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Frappes françaises en Syrie : « Nous avons interrompu un processus d’apaisement »

SYRIA STRIKES

Image satellite des installations chimiques syriennes visées par les frappes des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni.

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Agnès Pinard Legry - published on 16/04/18
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Caroline Galactéros, docteur en science politique, ancien auditeur de l’IHEDN et colonel au sein de la réserve opérationnelle des armées, revient pour Aleteia sur les frappes effectuées par l’armée française en Syrie dans la nuit de vendredi à samedi. Éclairage.Dans la nuit du vendredi au samedi 14 avril, une centaine de missiles ont été tirés sur des installations chimiques syriennes par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. L’armée française, qui en a lancé douze, a mobilisé six navires et dix-sept avions pour cette opération. Docteur en science politique et colonel au sein de la réserve opérationnelle des armées, Caroline Galactéros, également présidente du think tank Geopragma, détaille pour Aleteia les conséquences d’une telle action sur la situation du pays et le processus de paix.

Aleteia : Le pape François et le patriarche Kirill, qui ont échangé par téléphone après les bombardements en Syrie, ont réaffirmé « que les chrétiens ne peuvent pas rester à l’écart de ce qui se passe en Syrie » et ont appelé « tous les responsables politiques » à s’entendre, « afin que la justice et la paix l’emportent ». Que pensez-vous d’une telle déclaration ?
Caroline Galactéros : Sur le fond, on ne peut que se réjouir que ces hautes autorités spirituelles et religieuses s’entendent sur une prise de position commune. Et les communautés chrétiennes d’Orient ne sont pas les moindres victimes des bouleversements actuels au Moyen-Orient. Mais que signifie au stade actuel faire en sorte que la justice et la paix l’emportent ? Ces frappes y contribuent-elles ? Je pense plutôt qu’elles ont été décidées et exécutées pour de toutes autres raisons. Concernant l’utilisation d’armes chimiques, il est extrêmement difficile de vérifier ce genre d’information. En revanche, la situation militaire en Syrie évoluait rapidement puisque le gouvernement légal était en train de reprendre le contrôle des dernières poches islamistes violentes du territoire. En frappant, la coalition n’a fait qu’interrompre un processus d’apaisement conditionné (paradoxalement en apparence) par la reconquête totale de la souveraineté sur l’ensemble de la Syrie par son gouvernement légal, celui que l’on cherche précisément à diaboliser par tous les moyens en Occident…. J’ajoute que ces bombardements militaires ont été décidés sans mandat de l’ONU.


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Selon vous, ces frappes n’ont donc pas contribué à accélérer le processus de paix en Syrie ?
Absolument pas. Nous sommes encore très éloignés de la paix et ces actions extérieures illégales contre un État membre des Nations unies ne peuvent que la retarder. L’armée gouvernementale syrienne, aidée par la Russie et l’Iran, est en train de gagner la guerre militairement : la Ghouta orientale en est le dernier exemple, repassant sous contrôle gouvernemental syrien en approfondissant la déroute des groupuscules « rebelles » djihadistes souvent rivaux. Les frappes sont à cet égard parfaitement contreproductives… sauf si l’on souhaite faire durer le conflit et modifier le rapport de force dans la négociation politique que contrôle Moscou au grand dam de Washington et de Paris. On peut qualifier Bachar al-Assad de tous les noms d’oiseau et le juger coupable de tout dans le martyr que vit son pays depuis plus de sept ans — il s’agit bien évidemment d’un régime autoritaire — mais il est difficile d’en faire le seul fauteur de guerre alors qu’il est parvenu à résister aussi longtemps par les armes à la déstabilisation ultra-violente dont son pouvoir et son État ont fait l’objet à l’intérieur comme de l’extérieur. Aucun apaisement ni sérieuse évolution politique ne seront envisageables tant que la Syrie n’aura pas recouvré son intégrité territoriale. Alors, il faudra rechercher sérieusement une formule politique crédible tenant compte du pouvoir actuel en place ainsi que des autres composantes acceptables et respectables de l’échiquier politique syrien. On en est loin. C’est l’Otan et l’impérium américain que l’on veut sauver. Mais martialité et morale ne font presque jamais bon ménage. Agir de la sorte est une impasse pour la paix.


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Que retenir de cette action militaire ?
Ce n’est pas en agissant ainsi que la France peut et va remettre en marche un processus négociatoire et diplomatique. Il est illusoire de le croire. La France essaye de revenir dans un jeu duquel elle a été exclue, car elle a pris une position violemment opposée au pouvoir syrien à un moment critique de la guerre où se jouait sa survie. Elle a joué un jeu qu’elle a perdu et il est illusoire de croire qu’en suivant la position des États-Unis, elle va restaurer sa crédibilité et rentrer à nouveau dans le jeu syrien. Avec ces frappes, la France ne reprend aucune place dans la résolution du conflit syrien. Le processus diplomatique dominant est celui de la Russie et, depuis des mois, la coalition cherche à le torpiller. Ce n’est certainement pas après ces frappes que la France va être invitée de manière crédible à la table des négociations. Paris s’est complètement repolarisé vers les États-Unis et le monde anglo-saxon. Notre président a peut-être cru qu’il gagnerait en crédibilité militaire et en crédit moral. Finalement, il est « juste » rentré dans le rang. Concernant les relations franco-russes, le président Macron a affirmé que cette action militaire n’était en rien dirigée contre la Russie. Le dialogue devrait reprendre car les Russes sont trop intelligents pour couper tous les canaux. Mais cette opération est regrettable sur le fond, car la France vient de perdre une occasion d’affirmer son indépendance et de retrouver une place singulière de médiatrice au Proche-Orient où elle a une responsabilité historique vis-à-vis des minorités chrétiennes d’Orient. Nous avons pour vocation d’être la voix du non alignement et de refuser manichéisme comme dogmatisme moralisateurs qui sont les principaux moteurs de la confrontation et de l’incompréhension.

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