Le 24 février 2018, la branche italienne de l’Aide à l’Eglise en Détresse a organisé un événement exceptionnel à Rome afin d’éveiller les consciences sur les persécutions anti-chrétiennes commises le monde entier. Pour l’occasion, des victimes directes de ces violences avaient été invitées à témoigner.
La jeune fille à l’estrade parle vite. Elle s’exprime en ourdou, sa langue natale et la seule qu’elle connaisse. Mais un mot transparent revient souvent dans son discours : mama, maman… Sa maman, dont elle parle avec émotion, c’est Asia Bibi, emprisonnée depuis de longues années au Pakistan au nom des lois anti-blasphèmes contre l’islam. Asia Bibi n’a même pas commis le “crime“ qui lui est attribué. Sa seule faute ? Avoir bu dans le même verre que ses collègues musulmanes. Et être chrétienne, donc impure.
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A deux reprises, en première instance et en appel, les juges pakistanais ont estimé que cela méritait la peine de mort. Maintenant, les juges de la Cour suprême n’osent s’exprimer au vu des violences terroristes dont ils sont menacés par des groupes islamistes. Un ministre, Shahbaz Bhatti, est déjà mort pour avoir ouvertement soutenu Asia Bibi. Lui aussi était chrétien. Un martyr.
Son dernier souvenir de sa mère
Eisham Ashiq poursuit son discours. Sa voix s’accélère, se tend, elle fond en larmes. Dans l’assistance, les gorges se serrent en entendant la traduction : La jeune fille racontait son dernier souvenir de sa mère hors de prison, quand les policiers sont venus l’arrêter. Alors âgée de neuf ans, elle a vu Asia Bibi être trainée plus bas que terre, à la limite du viol.
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“C’est une douleur que je ne peux oublier”, souffle Eisham Ashiq. Son père continue à sa place : le calvaire d’Asia Bibi, indique-t-il, s’arrêterait si elle reniait sa foi et épousait un musulman. Mais elle ne veut abandonner ni Jésus-Christ, ni sa famille.
Le Colisée illuminé en rouge
A Rome, juste derrière l’estrade d’où parle la famille d’Asia Bibi, le Colisée s’est illuminé en rouge. Une initiative de la branche italienne de l’Aide à l’Eglise en Détresse afin d’éveiller les consciences sur les persécutions que subissent encore aujourd’hui tant de chrétiens dans tant d’endroits du monde. 2.000 ans après avoir été le théâtre du martyre de chrétiens, le Colisée s’associe à eux et revêt symboliquement la couleur de leur sang.
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Une autre victime de persécutions anti-chrétiennes a été invitée à s’exprimer : Rebbeca Bitrus, nigériane de 28 ans enlevée par Boko Haram en 2014. Son visage est constamment marqué d’une grande tristesse, la souffrance y est gravée. Et pour cause, son histoire à elle aussi est terrible. Ses ravisseurs, eux aussi, veulent la convertir à l’islam, ce qu’elle s’obstine à refuser. Le chapelet qu’elle a discrètement réussi à garder dans sa poche est son seul allié.
Le témoignage du sang versé
Mais un jour, c’en est trop pour les terroristes. Ils prennent son petit garçon, âgé d’un an seulement, et le jette dans la rivière, raconte Rebecca tandis que les larmes coulent sur son visage. La jeune femme est quant à elle est longuement violée. Suite à cela, elle tombe enceinte et donne naissance à un petit garçon. Malgré les circonstances terribles, elle l’aime et quand elle finit par réussir à s’enfuir, elle emmène son enfant avec elle.
Trop de chrétiens continuent à offrir “le témoignage du sang versé”, s’inquiète le cardinal Pietro Parolin, bras-droit du pape François. Et pourtant, ils demandent simplement à pouvoir croire en l’Evangile, un “message d’amour et de pardon” offert par un Seigneur tendre et miséricordieux. Mais les idéologies préfèrent “supprimer plutôt qu’intégrer celui qui semble mettre en discussion les certitudes”, condamne le haut prélat.
Pour Antonio Tajani, président du Parlement européen et lui aussi présent à cet événement, la religion n’est pas seulement un fait privé, chacun doit avoir la possibilité de professer librement la sienne. Et comme l’Europe garantit cette liberté à tous, estime-t-il, elle est légitime à demander que celle-ci s’applique dans le monde entier. Les Nations unies doivent ainsi reconnaître le “génocide” des chrétiens d’Orient, comme l’a fait le Parlement européen.
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Après les discours, à la fin de la soirée, dix lanternes volantes sont lancées dans le ciel. Dix lanternes pour dix chrétiens morts au cours des dernières années pour leur foi. Parmi eux, des prêtres irakiens, une jeune fille italienne ou encore des missionnaires. Mais aussi le Père Jacques Hamel, assassiné en France par des islamistes alors qu’il célébrait la messe.
Les lampions portent leur lumière d’un jaune éclatant vers le Ciel. A travers eux, on voit l’âme de ces martyrs rejoindre le Père. Au sol, le Colisée reste revêtu de leur sang éclatant.