La maison de vente aux enchères Christie’s, à Londres, mettra en vente le 11 juillet prochain une Bible exceptionnelle commandée par roi Philippe II d’Espagne. Un chef-d’oeuvre de la Renaissance que nous dévoile France Huyard, spécialiste du département Livres rares et manuscrits chez Christie’s.
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Les amateurs de manuscrits médiévaux seront certainement très nombreux à assister à la vente de la maison Christie’s à Londres. Le 11 juillet prochain, une exceptionnelle Bible polyglotte, commandée par le roi Philippe II d’Espagne, sera proposée à la vente. Réalisée par le célèbre atelier d’impression de Christophe Plantin à Anvers, elle demeure l’unique exemplaire, sur les treize imprimés sur vélin, à appartenir encore à un collectionneur privé.
Aussi connu sous le nom de “Biblia Regia” ou “Bible polyglotte d’Anvers”, ce manuscrit est considéré comme la plus grande réussite de l’imprimerie Plantin. Dès sa conception, la Bible est destinée à devenir un grand projet. “L’idée de départ était de réaliser une seconde édition de la Bible polyglotte d’Alcalá, publiée entre 1514-1517 et très vite épuisée, mais l’entreprise va finalement être plus ambitieuse”, précise France Huyard. En effet, la Bible Plantin va surpasser la Bible d’Alcalá et s’enrichir de nouvelles traductions.
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L’initiative de l’entreprise revient à l’imprimeur Plantin d’Anvers qui décide, en 1566, d’exposer des feuillets-modèles de la Bible d’Alcalà à la foire de Francfort. Ces feuillets suscitent immédiatement l’intérêt de l’électeur de Saxe, Auguste Ier. Puis Plantin parle de son projet à l’archevêque de Malines (Belgique), qui se charge d’en parler au roi Philippe II d’Espagne. Enthousiaste, le roi promet de financer l’impression de cette nouvelle Bible, souhaitant même s’impliquer personnellement en relisant chaque feuillet du manuscrit.
La direction scientifique est confiée à Benito Arias Montano, orientaliste espagnol, qui avait parcouru de nombreuses bibliothèques à travers l’Europe pour trouver des sources supplémentaires — en plus de la Bible d’Alcalá — afin d’éditer les textes les plus récents et les plus fiables. “Depuis la Bible d’Alcalá, d’autres travaux philologiques et exégétiques importants avaient été réalisés”, précise France Huyard. “En 1527, le dominicain Sante Pagnini avait publié une nouvelle version latine de la Bible, traduite plus exactement de l’hébreu et du grec ; en 1534, Sebastian Münster avait fait paraître un Ancien Testament en hébreu avec une traduction latine et en 1542, le bénédictin Isidoro Chiari avait produit une Vulgate révisée où il n’apportait pas moins de huit mille corrections.”
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Un travail titanesque
Il a fallu à Plantin, cinq ans, quatre presses et quarante ouvriers pour imprimer la Bible. Il avait engagé pour l’occasion les meilleurs concepteurs de caractères de l’époque tels Guillaume Le Bé et Cornelis Van Bomberghen pour l’hébreu et Robert Granjon pour le grec et le syriaque. “Ce fut une entreprise exceptionnelle que d’imprimer un tel ouvrage, ne serait-ce qu’en termes de taille. Christophe Plantin fit graver et fondre des caractères spécialement pour cette Bible. Et le papier était plus beau que celui de la Bible d’Alcalá. La Bible polyglotte d’Anvers constitua une vraie avancée dans l’histoire de la technique de l’imprimerie”, déclare France Huyard. Sa décoration est particulièrement sobre, quelques gravures viennent illustrer le texte ou décorer les titres. “La beauté de cet ouvrage réside avant tout dans la qualité des caractères, du parchemin et de la mise en page.”
Destinée à être publiée en 1.200 exemplaires, la Bible sera imprimée sur quatre variétés de papiers. Parmi ces copies, treize seront imprimées sur du velin précieux pour l’usage personnel du roi Philippe II et pour les offrir en cadeaux. Seuls dix autres exemplaires sur vélin — avec celui mis en vente chez Christie’s — ont survécu : sept se trouvent en Espagne, un à Turin, Londres et au Vatican.
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En attendant la vente, la Bible sera exposée dans son lieu d’origine, au musée Plantin-Moretus à Anvers — demeure où se trouvait l’imprimerie — le 21 et 22 juin. Le musée possède une collection importante d’outils d’imprimerie et environ 25 000 ouvrages. En 2011, les archives de l’imprimerie Plantin ont été ajoutées au Registre de la Mémoire du monde de l’Unesco. Estimée entre 450 000 et 650 000 euros, on ignore actuellement si le musée souhaite se porter acquéreur de la Bible.