Petrus Karatay, Assyro‐Chaldéen partisan du retour des chrétiens dans leur terre d’origine, a joint le geste à la parole, malgré diverses tentatives d’intimidations.
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Libre ! Après douze jours, Petrus Karatay, 64 ans, a pu rassurer ses proches : il n’est plus détenu par les autorités turques. Les circonstances de son arrestation ne présageaient pourtant rien de bon. Le 10 janvier 2018, des soldats venaient à son domicile et l’arrêtaient pour “terrorisme”. Son jugement demeure en attente, et il reste soumis à une interdiction de quitter le territoire. “Je n’ai pas été particulièrement maltraité”, rassure-t-il. Mais les autorités turques sont sur les dents, et il a suffit d’une simple lettre calomnieuse, pour que Petrus Karatay soit mis sous les verrous. On ne connaît pas l’identité du corbeau, les autorités se contentant d’invoquer un “témoin anonyme”, probablement un voisin jaloux.
Le dernier chrétien du Sirnak
Petrus Karatay réside dans son village ancestral d’Harbole, dans la province de Sirnak (sud-est de la Turquie), où il a réemménagé en 2009, après un exil de 20 ans en France. Il y gère le Comité de coordination de l’opération retour. Des familles de chrétiens, turcs chaldéens comme lui, repassent épisodiquement au pays, reconstruisent les maisons, mais elles résident à l’étranger. Sur place, il y a trop de contraintes, et surtout une inquiétude persistante pour leur sécurité.
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Petrus Karatay, quant à lui, assure qu’il ne faut pas avoir peur : “Je m’entends bien avec la plupart de mes voisins kurdes”, et plusieurs de ses amis étaient des amis de famille avant le grand départ des chrétiens, dans les années 1980, à la suite du conflit kurdo-turc. Ces chrétiens étaient pourtant eux-même des rescapés du grand génocide de 1915. Ils sont devenus si peu nombreux qu’on a parfois décrit Petrus Karatay dans la presse comme le “dernier assyro-chaldéen du Sirnak”. Mais lui préfère se voir comme le premier d’une nouvelle ère. En attendant, il reconstruit jour après jour sa maison, ses champs et son village.
On nous a dit de revenir puis… plus rien
Lors de son retour à Harbole, il avait obtenu le soutien du consulat et des autorités locales turques. Mais il regrette que les paroles encourageantes soient peu suivies d’effets. En 2009, il a retrouvé un village défiguré. Les voisins avaient capté l’eau, et la mine de charbon avait vidé son terril dans le cimetière et sur les ruines de l’église, vieille de 1 500 ans. Avec des chrétiens de passage, il a rassemblé les pierres de l’église et les stèles du cimetière.
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Il sait qu’il n’est pas le bienvenue pour tout le monde, comme le prouve sa mésaventure récente, et tient à préciser : “La plupart de mes voisins kurdes sont des amis… Mais il y a des musulmans qui croient qu’il faut mettre les chrétiens dehors. Et ils croient aussi que nous sommes faibles, que nous ne sommes soutenus par personne, et qu’on peut nous spolier impunément !”
De fait, il a le sentiment que les Assyro-chaldéens ne sont jamais soutenus. Lors du génocide de 1915, on n’a pas entendu la voix de l’Europe, dénonce-t-il. En revanche, il n’a rien d’un faible ! Lorsqu’on lui demande pourquoi il n’est pas resté en France, il explique : “Il y a de bonnes choses en Europe, mais aussi de mauvaise… Chez vous il n’y a pas de solidarité, les familles sont éclatées. Ici, nous avons nos problèmes, mais c’est notre terre. Même mon corps le sait : chez vous je souffrais du diabète et du cholestérol, alors qu’ici j’ai l’impression de revivre !”
En attendant de voir fleurir les amandiers
Petrus Karatay conserve intact son enthousiasme pour la beauté de son pays montagneux. Il a un coin de paradis dans le village de sa jeunesse, un verger à flanc de colline, dans lequel il fait grandir 4 000 plants. Des pistachiers, des noyers, des vignes et des amandiers. Ces derniers sont connus pour être les premiers à fleurir, après l’hiver, et on pourrait théoriquement voir poindre leurs fleurs blanches et rosées dans quelques jours. Mais ce ne sera probablement pas pour cette année : “Je les ai plantés trop tard… On verra ça plutôt l’année prochaine”, conclut-il avec philosophie… la première vertu d’un homme qui plante des arbres, est bien la patience !