L’émotion est grande ce matin à l’annonce du décès de celui que tous appelaient affectueusement « le père ». Charles Eynard de Monteynard, fondateur des camps de jeunes de l’Eau-Vive est décédé ce vendredi 4 mai à 2 heures du matin. Il avait 90 ans.
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Sa canne en bois noueux pointée vers le jeune qu’il interpelle, voilà l’image que garderont des générations de couples mariés, de maîtresses de maison et de moniteurs formés à l’encadrement, des dizaines de milliers de jeunes sans oublier plus de 400 prêtres. Un bilan impressionnant pour un vieux monsieur au caractère entier qui ne laissait personne indifférent.
Un précurseur des camps cathos de jeunes
Ancien jésuite puis voisin de classe du cardinal Lustiger au séminaire, sa rencontre avec Marthe Robin l’a profondément marqué. C’est auprès d’elle qu’il a eu l’intuition, dès l’été 1967, de créer des camps de jeunes pour les 7 à 20 ans : L’Eau-Vive.
Héritier de La Pierre qui Vire et des jésuites, le père de Monteynard a accueilli jusqu’à 750 jeunes par semaine pour des séjours d’hiver et d’été. Dans un cadre sublime et grâce à une discipline stricte, il a réussi à gagner la confiance des jeunes. Assurés d’être aimés, les participants acceptaient ces inévitables sanctions nécessaires à leur épanouissement . “Le poisson pourrit par la tête”, aimait-il répéter pour expliquer sa fermeté et l’exemple irréprochable qu’il demandait aux bénévoles.
L’œil amical, transparent, responsable
Éducateur du détail, le père de Monteynard n’en négligeait aucun. Et son perfectionnisme engendrait parfois des colères mémorables. Ainsi, une petite participante lui dit un jour, parlant comme un saint Jean Bouche d’or : “Comme j’ai hâte d’être vieille comme vous pour avoir le droit de faire des colères”. Ce qui l’amusa énormément. Il savait ainsi apprendre aux équipes de « maîtres de maison » comment balayer efficacement, avait une opinion bien précise sur le déroulement d’une soirée dansante — il prévoyait même des cours de rock pour encourager les plus timides ou une permanence d’adoration de 15 minutes pour reprendre ses esprits —, sans parler de la tenue à table.
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J’ai vu l’Eau-Vive
Ainsi à l’Eau-vive, qui voyait dans ses effectifs beaucoup de jeunes de bonnes familles, pas de faux complexes : la volonté du père était de leur apprendre comment vivre en chrétiens dans la société, que ce soit à la piscine, dans un rallye ou encore dans le rangement de sa chambre. Trente ans plus tard, les habitudes qu’il a données sont encore présentes chez les « anciens » qui les transmettent à leur tour. La ligne de conduite ? Avoir en toute occasion « l’œil amical , transparent, responsable ».
La carte d’identité du chrétien
« Comment va ton cœur ? », était sa question favorite lorsque que l’on prenait rendez-vous avec lui. La réponse attendue ? « Mon cœur va bien, Jésus est dedans, Jésus est vivant ». À la fois paternel et maternel, il s’intéressait à chaque détail, en structurant la pensée des jeunes qui, au bout de trois semaines de camp, avaient reçu une incroyable formation humaine. Chaque soir après le repas, les adolescents l’écoutaient dans la « cour des avis » jouxtant le réfectoire. Debout sur une grosse pierre, micro dans une main et canne dans l’autre, il donnait les informations pratiques du camp, félicitant les uns et fustigeant les autres de façon constructive. Il mêlait ainsi, pendant près d’une heure, ces consignes sur le monde, la jeunesse, le sentiment amoureux, la formation du cœur et de la volonté.
Ce vendredi, sur la page Facebook de l’Eau-Vive, beaucoup se partagent les paroles fortes qu’ils ont retenues : « Vous êtes un peuple et non pas une masse » ou encore la fameuse carte d’identité du chrétien : “Je suis un garçon (ou une fille) français, catholique et romain.”
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Préparation au mariage
Chaque année, dans la maison de Blémur, située en région parisienne, étaient proposées des préparations au mariage. Là encore, son sens du concret et sa fine observation de la psychologie humaine faisaient mouche. Peur de céder à la tentation entre garçons et filles ? « Le paillasson. Si vous le laissez franchir votre paillasson quand il vous raccompagne le soir, c’est fichu ! ». Ou encore pas de fausse sainteté : quel dommage de se disputer pour une question de pâte de dentifrice, autant acheter chacun la sienne. Mais toujours une vraie exigence à la saint Jean Paul II : “Le mariage est le don total à l’autre sans esprit de retour”.
Des générations de prêtres
À Briançon viendront aussi aider et se former deux générations de prêtres, religieux et religieuses, en gris, en bleu, ou encore en blanc avec un cœur sacré sur leur habit. Toutes les communautés tournées vers l’éducation sont venues prêter main-forte et acquérir un peu du savoir-faire du père. Le père François Potez qui fut son adjoint, le père Gilles, grand fidèle des camps ou encore le père Pierre-Henri Montagne qui dirigea l’Eau-Vive jusqu’en 2017, déploient aujourd’hui son enseignement dans leur ministère auprès des couples et des jeunes . D’autres y ont entendu l’appel : “L’Eau-Vive est un grand vivier où le Seigneur puise », se réjouissait-il. Ici, se poser la question de l’appel était naturel, pas de gêne à discerner, que ce soit lors des messes quotidienne proposéesdans le petit oratoire où sur les magnifiques sommets que les jeunes gravissaient. Dans ses héritiers spirituels, on compte quasiment plus de 400 prêtres et deux évêques. “Peut-être est-ce dû à ses trois sujets de prédication, déclinées sous toutes les formes dans ses homélies : les trois blancheurs de saint Jean Bosco. Il les fit représenter sur son image sacerdotale et les transmit inlassablement : l’amour de l’Eucharistie, l’amour de la Sainte Vierge et l’amour de l’Église.
Il laisse une phrase de saint Jean Paul II en guise de testament spirituel : “Vous valez ce que vaut votre cœur”. Cela faisait si longtemps qu’il avait l’air un peu vieux et que personne ne réalisait qu’il l’était vraiment devenu. Aujourd’hui des milliers de ses filles et fils spirituels lui disent, reprenant sa formule : “Cher père, à toujours.”
La messe des obsèques du Père de Monteynard sera célébrée en l’église Saint-Sulpice, à Paris, le mercredi 9 mai, à 10 heures.