Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a présenté ce 4 avril un bilan d’étape des États généraux de la bioéthique. Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, détaille pour Aleteia sa vision des débats qui s’achèveront le 30 avril.
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Lancés le 18 janvier en vue d’une révision de la loi de 2011, les États généraux de la bioéthique, qui se tiennent actuellement dans toute la France, s’achèveront à la fin du mois. « Du point de vue quantitatif, il y a de quoi se réjouir d’une certaine forme de participation citoyenne », s’est réjoui Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), lors de la présentation d’un bilan d’étape de ces États généraux ce 4 avril.
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Pour mémoire, l’objectif visé est la finalisation d’un projet de loi à l’été 2018 pour un dépôt au Parlement à l’automne et une adoption de la loi dans le courant du 1er semestre 2019. Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA, a été auditionné avec Caroline Roux et Blanche Streb par le CCNE dans le cadre de ces États généraux. Il revient pour Aleteia sur la tenue des débats et l’enjeu de ces consultations.
Aleteia : Près de 10 000 personnes ont participé aux États généraux de la bioéthique sur le site Internet dédié qui compte en parallèle 75 000 visiteurs uniques et 9 700 participants qui ont déposé 24 000 arguments… Êtes-vous satisfait, à titre personnel et au titre de délégué général d’Alliance VITA, de cette participation?
Tugudual Derville : Si la participation à ces États généraux est à la fois forte et ultra-minoritaire, ce qui est surtout marquant c’est de voir un tel décalage entre les transgressions que certains ont annoncées – légalisation du suicide assisté, PMA pour toutes… – et la manière dont les citoyens se positionnent, dans les faits, sur ces sujets. Lors de ces débats, on peut constater de vraies tensions entre ceux qui voudraient tirer la loi vers ces transgressions et les nombreuses questions juridiques et éthiques que se posent les citoyens. Il existe un profond décalage entre ce que certains sondages d’opinion laissaient entendre et la réalité de ce qui est dit dans ces États généraux [Le sondage mené par l’Ifop pour La Croix et le Forum européen de bioéthique semblait par exemple confirmer le consentement d’une grande partie de la société à des sujets comme l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes (60 %) et aux femmes seules (57 %), à une évolution de la loi sur la fin de vie (89 %), ou, plus surprenant encore, à la levée de l’interdiction de la gestation pour autrui (GPA) (64 %) NDLR]. Mais dans la réalité des débats, on constate que si spontanément les Français disent oui à tous ces droits nouveaux, il suffit d’aller plus loin dans la discussion comme l’impact de tels droits sur les enfants pour que leur opinion évolue. L’équilibre des convictions s’est fait au profit des droits des plus fragiles ! Les débats permettent ce retour au bon sens, ils permettent de sortir d’une posture émotionnelle traduite par les sondages et d’avoir des raisonnements qui pèsent sereinement le “pour” et le “contre” en fonction des droits universels de la personne.
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Plus globalement, quel regard portez-vous sur ces États généraux ?
Là où ces États généraux sont une réussite, c’est qu’ils ont le mérite de revenir au réel ! Mais encore faut-il que le pouvoir politique le reconnaisse et que ces États généraux ne soient pas détournés du but qui leur a été assigné, à savoir écouter ce qui est dit !
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Lors de ce bilan d’étape, le CCNE a déclaré encourager le grand public à participer pour éviter que les débats ne soient monopolisés par des associations militantes… Qu’en pensez-vous ?
Alliance VITA a été auditionnée par le CCNE et j’ai rencontré plusieurs fois son président, Jean-François Delfraissy. Nous avons eu une écoute respectueuse. Lors des réunions dont nous avons eu connaissance dans les différents espaces régionaux d’éthique, certains débats ont été houleux, d’autres extrêmement conviviaux. Néanmoins, je dois avouer ne pas bien comprendre cette remarque du CCNE… Cela laisse entendre qu’il y aurait des citoyens « hors sol » dont la parole aurait une valeur et d’autres, qui ont une expertise ou une opinion, dont la parole ne devrait pas être entendue ? Dans une démocratie qui s’honore d’un vrai débat participatif, une association comme la nôtre est au contraire un médiateur crédible car elle a une solide expertise de terrain.
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Quel risque voyez-vous dans ces États généraux de la bioéthique ?
Le grand risque de ces États généraux de la bioéthique est qu’ils remettent en permanence tout sur le tapis. Par effet de cliquet, cela revient à avaliser sans cesse de nouvelles transgressions en cassant la digue qui avait été précédemment établie. Plus globalement, verser un sujet dans la bioéthique peut finir par porter atteinte à un principe moral intangible. La bioéthique risque de devenir l’art de dissoudre la morale dans le relativisme. Un autre point essentiel à mes yeux est la nécessité de faire remonter fidèlement au pouvoir politique la teneur des échanges de ces États généraux et donc que de nombreux citoyens ne sont pas d’accord avec ce qui leur a été présenté comme inéluctable. Si le président n’écoute pas ce qui a été dit aux États généraux, ces derniers auront été comme un leurre, une expression vaine.