Noyées par une fatigue à la fois physique et psychique, de nombreuses mères sont touchées par le burn out maternel. À l’occasion de la publication de son livre “Au secours, je me noie !”, Axelle Trillard, ancienne journaliste et coach familial, a confié à Aleteia les vertus qui permettent de lutter contre ce burn-out maternel.
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Femmes au foyer ou working girls, mères d’un ou plusieurs enfants, les femmes d’aujourd’hui doivent jongler avec des emplois surchargés et des responsabilités multiples. Habiller les enfants, préparer les repas, aider aux devoirs, faire un câlin, lancer une machine tout en continuant à avoir une activité professionnelle peut rapidement devenir impossible. Sous pression, elles serrent les dents. Un peu, beaucoup… Jusqu’au jour où elles craquent. Elles peuvent alors sombrer dans un épuisement qui peut virer au drame.
Ce sont les confidences de mères de famille, au bord de la rupture, comme celles d’Eléonore et de Nathalie, qui ont incité Axelle Trillard à écrire ce livre. Ancienne journaliste, diplômée en philosophie et en psychologie, coach et fondatrice de la structure “Ailes de Maman“, elle décrypte les signes avant-coureurs du burn-out maternel. Mère de six enfants, Axelle Trillard accompagne aujourd’hui de nombreuses femmes dans leur mère-être afin de vivre une maternité harmonieuse, apaisée et de plus en plus épanouie.
Aleteia : Qu’est-ce que le burn-out maternel ?
Axelle Trillard : Médicalement, le burn-out n’existe pas dans le sens où il n’est pas encore été reconnu comme maladie. Je n’ai aucun doute qu’il le sera un jour. C’est un état gravissime mais, heureusement, rare. Les signes avant-coureurs du burn-out sont en revanche beaucoup plus fréquents. Le plus important est la fatigue des mères. C’est un long processus d’épuisement… et le burn-out en lui-même, est la fin de ce processus. Pour en arriver là, il y a trois étapes. Tout d’abord la femme pousse son corps au-delà de ses limites, elle puise dans ses réserves. Une fois que ces réserves sont épuisées, elle se met en mode robot et prend une distance émotionnelle vis-à-vis d’un quotidien devenu dangereusement répétitif. Au cours des accompagnements que j’effectue, les mères me disent qu’elles n’ont plus d’émotions ni de plaisirs. La seule chose à laquelle elles s’accrochent, c’est de tenir ! La troisième et ultime étape, est l’effondrement. Il n’y a plus de jus. La femme ne peut plus se lever. Elle ne peut plus remplir son rôle de mère. C’est la catastrophe pour tout le monde : pour les enfants qui n’ont plus de mère, pour le mari qui n’a plus d’épouse… et pour la femme elle-même qui s’écroule. La rupture est telle qu’elle peut même mener à des risques de maltraitance et de violence, que ce soit vis-à-vis de soi-même ou de ses enfants.
Jusqu’où peut mener le burn-out maternel ?
Le suicide est extrêmement rare mais pas les idées suicidaires. Je pense à cette mère de trois enfants que j’ai rencontrée il y a deux semaines. Elle est au bord de la rupture car elle a l’impression d’être seule au monde. Autrefois, la société était organisée différemment, autour de communautés paroissiales, de familles plus nombreuses et multigénérationnelles. Aujourd’hui, nous sommes dans une civilisation d’individualisme et de solitude. Le burn-out est lié à notre société qui est déconnectée de beaucoup de réalités. Pour les jeunes mamans qui découvrent soudainement la brutalité des réalités, c’est très dur.
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Le burn-out est-il un mal de notre époque ?
Oui, je pense. Nous sommes dans un monde d’épanouissement personnel. Il est difficile de concilier cet idéal avec la maternité, qui est un épanouissement merveilleux mais qui passe par une sorte de mue, celle que vit une femme qui devient mère.
Vous regrettez le manque de relation mère-fille…
Je constate dans mes accompagnements que beaucoup de femmes déplorent ne pas avoir leur mère auprès d’elles. Elles travaillent ou elles profitent de leur retraite pour entamer une seconde vie, celle des loisirs et des voyages… Souvent les grands parents d’aujourd’hui s’occupent moins des petits enfants qu’avant. Ils sont absents pour certains. D’autre part, les familles sont plus réduites, avec moins d’enfants. Au contraire des familles plus nombreuses d’avant, une jeune fille voit rarement sa mère donner naissance à d’autres enfants.
Vous dites que le burn-out maternel, c’est une histoire de “trop”. Pourquoi ?
