En ce mois de mai dédiée à Marie, découvrez la place privilégiée que la Vierge Marie occupe dans la foi des chrétiens d’Orient, et ceux de Syrie en particulier.
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Le mois de mai n’est pas un mois comme les autres dans les églises d’Orient. La dévotion à Marie y est plus visible qu’à l’habitude que ce soit dans la prière ou dans la vie quotidienne. En Syrie, tous les soirs du mois de mai, à 17h45, on entend les cloches des églises catholiques de Damas, d’Alep, d’Homs et de bien d’autres villes sonner pour appeler à la prière mariale. Dans les églises, les autels sont ornés de nappes bleues et blanches avec des fleurs naturelles renouvelées chaque jour. Les icônes de Marie sont habillées de bleu. Le parfum de multiples variétés de fleurs se répand dans les sanctuaires décorés par des bouquets de jasmin, de rose de Damas et même de glaïeuls. Il s’agit d’embellir la maison et offrir le plus beau à la Vierge Marie.
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Dans les paroisses, la prière mariale commence par la méditation du chapelet. S’en suit l’acclamation de la Vierge Marie par de nombreux chants qui lui sont consacrés. Ici, Marie est le modèle de la foi, et de nombreux fidèles accourent pour se remettre entre ses douces mains. Le père Raafat, curé de l’église Notre Dame de Damas, le confirme : « La Vierge est la mère de Dieu. Elle est pour nous les hommes plus qu’une amie, celle qui nous comprend et comprend notre situation humaine, nos maux, et nos problèmes. Nos luttes entre le bien et le mal. Elle est la lumière dans l’obscurité de ce bas monde. En elle, Dieu a choisi de mettre en route un nouveau monde, nous sommes tous ses fils. Alors Elle veille sur nous, comme toute mère le fait ».
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Le père Georges, de l’église Saint Cyril, abonde : « Dans toutes les prières et les messes, la Vierge Marie a une place spéciale, surtout dans le rite byzantin, adopté par les églises catholiques orientales. Elle transmet immédiatement nos prières au Christ. Et saint Éphrem l’a bien mentionné l’an 373 quand il a dit : “le jour où Marie accepta la volonté de Dieu, elle est devenue le ciel qui porte Dieu. En elle, se sont établies toutes les paroles des prophètes et des justes. Elle est le cep de vigne qui a porté la grappe.”
En mai, en Syrie, l’affluence dans les sanctuaires mariaux est considérable. Bon nombre de lieux de pèlerinage attestent de l’antique dévotion du peuple syrien à l’égard de la Vierge. Beaucoup de cathédrales et d’églises jouissent d’ailleurs du titre de la Vierge, Mère de Dieu à l’instar de Notre-Dame de Soufanieh à Damas ou du sanctuaire de Sednaya en banlieue damascène… Dans la vieille ville de Damas, le passant trouvera sur son chemin quantité de petits sanctuaires dans les ruelles ou à l’entrée des maisons dédiés à Marie.
“Notre arme pour l’union des familles”
Preuve de l’importance de la Vierge Marie pour les chrétiens d’Orient, il est fréquent de voir un chapelet accroché au rétroviseur des voitures ou à l’entrée d’un appartement. Beaucoup de mères orientales, croyantes, récitent le chapelet en groupe. En priant le chapelet et le Rosaire par sa simplicité et sa profondeur, les chrétiens de Damas n’entendent rien d’autre que de contempler avec Marie le visage du Christ. Le père Raafat le dit au quotidien dans ses prêches : « Qui peut mieux que Marie peut transmettre nos prières à Dieu. » Certes, le chapelet est une prière répétitive. Mais elle est aussi très populaire. Comme le souligne père Amer, curé de l’église Fatima, syriaque catholique : « Toute action répétée devient traditionnelle. Dans toutes les liturgies, même pour la messe, il faut veiller à ne pas tomber dans la routine, et ceci est le rôle du curé, des fidèles, des paroissiens, de leur spiritualité, de la chorale et de tout l’esprit qui se crée au cours de la prière ».
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Dans la prière du rosaire il y a de l’endurance, de la persévérance qui donnent toute la force aux fidèles. « Le chapelet est une arme puissante pour obtenir la paix, il est mentionné dans tous les messages de Notre Dame de Fatima » insiste le père Amer, « alors à plus forte raison en Syrie où les chrétiens souffrent du terrorisme islamique radical depuis plus de sept ans. Il est notre arme pour l’union des familles, de toute famille syrienne qui refuse le déracinement, qui veut rester dans ce pays, berceau des civilisations et lieu de naissance du christianisme. Il est notre carburant spirituel pour pouvoir transformer notre âme et notre corps, pour changer le cours de la vie des hommes, la vie de toute famille qui voudrait mettre Dieu au centre de son foyer ».
