Alors que les catholiques commémorent ce Vendredi saint la Passion et la mort du Christ, Jean-Michel Thouvenin, auteur du livre Le Samaritain de Dieu, offre un éclairage original sur Simon de Cyrène. Une belle méditation autour du seul homme à avoir réellement porté la croix de Jésus.
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Un seul verset lui est consacré dans chacun des trois Évangiles synoptiques. Saint Jean ne l’évoque même pas. De lui on ne sait que peu de choses : son nom, Simon de Cyrène, son travail, il revenait des champs lorsqu’il fut chargé de porter la croix derrière Jésus, et sa situation familiale, père de deux garçons, Rufus et Alexandre. Pourtant, il est le seul à avoir réellement porté la croix de Jésus. Simon de Cyrène a contribué à ce que le dessein du Père soit accompli. « Il aide le Fils de Dieu à être homme jusqu’au bout, même si cette aide précipite sa mort », souligne l’écrivain Jean-Michel Thouvenin. Dans son livre intitulé Le Samaritain de Dieu, il revient avec finesse et émotion sur cet homme de la cinquième station.
Aleteia : Pourquoi écrire un livre sur Simon de Cyrène ?
Jean-Michel Thouvenin : C’est vers l’âge de 14 ans, en écoutant la prière mariale de Francis Jammes « Je vous salue, Marie », que je me suis intéressé pour la première fois à Simon de Cyrène. « Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids s’écrie : “Mon Dieu !”, par le malheureux dont les bras ne purent s’appuyer sur un amour humain comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène, par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne, je vous salue, Marie »… Ce passage m’a bouleversé. Plus tard, quand je suis revenu à la religion, j’ai beaucoup réfléchi et médité sur ce Simon de Cyrène. Je le trouve injustement traité par les évangélistes, saint Jean ne l’évoque même pas tandis que les autres n’en parlent qu’à un seul moment. On ne sait rien de lui, ni avant, ni après sa « rencontre » avec Jésus. Simon de Cyrène demeure un illustre inconnu qui est pourtant mondialement connu : des milliers d’artistes lui ont prêté des traits ! Cet inconnu, cet homme qui revenait des champs, ce Simon de Cyrène, va passer quelques minutes à porter la croix que Jésus ne pouvait plus soulever. Cela n’a certainement pas duré longtemps mais cet acte a été déterminant pour l’humanité. Ces minutes douloureuses vécues par Simon de Cyrène ne représentent que quelques lignes dans les Évangiles, mais elles restent un moment déterminant avec lequel il lui a fallu vieillir. Simon n’a pu qu’en parler par la suite. Il a raconté « son » Golgotha. Quel a été son témoignage ? Et si, un jour, il a pris conscience d’avoir porté la croix du Fils de Dieu, comment a-t-il vécu cette vérité ? Ce livre est une – modeste – manière de réparer cette injustice.
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Aucun des évangélistes ne fait état d’un quelconque dialogue entre Simon et Jésus… Pourquoi ce silence ?
Dans l’Évangile selon saint Luc, Jésus prend le temps de parler aux femmes de Jérusalem sur le chemin qui le mène au Golgotha, sur la croix il échange avec le bon larron… Mais Jésus, le « Verbe fait chair », n’adresse pas une parole à Simon. Pour moi l’acte qu’accomplit Simon envers Jésus est tellement fort qu’aucun mot ne peut le remplacer. J’ai essayé de me mettre à la place de Simon : la croix qu’il porte est souillée par le sang et la transpiration de Jésus. L’échange entre les deux hommes se passe de mot car il réside dans la vérité de l’acte. Il se passe quelque chose de charnel, de fusionnel entre eux. Que pourrait lui dire Jésus alors ? La vérité gagne souvent à rester silencieuse quand les gestes parlent pour elle.
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En quoi Simon de Cyrène est-il un modèle pour nous ?
Simon de Cyrène renvoie chacun à la vérité de son attachement au Christ. Cette vie de Simon de Cyrène a un sens. C’est le personnage christique par excellence en raison du don gratuit, de l’effacement et de l’humilité. Il va aider le Christ parce que les Romains l’interpelle à son retour des champs. Il plie le genou, en toute humilité. L’accomplissement du dessein de Dieu n’occupe qu’une part infime de son existence, mais contribue à notre Salut, au Salut de l’humanité. Simon est le premier homme à prendre part au sacrifice du Christ, puisque Pierre l’a renié, Jean ne le suit qu’à distance et on ignore où se trouve les autres apôtres. Il nous apprend qu’accepter les épreuves et la difficulté nous grandit, nous ouvre. Nous sommes tous des Simon de Cyrène, tous autant que celui qui va porter la croix d’un autre. Les perdants que nous sommes quand nous devons ployer le genou face à une difficulté devenons des gagnants par la suite, riches des enseignements que cela nous a apporté ! Par ce don gratuit, Simon de Cyrène va, à son insu, être un immense gagnant. Nous l’imaginons aisément, la rencontre avec Jésus a bouleversé la vie de Simon de Cyrène, et ainsi en va-t-il de la croix du Christ qui croise et transforme nos vies parfois de manière inopinée.
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Dieu a donc eu besoin de l’homme pour que les Écritures s’accomplissent ?
C’est l’idée que je traduis dans le titre de mon livre, Le Samaritain de Dieu. Dieu a eu besoin de Simon pour que Jésus puisse accomplir le dessein de son Père. Sur le chemin qui le mène au Golgotha, il n’en n’a plus la force. Dieu a donc placé Simon sur son chemin pour que s’accomplissent les Écritures. Simon de Cyrène n’était pas là par hasard. Dieu l’y a mis afin d’aider Jésus à monter vers son supplice et ainsi contribuer au salut des hommes. Simon est l’instrument de Dieu.
Le Samaritain de Dieu, Jean-Michel Thouvenin, éditions Osmose, septembre 2017, 130 pages, 12 euros.