Lorsqu’Emmanuel Macron prendra possession de son titre de chanoine du Latran, le 26 juin, après avoir été reçu en audience par le souverain pontife, il s’inscrira dans l’héritage de douze siècles. Une histoire qui témoigne des liens privilégiés tissés entre le Saint-Siège et la France, et toujours bien présents dans la “cathédrale du Pape”.
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Le signe le plus connu, encore actuel, des liens entre la France et le Latran consiste en une cérémonie particulière, qui se déroule chaque année à Saint-Jean-de-Latran, cathédrale de l’évêque de Rome, et par là “mère de toutes les églises” du monde. C’est ici qu’est célébrée, le 13 décembre, une messe pour le bonheur et la prospérité de la France – Pro felici ac prospero statu Galliae. La date n’est pas choisie au hasard : il s’agit de l’anniversaire du roi Henri IV (1589-1610).
Cette cérémonie répond au don de l’abbaye de Clairac au chapitre de la cathédrale, en 1604. Les chanoines, reconnaissants, décident alors d’octroyer le titre de premier et unique chanoine d’honneur au chef de l’État français. Une tradition respectée depuis lors, malgré les années, les révolutions et les changements de régime.
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Quant à Henri IV, sa statue en empereur romain est toujours présente dans l’enceinte de la basilique. Située un peu à l’écart, elle est dépoussiérée pour les grandes occasions telles que les visites de ses lointains successeurs républicains.
Charlemagne, précurseur
En réalité, Henri IV n’a fait que confirmer l’octroi des revenus de l’abbaye de Clairac. Car la décision, elle, avait été prise plus d’un siècle plus tôt, en 1482, par le roi Louis XI. Un choix qui concernait également d’autres églises de Rome, comme Saint-Pierre au Vatican, et qui s’explique par le souhait de la France de renforcer les liens entre la “fille aînée de l’Eglise” et le successeur de Pierre, après l’épisode des papes en Avignon.
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Les historiens remontent même à Charlemagne pour dater l’origine des bienfaiteurs français du Latran. En témoigne la niche située en face de la basilique romaine, et qui abrite une riche mosaïque. Celle-ci est la seule trace d’une des salles de l’ancien palais du pape Léon III : l’abside de la salle à manger, appelée Triclinium Leoninum. Cette mosaïque représente notamment l’empereur Charlemagne et le pape Léon III, celui-là même qui couronna l’empereur à Rome, en l’an 800.
Un ciborium décoré de fleurs de lys
Mais on trouve également des signes de ce lien particulier avec la France à l’intérieur de la basilique romaine, en son cœur même. Le ciborium, cette construction en forme de grand dais qui protège l’autel et un reliquaire, porte les armes fleurs-de-lysées des rois de France, juste sous la représentation du Christ. La structure a en effet été financée par le roi Charles V en 1367-1369 pour abriter deux reliques essentielles.
À cette époque, le pape Urbain V (1362-1370) tente de ramener la papauté à Rome, sans succès. Avant de mourir en Avignon, le pontife parvient cependant à se rendre dans la Ville éternelle, et trouve le temps de faire installer deux reliquaires en argent dans le ciborium du Latran. Selon la tradition, l’un contient la tête de saint Pierre, l’autre celle de saint Paul.
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Ironie de l’histoire, les reliquaires en argent seront ensuite fondus pour payer le tribut exigé par un autre dirigeant français : Napoléon Bonaparte, après le traité de Tolentino en 1797 qui pille les États pontificaux.
Mention dans la lettre du président Macron
Enfin, la cathédrale romaine contient une dernière marque de son histoire commune avec la France. Dans une petite chapelle en face de la sacristie, un monument est érigé à la gloire du roi Louis XV (1715-1774). Malgré son importance, il est méconnu puisqu’il se trouve dans une partie qui ne se visite pas.
Une référence à ce monument a toutefois été faite dans la lettre du président Macron acceptant son titre de chanoine d’honneur, révèle le Père Louis Duval-Arnould, seul autre membre français du chapitre. Signe que malgré les années et l’affirmation laïque de la République, la France n’oublie pas sa prédilection pour la ’mère de toutes les églises’.