Cadres, employés, chefs d’entreprise, mais aussi mères de famille ou jeunes diplômés, la souffrance au travail touche de plus en plus de personnes aujourd’hui. Révélées par du stress, de la solitude, un burn-out, de l’épuisement ou une dépression, ces difficultés peuvent avoir de lourdes conséquences sur la vie familiale ou personnelle.Ses limites, Xavier les a poussées jusqu’au bout. Aujourd’hui il a retrouvé énergie et sourire, mais il y a quelques mois, il a vécu un « burn-out », un syndrome d’épuisement professionnel. Un matin, ses jambes ne lui répondent plus. Sa tension est au plus faible. Comme si quelqu’un avait éteint la lumière… Hospitalisé d’urgence pendant plusieurs semaines, il prend conscience qu’il a été trop loin. Son credo était « toujours plus » pour répondre aux impératifs parfois inatteignables de rapidité, de rentabilité, de productivité. Sans se rendre compte, Xavier avançait la peur au ventre. Jusqu’à ce qu’il craque. N’aurait-il pas pu détecter quelques signes avant coureur et détecter sa souffrance à temps ? Le père Paul Denizot, Nicolas Iordanoff et Vincent Bühler, respectivement prêtre, coach, et psychologue, nous éclairent sur les signes qui doivent alerter avant de succomber à ces pathologies qui entraînent des arrêts maladies de plusieurs mois et concernent selon la sécurité sociale plus de 10 000 personnes en 2016.
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La souffrance au travail c’est quoi ?
« C’est l’effet toxique du travail sur la santé d’une personne », définit Vincent Bühler, psychologue. Elle conduit souvent à empêcher l’individu à poursuivre son activité. Cette souffrance a lieu sur le lieu du travail mais n’est pas forcément dû au travail. Il y a toujours une accumulation, une conjugaison de plusieurs facteurs auxquels le travail participe ou le déclenche. Selon ce psychologue, cette souffrance répond à un manquement de l’entreprise à jouer son rôle social, à bien organiser le travail de ses salariés. Un rôle pourtant primordial car « le travail est un contenant social qui nous permet d’exprimer qui on est, ce qu’on peut donner, ce qu’on vaut. Il agit sur toute notre dynamique personnelle », précise Nicolas Iordanoff. Le travail est un lieu de réalisation de la personne : « On va au travail pour exister, pour participer à quelque chose, pour être reconnu », complète le père Denizot. « Toutes nos discussions avec les êtres en souffrance nous amènent à réfléchir au sens de leur travail. Cette question est en général au cœur du problème. »
Quelles peuvent être les causes de ces difficultés?
Les souffrances dans le cadre d’une activité professionnelle peuvent avoir plusieurs origines comme une surcharge de travail, la perte de sens du travail ou des valeurs partagées avec l’entreprise, une mauvaise évaluation des compétences, du harcèlement, de l’indifférence, un sentiment de domination, le poids des responsabilités ou encore un salaire trop faible. « Le thème des compétences revient assez souvent dans les témoignages que nous recevons », raconte le père Denizot. Il a reçu le témoignage de plusieurs étudiants de grandes écoles qui acceptent des postes à haute responsabilité mais avouent ne pas avoir été formé durant leurs études à manager une équipe. Ils se retrouvent alors parfois dans des situations de grande difficulté, de grande souffrance, et provoquent sans le vouloir des effets toxiques en cascade.
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Comment s’exprime cette souffrance ?
Elle est très protéiforme. « Elle peut se passer entre un individu et d’autres personnes de l’entreprise. Elle peut aussi concerner juste un individu », explique Nicolas Iordanoff. Les causes, conscientes ou inconscientes, entraînent, selon les cas, au pire une dépression ou un burn-out, sinon de l’épuisement, une perte de l’estime de soi, une profonde tristesse, du stress… Chacun exprimera sa souffrance de manières différentes en fonction de la situation et de son caractère. Chacun restera plus ou moins longtemps dans cet état de souffrance avant de réellement craquer. Mais lorsque les difficultés apparaissent la plupart des personnes ne parviennent pas à faire évoluer leur situation seule et ont peur de modifier leur travail par crainte du changement ou du chômage.
Savoir détecter les signes d’alerte
Aussi est-il précieux de savoir détecter les signes qui doivent alerter avant de perdre le contrôle. Boule dans le ventre, insomnies, pleurs, irritabilité, mal de dos, fatigue excessive, anxiété, rumination mentale, « tout le stress que l’on ne peut pas gérer s’imprime sur notre corps », explique une psychothérapeute. « Aussi tous ces symptômes doivent être pris au sérieux et nous inviter à réfléchir ». Il y a trois questions simples à se poser : Comment je vais ? Est ce que mon travail me convient ? Qu’est ce qui me fait souffrir ? Il est alors très important d’exprimer ce qui ne va pas avec ses proches et ses collègues. Surtout ne pas rester dans le silence mais dire la vérité et être authentique. Attention néanmoins à ne pas tenir l’entreprise pour unique responsable : on a tendance à tout faire porter à l’entreprise or il existe des patrons bienveillants. Il faut toujours tenir compte que dans la souffrance ressentie, il y a une part liée à l’individu et une autre liée à l’entreprise. Mais souvent c’est l’entreprise en tant qu’organisation qui est mise en cause car certaines poussent des individus à avoir des comportements toxiques.
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Écouter et comprendre la souffrance
La démarche des professionnels qui aideront les personnes en souffrance « n’est pas de juger ou de trouver des responsables », souligne Vincent Buhler mais plutôt d’écouter et de comprendre la souffrance de la personne pour pouvoir ensuite l’éviter ». Après un retour sur son parcours professionnel, chacun apprend à identifier ses erreurs : savoir dire non, lever le pied, s’affirmer, etc. Une réflexion est alors engagée pour savoir comment réorganiser son travail de manière à retrouver un épanouissement. “Quand ils viennent nous voir, ils arrivent la tête basse mais quel bonheur de les voir repartir avec confiance !”, témoigne ce coach. Le sanctuaire de Notre-Dame de Montligeon, dans le cadre de sa mission de consolation, propose depuis cette année des sessions d’accompagnement à toutes les personnes, chrétiennes ou non, en situation de souffrance.