Où commence l’infidélité ? L’être humain, aussi faible soit-il, est-il capable de rester fidèle à son conjoint toute sa vie ? Comment y arriver ? Dans un ouvrage publié cette semaine, Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, et la sexologue Thérèse Hargot, tentent d’apporter des éléments de réponse.
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Sous un format inédit qui fait se rencontrer Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, et Thérèse Hargot, philosophe et sexologue, l’ouvrage Aime et ce que tu veux, fais-le !, paru chez Albin Michel, offre un échange sans tabou sur l’Église et la sexualité. Y sont abordées de manière franche et directe les questions de l’engagement, du mariage, du célibat, de la légitimité des prêtres à parler de sexualité, du divorce, de l’homosexualité, de la pornographie, de l’avortement, et de la fidélité. L’évêque et la sexologue apportent sur ce dernier point un éclairage percutant sur ce qu’est véritablement la fidélité dans le mariage. Et ils donnent des pistes pour préserver ce lien sacré tout au long de notre vie.
Une infidélité peut vite arriver
« Que signifie être fidèle, et où commence l’infidélité ? », interroge Thérèse Hargot. L’infidélité se résume-t-elle à l’adultère ? À un rapport sexuel avec quelqu’un qui n’est pas son mari ou sa femme ? Pourtant, est-il fidèle à sa femme, celui qui visionne des films pornographiques ? Est-elle fidèle, celle qui préfère son travail, sa vie associative ou la prière, à une union intime avec son mari ? Chacun se fait, à sa sauce, sa propre idée de la fidélité, histoire d’être tranquille avec sa conscience. Mais ce n’est pas aussi simple. Pour la sexologue, « l’infidélité, c’est d’abord et avant tout une histoire de mensonges, de non-dits, de trahison. »
En outre, soyons réalistes et clairvoyants : nous sommes des êtres humains, « des êtres de chair, de pulsions, de désirs, de fantasmes, mus par un besoin irrépressible d’être aimés, reconnus, admirés, considérés », souligne Thérèse Hargot. Nous sommes des êtres à multiples relations, qui aspirons à vivre en communion. La fidélité est-elle pour autant un idéal irréalisable ?
La fidélité est-elle un idéal irréalisable ?
Non, répond la sexologue, à condition de s’ouvrir à l’autre de parler de nos faiblesses, de nos doutes, de nos revendications. Préférer mener dans son coin une double-vie par peur de déplaire ou de faire du mal à l’autre est une lâcheté. Ne pas espérer pouvoir améliorer les relations dans son couple est un renoncement à l’amour. Tandis qu’avoir le courage de dire : « Je ne te désire plus », « Nous n’avons plus de complicité », « J’ai l’impression de passer après ton travail, après les enfants », « Tu manques d’humour, d’assurance, d’élégance », au lieu d’aller voir ailleurs, est un premier pas vers une plus grande complicité, vers une réconciliation.
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Mgr Emmanuel Gobillard est également convaincu que l’être humain reste profondément libre face au désir. Ressentir du désir pour quelqu’un qui n’est pas notre conjoint peut être certes un choc émotionnel inattendu, subit, mais en aucun cas une fatalité. « Sans minimiser la force d’un tel sentiment, je suis persuadé que nous restons libres et que nous avons tout à fait les moyens de “gérer” cette situation nouvelle », affirme l’évêque. Il ajoute que nous pouvons même prévenir cette situation. Car elle arrive bien souvent à des moments où nous nous sommes rendus, plus ou moins explicitement, disponibles, si nous traversons une période de doute ou de crise par exemple. L’évêque rejoint alors la sexologue en préconisant : « C’est alors le moment d’en parler, de redynamiser l’engagement que nous avons pris il y a longtemps et qui s’affadit. »
Comment rester fidèle ?
Pour rester fidèle, il faut oser se confier à l’autre, ne jamais renoncer à l’idée que l’amour est toujours possible entre deux êtres, il faut croire en l’amélioration de sa relation conjugale même, et surtout, lorsqu’il y a « de l’eau dans le gaz ». En résumé, il faut être vrai avec l’autre et avec soi-même. Cependant, précise la sexologue, « vérité ne veut pas dire transparence. Être vrai signifie être capable de reconnaître, nommer, affronter la réalité de son cœur ». Par conséquent, « être fidèle nécessite une connaissance de soi, une acceptation de ses limites et une capacité à s’en ouvrir à quelqu’un pour ne pas rester seul avec ses sentiments, ses fantasmes, ses désirs ». La fidélité, pratiquée comme vertu, élève l’âme et le couple, alors que si elle reste au stade de principe, elle rassure certes, mais ne garantit pas l’amour vrai.