Dans les années 1970, l’archevêque de Cracovie, le futur Jean-Paul II, venait plusieurs fois par an dans une petite école de la ville tenue par des religieuses de la congrégation des Filles de la Miséricorde Divine pour célébrer les fêtes importantes. Les élèves n’ont jamais oublié leur pasteur. Aujourd’hui, à l’occasion de l’anniversaire de la mort de saint Jean-Paul II, ils témoignent auprès d’Aleteia.
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La maternelle de la congrégation des Filles de la Miséricorde Divine n’était pas comme les autres écoles. Le nombre d’enfants – une bonne centaine – n’était pas exactement connu des autorités communistes. Il fallait être prudent car la plupart des parents faisaient partie de l’opposition catholique. Comme la plupart des institutions religieuses du pays, la maternelle bénéficiait de la présence de l’Eglise que le pouvoir n’osait affronter directement. En ces années d’oppression, l’Eglise catholique était le seul bouclier sous lequel les libertés étaient relativement protégées.
Mgr Karol Wojtyla, le futur Jean-Paul II, veillait particulièrement sur ces familles. Lui-même venait plusieurs fois par an à la maternelle pour célébrer les fêtes importantes. La messe était toujours suivie d’un temps de rencontre avec les enfants, pour des moments souvent improvisés et toujours joyeux. Le cardinal de Cracovie portait à chacun une attention et une écoute exceptionnelles. Il rayonnait d’une joie bon enfant. À l’image du charisme dont il a fait preuve pendant tout son pontificat.
Anna Skowronska : Chanter “Je te berce, mon petit Jésus”
“J’avais 5 ou 6 ans. Tout notre groupe d’enfants était invité pour un bal masqué chez le cardinal Wojtyla. Imaginez les magnifiques salles de réception du Palais des Évêques, envahies par des fées, des princesses et des cowboys ! Moi, ce jour-là, j’étais déguisée en champignon tue-mouche. Les religieuses avaient préparé des beignets à la confiture qui ornaient un buffet décoré de ballons et de confettis. Les fêtes pour les enfants à l’Archevêché, du temps de Mgr Karol Wojtyla, étaient un événement tout à fait naturel.
La fête de Jaselka est une tradition très forte en Pologne : pendant la première semaine de la nouvelle année, familles et amis se rassemblent pour chanter les scènes de Noël (Koledy) devant leurs enfants déguisés en personnages de la crèche. Chaque enfant devait choisir son chant préféré, accompagné d’une religieuse qui jouait de la guitare. Quand mon tour est venu, j’ai proposé une berceuse Lulajze Jezuniu, “Je te berce, mon petit Jésus” en français, l’un des chants de Noël préférés du cardinal. Il chantait très fort avec nous, il était visiblement heureux et ému. C’était comme s’il voulait nous bercer tous. Comme s’il voulait veiller sur nous.
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Des années plus tard, en 1983, il est venu en tant que Pape en pèlerinage à Czestochowa. J’avais 14 ans. J’ai eu le privilège d’être invitée avec mes parents à une rencontre privée avec lui. L’ambiance était euphorique et en même temps, elle était exactement comme celle du temps des fêtes à Cracovie : à la fois joyeuse, naturelle et familiale.
Nous avons chanté ensemble L’appel de Jasna Gora, un hymne très connu, devant l’icône de la Vierge Noire. En fredonnant les paroles avec le Saint Père Jestem, pamietam, czuwam, ce qui veut dire : « Je suis, je m’en souviens, je veille », je me suis posée cette question : czuwam (je veille) : qu’est-ce que cela veut dire ? J’ai alors compris l’importance de prendre conscience de tous mes actes. Plus jamais je ne devrais taire ni déformer cette conscience. Je devrais toujours nommer le bien et le mal, sans brouiller la frontière entre les deux. Je devrais avant tout chercher le bien qui est en moi, et vaincre le mal qui est en moi. C’est en chantant avec Jean Paul II ces paroles de l’appel Jestem, pamietam, czuwam, que j’ai décidé qu’elles deviendraient mon moteur pour la vie. Ma feuille de route.
Katarzyna Podgorna : “Mes parents l’appelaient Wujek”
Nous avons préparé un spectacle à l’Archevêché pour nos parents et notre cardinal. Pour moi, il faisait naturellement partie de ma famille, mes parents l’appelaient Wujek ce qui veut dire « oncle ». Après la partie officielle, il y avait des danses et des chants. Je me souviens de lui, assis dans un fauteuil. Il riait, il chantait avec nous, il prenait toujours un enfant sur ses genoux.
Nous dansions, nous glissions sur les parquets, nous courions dans tous les sens. Il s’amusait parfois à nous enrouler dans les tapis. Il semblait émerveillé et ravi de participer à cette ambiance bon enfant. Je pense qu’il en avait aussi besoin. Nous étions un peu comme sa famille. Quand j’ai participé plus tard aux JMJ, j’y ai retrouvé exactement le même esprit. Le Pape improvisait les dialogues, il partageait des fous rires avec les jeunes, tout en tenant un enseignement exigeant. Il était tel que je l’avais toujours connu. Rien n’avait changé depuis nos rencontres du temps de mon école maternelle.
