse, ce scandale a mis en lumière les zones grises du marché de la procréation médicalement assistée.

Après l’histoire du petit Gammy, l’enfant né en décembre 2013 d’une mère porteuse thaïlandaise et abandonné par ses parents biologiques australiens parce que trisomique, et celle de Mitsutoki Shigeta, les autorités thaïlandaises ont décidé d’interdire en 2015 la maternité de substitution aux citoyens étrangers. Après le non de la Thaïlande, le business de la GPA s’est déplacée au Cambodge voisin, où les autorités ont décidé à leur tour de l’interdire, en 2016, estimant que cette pratique exploitait les femmes. Néanmoins, La GPA semble encore répandue dans le pays. Le 23 juin dernier, la police cambodgienne a démantelé tout un trafic de femmes porteuses à Phnom Penh à qui avait été promis à chacune 10.000 dollars pour porter l’enfant d’un couple chinois, selon le Guardian



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Bataille juridique en France

L’histoire, en France, de deux couples se disputant juridiquement depuis 2013 un petit garçon né d’une mère porteuse, révélé par Le Parisien et relayé par La Croix, le 28 juin, montre bien les conséquences que peuvent entrainer une GPA. Des situations à la fois compliquées et délicates.

L’histoire, incroyable, commence en 2012 lorsqu’un couple d’hommes contacte, à partir d’un site Internet, une femme prête à porter un enfant par le biais d’une GPA. Non seulement celle-ci est payée mais elle accepte une insémination “artisanale” avec le sperme d’Alexandre L., l’un des deux hommes. Or quelques jours avant l’accouchement, la mère porteuse disparaît et fait croire au couple qu’elle a accouché d’un enfant mort-né. En réalité, le bébé est vivant et va bien. Elle l’a en fait vendu à un autre couple, hétérosexuel. En mars 2017, un premier jugement est prononcé, et le tribunal de Dieppe donne raison à Alexandre L., indiquant que le petit garçon devait désormais vivre avec son père biologique et son compagnon. Mais le 31 mai dernier, la cour d’appel de Rouen a infirmé ce premier jugement et donné raison au couple hétérosexuel qui l’élève depuis sa naissance.

Tout l’enjeu de ce contentieux est la conciliation entre deux principes qui peuvent sembler équivalents : celui de la vérité biologique et celui de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant”, explique à La Croix Jean-René Binet, professeur à la faculté de droit de Rennes et spécialiste de droit de la bioéthique.

Toujours en France, dans une tribune au journal Le Monde, publiée le 19 janvier dernier, une quarantaine de personnalités, dont le professeur René Frydman, “père” du premier bébé français éprouvette, se prononcent contre la gestation pour autrui, y voyant le fruit “d’un marché de la personne humaine” dont sont victimes les femmes les plus vulnérables. “Personne ne peut ignorer que cette pratique fait partie d’un marché procréatif mondialisé en pleine expansion, qui inclut, comme en Californie, la vente du sperme et des ovocytes – soulignent les signataires de la tribune –  Là où il existe, ce marché constitue une forme nouvelle d’appropriation du corps féminin”.


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