Un aspect du pontificat a jusqu’à présent été plus discret, mais bien présent : celui de la réforme spirituelle souhaitée par le pape François. Décapante !
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Lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires, le cardinal Jorge Mario Bergoglio avait la réputation d’une certaine austérité de vie, qui contraste avec l’image planétaire d’un Pape embrassant les bébés et n’aimant rien tant que le contact avec la foule.
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Sauf que… Cette austérité, on la retrouve lorsque le 266e successeur de Pierre célèbre la messe. Visage fermé, pas de sourire, concentration extrême sur ce qu’il est en train de faire : faire descendre le Christ sur la terre. Sur ce moment essentiel qu’est l’Eucharistie, un des nombreux aphorismes du Pape argentin a fait florès : halte aux téléphones portables pendant la messe pour prendre des photos, car “la messe n’est pas un spectacle !”. C’est au contraire aller “à la rencontre de la Passion et de la Résurrection du Seigneur”…
Une suggestion du cardinal Sarah
Au passage, c’est un point sur lequel le souverain pontife se retrouve avec le cardinal Robert Sarah, son “ministre” en charge du Culte divin au Vatican, et très sensible au respect de la liturgie. Plusieurs sources à Rome ont d’ailleurs confirmé que ce même prélat a suggéré au Pape de faire un cycle de catéchèses sur ce sujet, lors de son audience générale du mercredi. C’est chose faite depuis novembre dernier.
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Chaque mercredi, avec sa pédagogie habituelle, le pontife explique ainsi le sens de la messe à des fidèles conquis. Afin, a-t-il exposé, de les faire mieux participer à l’Eucharistie et de les rendre missionnaires. Sans doute espère-t-il secrètement que les curés de paroisse auront à cœur de suivre cet exemple romain, pour enseigner à leur tour leurs ouailles sur ce sommet de la vie chrétienne…
L’autre moment clef pour saisir la pédagogie spirituelle du pape François, ce sont les fameuses homélies matinales, à la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican. Les théologiens discutent encore pour savoir si celles-ci relèvent bien du magistère, au même titre que les encycliques par exemple. Le peuple chrétien, lui, s’en délecte, tant elles témoignent du désir de rejoindre chacun. Même si le style est beaucoup plus oral qu’écrit, et donc difficile à retranscrire : “le pontife n’a pas l’esprit de géométrie”, affirme un connaisseur !
Ce qui se voit moins, en revanche, indique encore ce prélat, ce sont les longues heures de prière qui ont précédé, à méditer sur les textes du jour, pour cet homme de 81 ans qui se lève à 4h du matin. Il y a là une preuve que la longue formation reçue par le Pape jésuite — il a fêté le 11 mars ses 60 ans de vie religieuse — est tout ce qu’il y a de plus traditionnelle !
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Selon Austin Ivereigh, auteur d’une biographie du Pape qui plonge dans les racines argentines du pontificat, une de ses clefs de compréhension réside dans une exigence de retour aux sources, déjà à l’œuvre lorsque Jorge Bergoglio était supérieur des jésuites argentins. Pour ce dernier, le renouveau consistait à revenir au charisme primitif des jésuites, pour l’adapter au monde moderne. Pas question de faire table rase du passé, donc…
“Avec Satan on ne peut pas discuter”
Il y a de même chez ce Pape sud-américain une radicalité bien dans la manière jésuite : “Quand on ne confesse pas Jésus Christ, avait-il déclaré en ouverture de son pontificat, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon”… Il semble que cinq ans après, ce fil d’Ariane du pontificat, transparaisse toujours en filigrane. Comme lorsque le pape a déclaré à la télévision italienne, en décembre dernier, que le mal “n’est pas une chose diffuse, c’est une personne. Je voudrais dire quelque chose dont je suis convaincu : avec Satan on ne peux pas discuter”.
Voilà pourquoi, sans doute, le pape François s‘est montré si sévère lors de chacun de ses discours à la Curie romaine, en décembre. Dénonçant les “maladies” spirituelles qui menacent le gouvernement de l’Église, appelant les prélats à un “examen de conscience” et à la confession, à la “vertu”… Comme pour les engager à se réformer d’abord eux-mêmes, avant de parler des réformes de structure.
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Cette vive conscience du combat spirituel à mener, on la retrouve également, par petites touches, dans le calendrier et les livres liturgiques, enrichis sous ce pontificat par les mentions explicites de saint Joseph, et la création, récente, d’une nouvelle fête de sainte Marie Mère de l’Église. De même qu’au début du pontificat, le Vatican a été placé sous la protection de l’archange saint Michel.
C’est dire l’importance que ce pontife accorde à la protection et l’intercession des saints. Il est d’ailleurs celui qui aura le plus canonisé dans l’époque moderne, dont Mère Teresa et Jean Paul II, ainsi que deux voyants de Fatima, François et Jacinthe Marto, les plus jeunes enfants non-martyrs jamais canonisés par l’Église. Même le père Jacques Hamel a été déclaré “martyr” d’office par le pape — son procès de béatification suivra néanmoins la procédure.
Au final, c’est donc bien cette aspiration à la sainteté qui constitue la toile de fond de tout le pontificat. Une “classe moyenne de la sainteté” même, comme disait un auteur français cité par le Pape. À cet effet, il se dit que le pontife prépare pour bientôt un nouveau document, en forme d’exhortation des fidèles à la sainteté. En attendant, il se rendra samedi prochain dans le sud, pour rendre hommage à Padre Pio, le saint contemporain le plus aimé d’Italie. Sans doute que pour Jorge Bergoglio, il s’agit du plus bel exemple d’une sainteté populaire, accessible à tous.