Marie protège nous
En Syrie, on rencontre beaucoup de Myriam, Mariam, Marie, Madone, Maria, Mariana, Marla, et bien d’autres. Autant de prénoms avec une seule et unique origine : le nom de Marie, mère et sainte. Elle qui représente toute la maternité, l’amour et l’affection dont les hommes ont tant besoin. Pleine de pureté, Elle devient mère en engendrant à la foi les enfants de Dieu. On la situe dans une dimension qui va même au-delà de la sainteté puisqu’Elle est la plus proche de Dieu. Elle veille sur ses enfants. Elle les protège, et là où la Vierge est chez elle, le diable n’entre pas. Et c’est dans cet esprit, que de plus en plus de femmes, tout âge confondu, choisissent de porter la robe de Marie en ce mois de mai.
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Dès qu’elle se décide, la personne intéressée réserve sa robe auprès de la paroisse à laquelle elle est rattachée et la loue pour une période déterminée, ou bien elle la fait faire chez un couturier. Il s’agit d’une robe bleue, aussi claire que le bleu du ciel, ce ciel pur et saint, loin des tentations du monde terrestre, avec un cordon blanc au niveau de la taille, qui symbolise les colombes de la paix. Avant d’être porté, l’ensemble doit recevoir la bénédiction du curé. Marine, 2 mois, est comme un ange dans cette minuscule robe, conçue à sa taille. Elle la porte pour que les grâces de Marie l’abritent et la protègent de tout mal. Tout comme Julie, cette jeune fille de 6 ans. Lors de sa grossesse, leur mère respective a vu la Vierge dans son rêve, et depuis, elle a fait le vœu de leur faire porter la robe à chaque mois de mai jusqu’à leur majorité. Marie est devenue leur patronne, leur protectrice.
Quant à Nisrine, une quinquagénaire, elle a fait le vœu de porter cette robe il y a cinq ans pour la protéger et protéger ses enfants, protéger son pays :« La Vierge Marie est notre mère, à nous tous, c’est un honneur de porter cette robe bleue et d’être à son image. C’est un vœu que j’ai fait depuis que j’ai guéri d’une longue maladies. Elle intercède pour nous, et comme dit la tradition, le Fils ne refuse rien à sa mère. Et contrairement à ce que l’on peut penser, avec cette tenue vestimentaire, je ne rencontre aucun problème. Je sors avec, je fais mes courses, je vais au travail, je mène ma vie normalement et je récite davantage le chapelet. Et malgré toutes ces années de guerre, soi-disant confessionnelle, j’ai senti beaucoup de sympathie et de compassion de mes collègues au travail, aussi bien musulmans que chrétiens. Moi, je viens de la région de Hassakeh, du Nord de la Syrie, et là-bas il y avait aussi des musulmanes qui faisaient ce vœu et portaient “la robe de Mariam”, comme elles le nomment. Car il faut savoir que Marie occupe une place éminente en islam, une sourate entière lui est dédié (la sourate de Maryam) car Marie représente le modèle parfait du croyant avec une sereine acceptation du décret divin, une des principales vertus du bon musulman ».
Deux pas plus loin, à la sortie de l’église, apparaissent deux jeunes filles de 13 ans, Maya et Farah, avec la même tenue pour avoir exaucé leur vœu. Pour l’une c’était la réussite de son examen d’entrée au collège, et pour l’autre, avoir guéri sa grand-mère paternelle. « On a vu notre amie qui a porté la robe bleue l’année dernière, on a beaucoup discuté avec elle, et elle nous a expliqué combien elle avait apprécié cette expérience, alors on a voulu en faire de même cette année. En effet, on ressent un sentiment très spécial, un apaisement difficile à qualifier, une certaine sérénité, une paix intérieure et beaucoup moins de stress et de peur, surtout avec toutes ces souffrances et toutes ces déchirures que vit le pays. On compte recommencer les années à venir. Les jeunes de notre âge adorent imiter leur idole, par la tenue vestimentaire, la coiffure, les tatous, et nous, nous avons choisi notre idole, nous avons voulu ressembler à notre mère, la Vierge Marie ». Pour toutes ces différentes « maries », la Vierge est leur référence, leur modèle.
Pour Maha, maman de 45 ans qui a perdu son fils au front, Marie est la mère, soumise et patiente : « Elle a une place intermédiaire entre le Ciel et la terre. Elle nous comprend car elle a donné vie, Elle est de chair. Elle a vécu l’enfantement et la souffrance, comme nous les humains. Tout le monde connaît le rapport qui existe entre les mères et leurs enfants dans les familles orientales. Alors à plus forte raison quand leur mère est la Vierge Marie. Alors si on oublie de la prier, nous perdons notre identité de fils. De plus, Elle a souffert, en tant que mère, elle a accepté de perdre le Christ, son fils, en acceptant la volonté de Dieu. Le port de cette robe me donne force et sérénité. Je me sens beaucoup plus proche de mon fils, là où Jésus et Marie veillent sur lui ».
Plus de sept ans de guerre. Une guerre sanglante et meurtrière, et des mortiers qui n’ont pas épargné le quartier chrétien des villes comme Damas, Alep, Homs et tant d’autres. Et, en dépit de tout cela, l’affluence des fidèles aux différentes cérémonies religieuses n’a cessé de croître. Beaucoup étaient convaincu que Dieu n‘allait pas les abandonner. Il testait seulement leur capacité à supporter la souffrance. Il testait leur foi.