Le monde actuel est formidable. Il offre d’immenses possibilités. Mais celles-ci ne sont pas toujours taillées à notre mesure. Nous sommes trop sollicités, envahis par trop de conseils, trop de choix éducatifs. Nous revendiquons trop d’indépendance, nous avons trop de travail, ou trop de solitude. Nous ne sommes pas des machines. Ce que j’essaie de dire à de nombreuses femmes, c’est qu’elles ne sont pas les mauvaises mères qu’elles croient. C’est tout simplement leur façon d’être mère qui est mauvaise. Il y a trop de “trop”.
Vous évoquez dans votre livre un monde sans Dieu, où tout lien spirituel est absent…
Je crois que le burn-out maternel est lié au manque de spiritualité. On a voulu combler un manque par la profusion de biens matériels. Herbert J. Freudenberger, un grand psychothérapeute américain, définissait ainsi le burn-out féminin en 1971 : « La maladie de l’âme en deuil de son idéal ». La femme fait de la maternité un idéal. Elle y investit tout. Elle veut atteindre la perfection. Elle veut donner sans compter, se croyant souvent « toute puissante ». Il n’y a que Dieu qui est à ce niveau. Peut-être que la femme dans sa maternité s’est un peu prise pour Dieu ?
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Quelle réponse apporter à celle qui veut être parfaite ?
Accepter ses limites. Celle qui veut donner sans compter doit avant tout savoir recevoir. Elle doit accepter d’entrer dans un échange. Celle qui veut se sacrifier à tout prix doit d’abord comprendre que son enfant n’est ni Dieu ni un absolu.
Vous présentez dans votre livre un véritable kit anti burn-out : Grâce à cinq vertus : l’audace, la justesse, la détermination, l’authenticité et le courage. Pourquoi ?
L’audace consiste à penser d’abord à soi. La mère s’épuise car elle s’est oubliée trop longtemps et trop intensément. Elle doit se ressourcer d’abord. Il faut de l’audace pour ne pas succomber à la tentation de la toute-puissance ! Il en faut pour se reposer et accepter de “faire du rien”. Une mère doit reprendre contact avec elle-même, s’accorder un quart d’heure, une demi-heure, des petites pauses dans la journée. Contempler la nature, prendre un bain, prendre un café sur une terrasse, lire… C’est avoir l’audace de préserver son espace à soi. Recevoir d’abord, donner ensuite. Le seconde vertu selon moi, c’est la justesse, la justesse relationnelle avec l’enfant. Il faut savoir créer une relation juste, ni trop près ni trop loin. J’aime cette citation de Boris Cyrulnik : « Si on veut massacrer un enfant, il faut l’abandonner ou trop l’entourer ». La mère doit trouver la juste place pour chacun. L’enfant n’est pas au centre de la constellation familiale. Le centre, c’est le couple. Les enfants sont autour. Il est important que les parents reprennent leur place d’adulte et qu’ils remettent l’enfant à sa place d’enfant.
Mais en quoi les mères devraient être déterminées ?
Elles doivent affirmer ce qui est bien pour elles. Trop de femmes subissent leur emploi ou leur vie domestique. Elles s’épuisent, que ce soit dans le travail professionnel ou à la maison. Il est important de rappeler que le travail a ses vertus. Selon Voltaire, « il éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin ». Les moines chrétiens, eux, en font le cœur de leur vie : « Ora et labora (en latin) – prie et travaille. » Chaque mère doit faire des bons choix pour elle, et s’y tenir avec détermination, sans se laisser influencer par les modes. Ses choix et ses renoncements doivent être joyeux ! Il n’y a pas de maternité heureuse sans faire des renoncements. Faire les bons choix, c’est le secret de la réussite pour garder un bel équilibre de vie.
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Vous parlez aussi d’authenticité… En quoi est-elle un remède anti burn-out ?
Être authentique, c’est montrer ses limites. C’est accepter de dire à son conjoint : « je vais avoir besoin que tu m’aides ». Il ne faut pas que la mère cherche à tout contrôler. L’indépendance est une valeur phare de notre société. L’autonomie est devenue la condition du salut de la femme. La dépendance a mauvaise réputation. En conséquence, la femme doit taire son besoin élémentaire d’intimité et d’appartenance. Et pourtant, elle vit avec une certaine vulnérabilité physique. Celle-ci lui rappelle la réalité en permanence. Les fatigues, les fragilités, les règles, les accouchements, les carences en magnésium et en fer, l’épuisement nerveux… La femme-mère serre trop souvent les dents. Le secret, c’est l’aide et l’entraide dans le couple.