Le divorce est-il préférable à un mariage malheureux ? Doit-on privilégier son bonheur personnel à celui de ses enfants ? Quelles sont les solutions pour retrouver une relation saine avec son conjoint ?Ce sont les questions intimes et délicates auxquelles s’efforcent de répondre Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, et la sexologue Thérèse Hargot, interviewés par Arthur Herlin, journaliste de l’agence I-Média et collaborateur régulier d’Aleteia, dans l’ouvrage, Aime et ce que tu veux, fais-le ! (Albin Michel). Les intervenants, empreints d’expérience et de légitimité, l’un de par sa place dans l’Église, l’autre de par son métier de conseillère conjugale, familiale et sexuelle, fournissent des éléments capitaux afin de mieux discerner ce qui est bon et bien pour son couple, pour soi, pour ses enfants.
Toute vie connaît des crises
Depuis le film d’Étienne Chatiliez, tout le monde le sait : la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Tout le monde le sait, et pourtant nous avons du mal à accepter la souffrance, les déceptions, les crises, dans une société où le bonheur, bien souvent assimilé au bien-être, est un droit inaliénable. Or la vie est faite de crises! Mgr Emmanuel Gobilliard revient sur l’étymologie grecque du mot crise krinein, qui signifie séparer. “Et la première crise de toute vie, c’est la naissance. La naissance me sépare d’une certaine manière de ma mère, pour mieux la retrouver, pour la retrouver différemment”.
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Tout l’enjeu réside dans le fait d’accepter les crises, de se donner la force, le courage et les moyens de les surmonter, pour accéder à une réalité encore plus belle. Car réussir à dépasser une crise est source de joie. L’évêque nous enseigne que “la joie, c’est d’accepter les crises, et d’apprendre à les vivre pour en faire un tremplin vers une vie encore plus dense, vers un amour toujours plus grand”. Alors ne faisons pas rimer automatiquement crise conjugale avec divorce. N’adoptons pas d’emblée une solution définitive à un mal-être qui, si les époux sont de bonne volonté et se font aider, peut être temporaire.
Détecter d’où vient le mal-être
Thérèse Hargot invite à distinguer deux types de crise : celle due à un mal-être lancinant, fruit de frustrations et de non-dits successifs, et celle provoquée par une révélation soudaine, comme une infidélité par exemple. Cette distinction permet de « dater » depuis quand le dialogue est bloqué, et de mesurer la profondeur de la crise.
Autre distinction importante : les causes du désaccord conjugal. La sexologue fait la différence entre des causes initiales mettant à mal les fondations même du mariage, tels le manque de maturité ou de liberté au moment de l’engagement, ou des troubles mentaux dissimulés, et des causes rencontrées en cours de route : chômage, maladie, infidélité, infertilité, problème de communication, problème avec les enfants, difficultés financières, baisse du désir… Identifier les causes permet d’adopter le “remède” adéquat.
Savoir qu’il existe des outils pour sauver son couple
Thérèse Hargot est convaincue que les derniers obstacles précités, rencontrés sur le chemin du mariage, ne sont pas insurmontables. Elle conseille dans un premier temps de prendre du recul sur la situation : « On se sépare géographiquement pour quelque temps, on ne divorce surtout pas ! » Elle engage à fréquenter des amis solides, à informer sa famille proche, à surtout ne pas rester seul, à dormir, afin de ne pas prendre de décision dans la précipitation.
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Elle souligne la nécessité de communiquer sur le fait qu’il existe des outils, des aides, pour « réinstaurer une relation saine, renforcer les liens, guérir de nos blessures passées et présentes et faire face aux obstacles sur notre route ». Elle encourage par-là les consultations auprès des thérapeutes, tout en précisant que « ce n’est pas une preuve de faiblesse de demander de l’aide ». Au contraire, cette démarche permet de renouer le dialogue, et d’être accompagné dans une conversation saine et constructive avec son conjoint.
Cependant, le meilleur outil pour la sauvegarde du couple ne réside-t-il pas dans l’engagement même du mariage ? Son indissolubilité, lié au don total qu’il exige des époux, se veut être un soutien, une aide, et non un fardeau. “Lorsque je m’engage, l’engagement lui-même est un soutien contre moi-même, contre mon égoïsme et ma paresse”, souligne Mgr Emmanuel Gobilliard. En d’autres termes, alors que je voudrais faire défaut ou trahir ma promesse, c’est l’engagement, contracté le jour du mariage sous le regard de Dieu, qui prend le dessus pour m’aider à respecter ma promesse. L’évêque identifie ce processus à l’oeuvre également dans les petits engagements : le jour où je n’ai pas envie d’aller à un entraînement sportif alors que je me suis engagé pour toute l’année, c’est l’engagement en soi qui m’octroie finalement la force d’y être fidèle.
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Autre idée à avoir en tête à propos de l’engagement dans le mariage : ce n’est pas une exigence sans fondement que nous demanderait l’Église en raison de son autorité ecclésiale. “La raison profonde pour laquelle l’Église propose ces exigences, rappelle Mgr Emmanuel Gobilliard, c’est qu’elle les trouve dans la Bible, dans la Parole de Dieu”. L’Église considère, au regard des Écritures, que c’est le Christ lui-même, qui, à contre-courant des idées de son époque, a proposé comme idéal de vie l’indissolubilité du mariage. Savoir que cette exigence est jugée bonne par le Christ peut nous aider à y retrouver un sens.
Cet idéal prôné par le Christ ne l’a pas empêché d’accueillir avec miséricorde la femme adultère. L’évêque explique ainsi le rôle de l’Église, qui souhaite en cela ressembler au Christ : “Proposer de grands idéaux, de belles perspectives, ainsi que les exigences qui les accompagnent, mais de tenir compte aussi des situations de chacun, des parcours, des difficultés, des échecs, pour toujours proposer une espérance, même à ceux qui se croient abandonnés, jugés, ou qui se déconsidèrent eux-mêmes”.
« L’Église ne veut pas que les gens soient malheureux »
Si l’Église donne à tous les couples les moyens de vivre leur vie conjugale de façon durable et heureuse, elle propose aussi des solutions lorsque le mariage devient un lieu de souffrance. Car “l’Église ne veut pas que les gens soient malheureux”, souligne Mgr Emmanuel Gobilliard. De quelles solutions parle-t-on ? L’évêque éclaircit un point méconnu du droit canon : la séparation canonique. Certes, il affirme qu’« il faut tout faire pour que le mariage permette de dépasser les conflits, les infidélités même », et que ceux qui y parviennent vivent dans la réconciliation une joie profonde, mais il rappelle que l’Église ne s’oppose pas à une séparation. Il existe « des cas limites où, pour le bien des enfants, pour le bien des conjoints, la séparation est préférable ». Elle permet ainsi à un couple marié de ne plus vivre la vie commune.
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Mais à quoi sert le droit canon ?
L’évêque aborde également les conditions qui permettent d’obtenir, dans certains cas particuliers, une reconnaissance de nullité de mariage : un mariage célébré sans avoir été suffisamment préparé, des fiancés immatures ou manquant de liberté extérieure ou intérieure. Un mariage peut effectivement être déclaré nul, c’est-à-dire reconnu comme n’ayant jamais existé, lorsqu’il est établi que l’un des éléments nécessaires à sa validité faisait défaut au moment de l’échange des consentements.