Marlène Schiappa, ministre de l’Égalité entre les hommes et les femmes, a présenté ce 21 mars en Conseil des ministres son projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Décryptage.
Pour qu’Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l’avenir d’Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l’impôt sur le revenu
Que prévoit le projet de loi présenté par Marlène Schiappa ?
Très attendu, ce texte se voulait une réponse forte au vaste mouvement de révolte et de dénonciation des violences sexuelles subies par les femmes qui s’est traduit il y a quelques mois sur les réseaux sociaux par les mots-clefs “#metoo” et “#balancetonporc”. Présenté hier en Conseil des ministres par la secrétaire d’État chargé de l’égalité entre les hommes et les femmes et la ministre de la Justice, le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles « modifie l’arsenal législatif sur quatre séries de points ». Premièrement, il allonge le délai de prescription pour les crimes sexuels commis sur les mineurs de vingt à trente ans, délai courant à compter de la majorité de la victime, afin de laisser davantage de temps à celle-ci pour porter plainte et de faciliter la répression de ces actes. Deuxièmement, il renforce la répression des abus sexuels commis sur les mineurs, en inscrivant clairement dans le code pénal l’interdiction des relations sexuelles avec un mineur de quinze ans. Troisièmement, le projet de loi propose d’élargir la définition du harcèlement sexuel ou moral, afin qu’ils puissent s’appliquer aux faits de cyber harcèlement résultant de « raids numériques » réalisés par plusieurs personnes agissant de façon concertée mais qui, parce qu’elles n’ont pas agi de façon répétée, ne peuvent être poursuivies. Le dernier point propose la création d’une contravention pour outrage sexiste. Cette mesure doit permettre une répression expresse et efficace du harcèlement dit « de rue » avec des amendes allant de 90 à 750 euros.
Lire aussi :
Le « féminisme intégral », une réconciliation des femmes avec leur féminité ?
Qu’en pensent les Français ?
L’Ifop a publié ce mercredi un sondage afin d’évaluer l’adhésion des Français aux principales mesures de ce projet de loi. D’après ce dernier, les Français expriment « un soutien massif aux mesures législatives visant à poursuivre plus facilement les auteurs de violences sexuelles ou de harcèlement de rue » : neuf Français sur dix (90 %) se déclarent ainsi favorables à la pénalisation du harcèlement de rue (outrage sexiste), dans la loi. Dans le détail, pour la pénalisation de tels « faits de harcèlement subis par les femmes dans l’espace public », que ce soit dans la rue ou dans les transports en commun, 53 % des Français se déclarent « très favorables » et 37 % « assez favorables ». La mesure proposant l’allongement de 20 à 30 ans du délai de prescription des viols sur mineurs remporte un taux d’adhésion de 92 % auprès des Français. 69 % des Français se déclarent favorables à la mesure fixant à 15 ans l’âge en-dessous duquel un enfant ne peut pas être consentant à un acte sexuel avec un majeur. Globalement, d’après l’institut, ce sondage « met à jour un soutien massif de l’opinion à la lutte contre les violences sexistes ou sexuelles, et ceci même si ses mesures ne seraient amenées à n’avoir qu’une portée “symbolique” ».
Lire aussi :
Marianne Durano : « Le système place les femmes face à des choix violents et insolubles »
Comment le projet de loi est-il reçu par les magistrats ?
Dans un communiqué, l’Union syndicale de la magistrature, syndicat majoritaire, l’a critiqué en ces termes : « Derrière l’affichage d’une volonté de réformes fortes, efficaces et lisibles, le gouvernement assume en réalité le risque de nouvelles lois inapplicables et incohérentes, susceptibles de susciter la déception de nos concitoyens, qui en tiendront la Justice pour responsable ». Mi-mars, lors d’un passage sur le plateau de LCI, l’avocat Éric Dupont-Moretti avait constaté quant à lui une « hystérisation du débat » sur plusieurs sujets, dont les relations entre les hommes et les femmes. « Que siffler une femme, ça devienne une infraction pénale, c’est ahurissant. La bienséance doit régler ça, pas la loi », avait-il ainsi déclaré.
Lire aussi :
Des pistes pour être, enfin, fière de sa féminité
Comment font-ils ailleurs ?
Le harcèlement de rue est déjà pénalisé dans plusieurs pays européens. La Belgique a été pionnière en adoptant une loi le 22 mai 2014 stipulant que toute personne qui exprime par son comportement « un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou [la considère] comme inférieure ou comme réduite essentiellement à sa dimension sexuelle [entraînant] une atteinte grave à sa dignité » encourt une peine d’emprisonnement pouvant aller d’un mois à un an ainsi qu’une amende de 50 à 1000 euros. Mais la charge de la preuve incombant aux victimes, le nombre de dépôt de plainte est très faible. En septembre 2015, le Portugal a suivi an adoptant une loi qui condamne tout « comportement non désiré à connotation sexuelle, sous forme verbale, non-verbale ou physique, avec pour but ou pour effet de violer la dignité d’une personne, en particulier lorsqu’il crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (le montant de l’amende est fixé en fonction du délit et du montant des ressources de l’agresseur). Enfin, en septembre 2016, face à la recrudescence du cas de harcèlement envers les femmes, plusieurs comtés du Royaume-Uni ont décidé d’inclure ces agressions dans les « hate crimes ». Jusqu’alors, seules les agressions à caractère « racial, religieux, à cause d’un handicap, d’une orientation sexuelle ou d’une nationalité » faisaient partie de cette catégorie.
Lire aussi :
Et Dieu aima la femme
Qu’en dit l’Église ?
Le catéchisme de l’Église catholique rappelle que le respect de la personne humaine passe par le respect du principe : « Que chacun considère son prochain, sans aucune exception, comme “un autre lui-même”. […] Aucune législation ne saurait par elle-même faire disparaître les craintes, les préjugés, les attitudes d’orgueil et d’égoïsme qui font obstacle à l’établissement de sociétés vraiment fraternelles. Ces comportements ne cessent qu’avec la charité qui trouve en chaque homme un “prochain”, un frère ». Plus précisément, pour l’homme et la femme, le document indique qu’« en créant l’être humain homme et femme, Dieu donne la dignité personnelle d’une manière égale à l’homme et à la femme. Chacun des deux sexes est, avec une égale dignité », quoique de façon différente, image de la puissance et de la tendresse de Dieu.
Le pape François s’est également exprimé à de nombreuses reprises sur la place et le rôle indispensables des femmes dans la société et dans l’Église, dénonçant les exactions dont elles sont victimes. Dans son exhortation apostolique post-synodale sur la famille, Amoris Lætitia, le souverain pontife s’insurge ainsi contre « la violence honteuse qui parfois s’exerce sur les femmes ». Il y dénonce à la fois « les abus dans le cercle familial » mais aussi « les diverses formes d’esclavage, qui ne constituent pas une démonstration de force masculine, mais une lâche dégradation ».