Marianne Durano, auteur de “Mon corps ne vous appartient pas”, apporte dans un entretien à Aleteia des pistes de réflexion afin que chaque femme puisse résoudre, selon ses propres convictions et dans l’intimité de son cœur, les grands dilemmes infligés à la femme du XXIe siècle.Marianne Durano, normalienne, professeur de philosophie et mère de deux petits garçons, dénonce, dans son essai Mon corps ne vous appartient pas (Albin Michel), notre société qui aliène le corps de la femme à la technique et à la médecine, que ce soit via la contraception artificielle, des pratiques gynécologiques abusives, la surmédicalisation de la grossesse, l’avortement, la PMA, ou la GPA.
La jeune femme s’insurge contre le fait que ces solutions « médicales », prescrites par le système, isolent en réalité les femmes face à des choix purement techniques et individuels, alors qu’ils concernent leur corps, leur couple et la société. Ces dispositifs techniques, alliés à la suprématie du marché du travail, incitent les femmes à prendre des décisions lourdes de conséquences, dont elles assument seules l’entière responsabilité.
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Des pistes pour être, enfin, fière de sa féminité
Dans cet entretien, Aleteia aborde avec Marianne Durano les grands dilemmes auxquels sont parfois confrontées les femmes du XXIe siècle, provoqués par un système qui nie la spécificité et la temporalité du corps de la femme. Loin de vouloir donner des leçons ou procurer des conseils, Marianne Durano apporte des solutions alternatives à des pratiques ancrées dans la société, et un éclairage nouveau sur des questions féminines, qui devraient être, selon l’auteur, des questions de société.
Aleteia : Que diriez-vous à une jeune fille, (et à sa mère), qui s’apprête à prendre son premier rendez-vous chez un gynécologue ?
Marianne Durano : Je leur dirais d’aller voir plutôt une sage-femme ! Si la jeune fille ne présente pas de pathologie particulière, les sages-femmes sont tout aussi compétentes que les gynécologues. Elles savent écouter, et n’auscultent pas systématiquement. Elles n’ont pas ce regard “pathologisant” sur le corps, dans la mesure où elles sont formées pour suivre des personnes qui vont bien.
Que diriez-vous à une jeune femme enceinte, angoissée et stressée par la multitude d’examens qu’exige aujourd’hui le suivi médical de grossesse ?
Elle doit savoir que si elle ne veut pas faire un examen, elle est en droit de le refuser. Si elle ne veut pas faire le test de la trisomie 21, qu’elle ne se laisse pas démonter ! Si elle ne veut pas faire le test de glycémie du septième mois, parce qu’elle sait qu’elle n’a pas de prédisposition au diabète, elle peut dire non. Si elle ne veut pas subir une échographie endovaginale, elle est en droit de refuser. On lui dira qu’elle prend des risques, c’est sûr, mais mettre au monde un enfant, c’est prendre un risque !
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Le féminisme à l’épreuve de la maternité
Que diriez-vous à une jeune femme, tiraillée entre son désir d’enfant et ses ambitions professionnelles ? Quel serait le bon moment ?
Elle ne serait pas la seule dans ce cas ! Elle est victime d’un système que subissent toutes les femmes, et cela n’est pas juste, car jamais un homme n’aura à se poser cette question-là ! Je lui dirai qu’il est possible de concilier vie professionnelle et vie familiale, mais qu’en revanche, on peut commencer une carrière à 40 ans, alors qu’on ne peut pas avoir un enfant naturellement à 40 ans. On ne peut pas ignorer éternellement son corps.
Que diriez-vous à un homme qui ne cesserait de différer la conception d’un enfant, sous prétexte que “ce n’est pas le bon moment” ?
Je lui dirais de penser un peu à sa compagne, qui elle, n’a pas le luxe d’être féconde toute la vie. S’il désire avoir des enfants avec elle, chaque année qui passe est un risque supplémentaire d’avoir des difficultés à concevoir, surtout dans un contexte où l’on sait que les problèmes d’infertilité sont de plus en plus fréquents. Ce n’est jamais le bon moment, on aura toujours autre chose à faire, donc si on attend que tout soit en ordre pour que l’enfant arrive, il n’arrivera jamais.
Et à une jeune mère, tiraillée entre l’idée de reprendre son travail après deux mois et demi de congé maternité, et son désir de rester à la maison pour s’occuper de son enfant ?
Il sera toujours temps de s’épanouir professionnellement, mais son enfant ne sera pas éternellement nourrisson. Son entreprise aura toujours besoin d’elle, mais son enfant n’aura jamais autant besoin d’elle que lorsqu’il vient de naître. Qu’est-ce que six mois dans une vie à l’échelle d’une carrière ? Ce n’est rien ! Mais à l’échelle d’une maternité, c’est énorme ! Et être à la maison, ce n’est pas être à la maison “toujours”. On a besoin de redécouvrir la temporalité des femmes : la femme a plusieurs temps, elle vit différentes époques à travers son cycle, elle peut très bien rester à la maison quelques mois, quelques années, puis reprendre un travail et s’y épanouir. Là encore, le système place les femmes face à des choix violents et insolubles. Une société, qui exige d’une mère qu’elle s’arrache à son nourrisson en ayant l’impression de s’arracher un membre, pour reprendre le travail, est tout simplement inhumaine.
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Le « féminisme intégral », une réconciliation des femmes avec leur féminité ?
Que diriez-vous à un couple en fort désir d’enfant, qui hésite à avoir recours à la PMA pour concevoir ?
Avant de dire quoi que ce soit, j’essaierais de les écouter, d’écouter leur souffrance. Beaucoup de couples témoignent qu’on leur propose immédiatement une solution technique et que cela dispense la société d’une solidarité humaine et d’une écoute attentive de leur problème. Je leur dirais, si aucune raison médicale n’a été diagnostiquée, que les méthodes naturelles et la connaissance de son corps peuvent aider à concevoir.