Quand le temps qu’il fait ne correspond pas à ce que voudrait la date, il suffit de prendre le calendrier liturgique pour retrouver où l’on en est.
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Nul n’est indifférent au temps qu’il fait. Un beau soleil met de bonne humeur — si la température ne monte pas trop et si ça ne tourne pas à l’orage. De la pluie et du vent compliquent la vie et donnent envie de se calfeutrer chez soi. Le gel perturbe bien des activités. Les prévisions météorologiques dans la presse écrite et audiovisuelle — et aussi sur les « réseaux sociaux » et des « applis » en pagaille — sont aujourd’hui un des plus gros succès médiatiques : c’est objectif et consensuel ; et surtout, comme on n’aime pas subir, même si c’est un domaine où rien n’est contrôlable, au moins on n’est pas pris au dépourvu.
Ça devrait tourner carré…
La météo si populaire ne fait toutefois pas le bonheur. Si tout ne se passe pas comme anticipé, c’est déstabilisant : qui croire si l’on ne peut plus se fier aux déductions d’ordinateurs malaxant des observations scientifiques toutes fraîches de phénomènes naturels avec des tonnes de données antérieures ? À quoi s’ajoute que les saisons ne se succèdent pas de façon aussi régulière et cohérente qu’on le voudrait pour vivre dans un cadre bien balisé, où le temps qu’il fait devrait être en corrélation avec le temps qui passe. Il arrive qu’il neige en mai et que l’on frise les 20°C en décembre. Ces écarts par rapport aux moyennes non seulement enregistrées mais encore inscrites dans les mémoires comme des normes immuables accentuent l’anxiété qu’inspirent les discours inquiétants sur le dérèglement climatique.
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Dans notre culture, bizarrement, le cycle des saisons tourne non pas rond mais carré : nous avons quatre saisons d’égale longueur : une froide (l’hiver), une chaude (l’été) et deux intermédiaires, du froid au chaud (le printemps) et du chaud au froid (l’automne). En réalité, il n’y a pas de déclic toutes les treize semaines. On a une période où la fraîcheur domine, mais avec des hauts et des bas, une autre où la tiédeur l’emporte, de même sans rester longtemps au même niveau, et deux phases de transition où les évolutions sont loin d’être rectilignes et de durer trois mois. Et l’on remarque et retient surtout les jours assez nombreux où le temps ne correspond pas à celui que voudrait la date.
… Mais il n’y a pas d’angles ni de lignes droites
Tout ceci conduit à la remarque désabusée qu’« il n’y a plus de saisons ». Ainsi quand il faut une petite laine pour assister au feu d’artifice du soir du 14 juillet, ou quand il n’est pas besoin d’un grosse doudoune pour sortir en janvier. L’insécurité des repères vient en partie de l’immédiateté et de l’étroitesse de l’information. Si un record de température est battu pour un jour donné, ça fait du buzz. Mais ça s’oublie vite et c’est relativisé si l’on regarde les minima ou maxima enregistrés (depuis environ 150 ans seulement) aux dates voisines. Les moyennes mensuelles ou saisonnières ne sont pas tellement plus significatives, parce que ces unités temporelles sont plaquées sur les phénomènes atmosphériques et ne les conditionnent pas.
Il faut observer que la division de l’année en quatre saisons égales n’est pas universelle. Dans certaines civilisations, il y en a deux ou trois, et parfois plus de quatre. Même en Occident, les dates de changement varient… Ici on suit la lune, là le soleil et ailleurs encore les deux. Les uns décident que les basculements se font aux solstices et équinoxes. Les autres s’inspirent des effets, généralement un peu décalés par rapport aux mécanismes élémentaires de l’astronomie, qu’ont les variations climatiques sur les paysages. Mais quel que soit le calendrier retenu, le parcours n’est jamais rectiligne au sein de chaque saison et il n’y a jamais de virage net au jour dit lors du passage à la suivante.
Reconnecter le temps qu’il fait et le temps qui passe
N’y a-t-il donc qu’à se résigner à vivre dans des approximations et des prévisions à très courte échéance ? C’est après tout un rappel que l’homme n’est pas totalement maître de la nature et que celle-ci ne se laisse pas plus reprogrammer selon une arithmétique calendaire qu’elle ne se laisse enfermer dans la géométrie des jardins à la française.
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Mais il existe un moyen très simple d’harmoniser le temps qui passe et le temps qu’il fait, et donc de vivre dans un environnement où le moment de l’année et le climat ne sont pas déconnectés : c’est de suivre le calendrier liturgique. Les événements qui y sont rappelés et actualisés donnent un sens au moment de l’année et en définissent l’ambiance en approfondissant l’horizon, parfois à contrepied de ce qu’inspire sur l’instant la météorologie.
Les fêtes qui colorent les saisons
Tout recommence en effet chaque fois avec l’Avent, c’est-à-dire quand tout s’assombrit et se refroidit sensiblement : c’est alors que l’Église invite à se préparer à accueillir, quand les nuits sont les plus longues, la lumière de Noël. Nouvelle préparation quand les rigueurs hivernales semblent n’en plus finir : c’est le Carême, avant la Semaine sainte qui annonce le retour des beaux jours. Le temps de Pâques déploie les mystères les plus décisifs de la Révélation, jusqu’à l’Ascension, la Pentecôte, le Saint-Sacrement et la Trinité, alors que tout reverdit et fleurit comme pour participer aux fêtes.
Après, comme déjà entre le temps de Noël et le Carême, c’est, jusqu’au Christ-Roi qui clôt l’année, le temps « ordinaire ». Non que tout y soit monotone. Il y a d’abord chaque dimanche, où la messe à ne pas manquer rebranche (si l’on peut dire) sur les événements qui sont au cœur non pas de la saison, ni de l’année, ni même du siècle, mais de toute l’Histoire.
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Il y a encore les fêtes des saints : par exemple Jean-Baptiste puis Pierre et Paul qui ouvrent l’été, et surtout les célébrations mariales. Celles-ci constituent comme jeu alternatif de repères saisonniers, dans un apparent désordre qui, en fait, illustre la liberté de l’humanité pure et parfaite de la Vierge par rapport aux contraintes de la chronologie linéaire et aux caprices météorologiques : Immaculée Conception en décembre, Annonciation en mars, Assomption en août et Nativité en septembre.
Climat météorologique et spirituel
Le temps est ainsi meublé et structuré, sans nier les variations climatiques, mais en leur donnant une portée que ne peuvent leur offrir les mécaniques sans âme à l’aide desquelles on voudrait les réguler : le climat n’est plus seulement météorologique ; il est aussi spirituel.
Non que notre calendrier soit arbitraire ni même étranger à notre foi. Certes, la division de l’année en quatre saisons de trois mois remonte à l’Antiquité préchrétienne. Mais si l’Église a sauvé de la débâcle de l’Empire romain le calendrier attribué à Jules César avant de l’affiner sous le pape Grégoire XIII au XVIe siècle, c’est parce qu’elle y a reconnu toute une symbolique : autant de mois que d’apôtres et de tribus d’Israël, autant de saisons que d’évangélistes. Et elle n’a pas hésité à placer Noël au solstice d’hiver, non pour concurrencer et remplacer une fête païenne, mais pour illustrer l’ampleur cosmique de l’événement de la naissance du Christ. Le christianisme ne réprime ni la religiosité « naturelle » ni le progrès des connaissances, mais les inscrit dans un monde et une histoire plus vaste où chacun peut trouver sa place, que ce soit sous un ciel serein ou dans les tempêtes.