Gagner son pain à la sueur de son front
"Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver", chantait Henri Salvador dans les années 1960.
Tout le contraire de "gagner son pain à la sueur de son front" qui signifie être obligé de travailler durement pour gagner sa vie ! Cette expression fait référence aux propos que Dieu adresse à Adam lorsqu’il le chasse du Paradis :
"C’est à la sueur de ton visage que tu gagneras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu proviens ; car tu es poussière, et à la poussière tu retourneras." (Gen 3, 19)
À l’époque où le travail de la terre occupait une place prépondérante et n’était pas mécanisé, c’est réellement à la sueur de leur front que les hommes se nourrissaient. Aujourd’hui, la métaphore exprime plutôt la réalité parfois bien difficile du travail et de la vie active en général. Le mot travail viendrait d’ailleurs du latin médiéval tripalium qui désignait un instrument de torture, alors qu’en latin, "travail" se disait labor. Difficile de ne pas y associer une idée de tourment, d’épreuve.
Mais le travail, c’est aussi l’ensemble des phénomènes mécaniques de l’accouchement qui permettent la dilatation du col de l’utérus et l’expulsion du fœtus. Et Dieu ne dit-il pas aussi à Ève : "Je multiplierai la peine de tes grossesses ; c’est dans la peine que tu enfanteras des fils…" (Gen 3, 16) ?
Le travail, don de Dieu
Le travail serait-il alors une punition ou une malédiction ? Loin de là ! Le travail est la vocation initiale de l’homme, inséparable de la Création. Après avoir crée Adam et Ève, Dieu leur confie le monde et les appelle à l’aménager par leur labeur : "Remplissez la terre et soumettez-la ; (Gen 1, 28) puis, le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde" (Gen 2, 15). Ainsi, comme le rappelait saint Jean Paul II dans sa lettre encyclique Laborem Exercens :
"L'homme est donc dès le commencement appelé au travail. Le travail est l'une des caractéristiques qui distinguent l'homme du reste des créatures dont l'activité, liée à la subsistance, ne peut être appelée travail ; seul l'homme est capable de travail, seul l'homme l'accomplit et par le fait même remplit de son travail son existence sur la terre."
Don de Dieu, le travail n’est donc pas une punition consécutive au péché originel, mais suite au péché, il devient pénible pour l’homme. Alors certes, le travail s’accompagne de moments difficiles, de lassitude, de peines et de fatigue mais il est aussi source d’épanouissement, il assure la dignité de l’homme et pour les chrétiens, témoigne de leur participation à l’œuvre créatrice de Dieu.
Il est souvent question du travail dans la Bible, ainsi, dans le Psaume 127 est béni celui qui se nourrit du travail de ses mains : "Heureux es-tu ! À toi, le bonheur !" Dans la deuxième épître aux Thessaloniciens, saint Paul, écrit : "Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus". Plus tard, saint Benoît, pour qui "l’oisiveté est l’ennemie de l’âme", consacre dans sa Règle tout un chapitre au travail et d’autres passages y font largement allusion.
Le pain, un symbole fort
L’expression met aussi en avant le rôle symbolique du pain qui occupe une place de choix dans la Bible (le mot pain y apparaît plus de 350 fois !). S’il a constitué pour de nombreuses cultures la base et l’essentiel de l’alimentation pendant des millénaires, "pain" prend le sens de nourriture en général, nourriture physique et surtout spirituelle.
Le pain est intimement lié au travail de l’homme, ainsi que le rappelle le prêtre au moment de l’Eucharistie, lorsqu’il présente les offrandes à Dieu : "Seigneur, reçois ce pain et ce vin, fruits de la terre et du travail des hommes. Et comme le travail, c’est aussi un don de Dieu : donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour."