Dans son église, le monastère bénédictin de Notre-Dame de de Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) abrite une œuvre unique : un ample décor de mosaïques du XIIe siècle parfaitement conservé. Riche en symboles, l’art roman s’est beaucoup appuyé sur les textes diffusés au Moyen Âge — Évangiles, hymnes, poèmes, bestiaires — pour réaliser ses décors imagés. Des symboles souvent énigmatiques, difficiles à décrypter pour nous, contemporains. Le monastère de Ganagobie a la chance de conserver des vestiges de mosaïques médiévales dans le chœur de son église. Un témoignage fabuleux de la pensée symbolique médiévale. Que veulent donc signifier ces êtres réels ou imaginaires ? Ces animaux parfois exotiques, sauvages et même monstrueux ?
La redécouverte des mosaïques
Situé sur un plateau isolé, le monastère de Ganagobie a vécu une histoire mouvementée. Fondé au Xe siècle par l’évêque de Sisteron, les mosaïques vont être réalisées au cours du XIIe siècle. Au fil du temps, le monastère connaît de nombreuses vicissitudes : guerre de Religion, mauvaise administration, Révolution française… si bien qu’en 1794, le chœur et le transept de l’église sont abattus. Les mosaïques, cachées sous des gravats, disparaissent et sont oubliées. Il faudra attendre presque un siècle pour que la valeur artistique du monastère soit remarquée. Ce qu’il reste de l’église sera alors classé monument historique en 1886. En 1893, les travaux de déblaiement du chevet débutent, laissant apparaître les mosaïques quasiment intactes !
En 1975, elles sont déposées puis transférées à Périgueux pour une restauration complète puis retournent à leur place d’origine, dans le chevet du chœur. Recouvrant une surface de 72 mètres carré, les mosaïques sont dans un excellent état de conservation même si quelques manques sont visibles en raison de l’écroulement de la coupole lors de la destruction de l’église. Broderie minutieuse de pierres, Pierre Trutbert, l’artiste de Ganagobie — une inscription latine indique son nom — a mélangé trois couleurs pour réaliser ses compositions : du rouge (grès) du blanc (marbre) et du noir (calcaire).
Un éléphant dans une église ?
Le décor le plus saisissant de la mosaïque est, sans aucun doute, celui réalisé pour l’abside centrale. Il s’agit d’un ensemble de huit animaux de grandes dimensions – six quadrupèdes et deux poissons – s’organisant autour de l’autel majeur, placé au centre de la scène. Mélangeant animaux réels et fantastiques, les bêtes évoquent, tour à tour, le bien et le mal. Parmi les animaux rencontrés, une place primordiale est offerte à l’éléphant. Symbole de la puissance paisible, il porte sur son dos une maquette du monastère. Si sa présence peut paraître surprenante, c’est un animal pourtant bien connu de l’iconographie médiévale. En France, une vingtaine d’églises romanes possèdent des représentations d’éléphants.
Le Bien contre le Mal
Le pavement de l’abside sud tranche par rapport aux autres. Le décor y est très riche et la mise en scène plus symétrique. Illustrant à la fois des animaux réels – cerf, faon – et des animaux imaginaires – harpie, griffon – l’ensemble est intégré dans un cadre de feuillages d’une grande finesse. Une belle croix de saint André tapisse l’avant-dernier panneau de la mosaïque. À côté, un cavalier sur son cheval combat un dragon, symbole ultime de l’anéantissement du mal. Faisant écho à cette bataille, le transept nord illustre également la lutte d’un cavalier et d’une chimère. La chimère, avec ses trois têtes (lion, chèvre, serpent), symbolise toutes les potentialités agressives de l’animal et illustre donc parfaitement la figure du diable.
Fourmillant de nombreux détails, cette vaste mosaïque ne finit pas de fasciner les historiens médiévaux. Expression du duel éternel entre le bien et le mal cette œuvre, parvenue par chance jusqu’à nous, illustre à merveille les richesses symboliques de la spiritualité médiévale.
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