Anna Stepniewska-Janowska : “Il manifestait une attention particulière pour chacun”
C’était Noël 1971. Nous avions préparé Jaselka (la crèche vivante) avec Soeur Goretti. J’étais déguisée en flocon de neige. Mon rôle était d’enneiger la scène en la saupoudrant de petits flocons en papier. Le futur Saint-Père s’est alors joint à nous pour les répandre sur tout le monde. Nous étions ravis. Il était tellement chaleureux et proche de tous ! Il manifestait une attention particulière envers chacun. Après le spectacle, il m’a demandé quel métier je voudrais faire plus tard. Je lui ai répondu : « avocate, comme ma maman. » Sans hésiter, il a précisé « oui, et comme ton arrière grand-père. »
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Il avait une mémoire incroyable, d’une précision photographique. Nous, nous avions tous l’impression d’être proches de lui. Mais lui, comment faisait-il pour se souvenir à ce point de toutes nos histoires de famille ? C’était ainsi du temps où il était cardinal de Cracovie, mais je sais qu’une fois devenu Pape, il n’avait rien oublié. Il était toujours au courant de nos vies, il continuait de prendre de nos nouvelles et de celles de nos parents. Il avait un don d’attention à chacun qui était hors du commun.
Robert Maklowicz : “Il était toujours prêt à rire avec nous”
La présence de Mgr Karol Wojtyla était toujours pour moi un soulagement. Mon école maternelle était dans un couvent pour femmes. Pour le petit garçon que j’étais, une présence masculine me réconfortait. Et quelle présence ! C’était le seul homme qui pouvait venir nous voir. Il incarnait le Pater Familias fort et chaleureux à la fois. Il était toujours prêt à rire avec nous. Mais aussi à l’écoute de tous nos petits drames d’enfants.
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Au cours d’un voyage en Irlande, je me suis arrêté dans un pub de Dublin. Le propriétaire m’a demandé de quel pays je venais. Je lui ai répondu que j’étais de Pologne, de Cracovie. Il m’a alors surpris en faisant la remarque que Cracovie, était très proche de Wadowice, la petite ville où est née Karol Wojtyla !
J’étais tombé sur un fan du Pape ! Je lui ai alors raconté mes souvenirs de l’école maternelle avec le jeune cardinal Wojtyla. Il avait du mal à me croire. À tel point qu’il m’a lancé un pari: « Si tu m’envoies la photo, alors je t’offre la bière gratuite chez moi jusqu’à la fin de tes jours. C’est Jean Paul II qui paie ! » Je lui ai évidemment envoyé une photo où je suis sur les genoux de Wojtyla. Malheureusement j’ai perdu l’adresse de ce pub un peu plus tard !
Dominika Jazwiecka : “Wojtyla m’a pris sur ses genoux”
J’avais peut-être 6 ans. Le cardinal Wojtyla m’a pris sur ses genoux. Je portais un costume qui devait me faire passer pour un pigeon, avec une couronne de plumes sur ma tête. J’étais hyperactive. Je bougeais beaucoup, en effleurant souvent le visage du cardinal sans m’en rendre compte… Il s’est retourné vers ma mère, assise à côté de lui, en riant. Il lui a dit « Nous allons apprendre la patience et la sérénité à Dominika. »
J’ai pensé à cette phrase le jour de sa mort. Lorsque nous avons appris que ses dernières heures étaient venues, nous nous sommes tous précipités à l’Archevêché de Cracovie. Il y avait une foule assemblée sous la fenêtre d’où Wojtyla saluait Cracovie à chacune de ses visites papales. En priant ce soir-là du 2 avril 2005, je me suis adressée à Jean Paul II. Je lui ai dit : « Saint Père, vous êtes certainement déjà de l’autre côté, avec Dieu. Vous savez alors quel est mon bilan de bonnes et de mauvaises actions… Alors si Dieu me pardonne, faites-moi un signe : celui de la naissance d’une fille cette année. J’ai eu mon petit miracle à moi. Jean Paul II m’a fait signe : ma fille est née neuf mois plus tard.
Ewa Sieniawska-Trzaskalik : “Mes chers oursons et flocons de neige”
Cette histoire m’a été racontée par mes parents. J’avais deux ans. On préparait le spectacle de la Crèche de Noël. J’étais la plus jeune de l’école. J’avais ainsi été choisie pour jouer le rôle de Jésus. Je devais être presque nue, avec juste un morceau de tissu autour du ventre.
Après le spectacle, le cardinal Wojtyla m’a pris sur les genoux. Il a commencé à échanger avec d’autres enfants. Pendant ce temps, les religieuses et mes parents étaient très stressés à l’idée qu’un incident arrive – je n’avais que deux ans et je n’avais pas de couche sur moi… Aujourd’hui, on en rit toujours en famille.
Notre relation avec le futur Saint Jean Paul II était vraiment naturelle. Quelques jours après cette représentation de la crèche vivante, nous avons reçu une lettre de sa part. Il nous souhaitait ses vœux pour Noël et nous remerciait pour le spectacle. Imaginez une lettre manuscrite sur un papier à en-tête de l’Archevêché de Cracovie, intitulée :
“Mes chers oursons, flocons de neige et montagnards,
Je vous remercie pour vos voeux, vos lettres et vos photos. Je me suis réjouis tout particulièrement de votre prière à mon intention car Jésus aime écouter les prières des enfants. Que Marie veille sur vous !
Karol Kardynal Wojtyla
Cracovie, 10 février 1971″
Toutes les photos viennent des archives familiales privées et du livre “”Moje Spotkania z Ojcem” de Soeur Maria Goretti Nowak CBM, préfacé par Mgr Stanislas Dziwisz, Editions Paulinianum, 2005
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