Au début de l’ère chrétienne, au sein de l’Église, certains se demandaient encore pourquoi se faire baptiser. Jusqu’à ce que Tertullien, l’un des tout premier théologien en langue latine, les émerveille.
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Que d’eau a coulé depuis les “Alléluia, Alléluia !” criés et chantés par les premiers chrétiens devant un baptême. Nous sommes à la fin du IIe siècle à Carthage, c’est la nuit de Pâques. Un nouveau baptisé vient de ressortir de l’eau pure qui le fait renaitre à la vie, avec cette promesse de Jésus que cette “eau vive” comblera sa soif pour toujours. Tertullien (150-220), converti depuis quelques années, assiste à la scène. Il est émerveillé par cet événement qui n’arrive qu’une fois par an et qui attire des foules de pèlerins. Le christianisme est en plein épanouissement, mais certains se demandent encore pourquoi se faire baptiser.
Dans le silence de la nuit
Tertullien est de ceux qui réfléchissent le plus à la question du baptême. Confronté à ceux qui doutent ou hésitent encore, le polémiste décide d’observer chaque geste de cet “heureux sacrement que celui de notre baptême”, comme il écrira plus tard dans son premier traité. Dans le silence de la nuit, il voit la lumière des cierges se reflèter dans la transparence de l’eau. Il voit une eau être bénite par l’évêque. Cette eau si précieuse dans son pays si chaud qui fait tout pousser quand il y en a. Une eau claire, pure, bonne à boire, qui traverse la terre, le sable, la pierre, sans se salir. Quoi de plus merveilleux pour symboliser ce plongeon dans l’amour de Dieu qu’est le baptême, cet amour qui fait mourir du péché et renaître d’une vie nouvelle.
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Tertullien regarde le baptisé être plongé dans l’eau à chaque “Credo” (Je crois ) qu’il prononce et en ressortir à neuf. L’eau sur lui et autour de lui reflète la lumière divine. Cette eau a lavé ses pensées sombres, ses peurs. Le catéchumène, plongé dans l’eau comme dans la mort, vient de renaitre dans le Christ. Comme un torrent impétueux, l’eau a rompu les barrières qu’il avait dressées autour de son cœur pour se protéger. Tertullien, à cette vue, n’a qu’une image à l’esprit, celle de la Genèse, où il est dit : “Le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux… “. Il reprend alors avec ardeur la rédaction de son De baptismo, devenu trop urgent à l’heure des discussions sur le bien fondé du baptême. À lui de prendre soin de décrire chaque geste du rituel et d’établir la première formulation d’une théologie sacramentelle. L’eau mais également l’huile, symbole du baptême dans l’Esprit, posé sur le front. Et les lumières au milieu de la nuit, synonyme de vie, de bonheur, de vérité, et de clarté, qui sont la source même de la vie chrétienne.
L’indispensable pratique
Jésus, a donné l’exemple en se faisant baptiser par Jean le Baptiste, selon la coutume de l’époque. Il a transmis cette pratique à ses disciples, lui donnant un nouveau sens après sa mort et sa résurrection. Cette eau renvoie à la victoire sur le mal et la mort. Pas question pour Tertullien de voir banaliser cet élément de la nature. Parmi toutes ses créations, l’eau figure en premier. Cet élément fait partie de ces “choses folles du monde” dont Il se sert généralement “pour confondre les sages”, dont parle l’apôtre Paul dans sa première Lettre aux Corinthiens (1-27). Dans son traité, les références se succèdent comme autant de cautions à l’indispensable pratique du baptême : “Jamais le Christ n’apparaît sans l’eau ! », écrit-il, « lui-même est baptisé dans l’eau ; invité à des noces, c’est l’eau qui inaugure les commencements de sa puissance ; il marche sur l’eau, lave avec l’eau les pieds de ses disciples…”.
Le Livre des Merveilles, Joseph Doré, Éditions Mame, avril 2016, 1344 pages, 34,90 euros.