Le Sénat examine ce mercredi une proposition de loi visant à « simplifier et renforcer l’encadrement » des établissements privés hors contrat. Directrice générale de la Fondation pour l’école, Anne Coffinier fait part de son inquiétude quant à la liberté d’enseignement des écoles hors contrat, pourtant motrices dans le secteur éducatif.
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Une proposition de loi visant à « simplifier et renforcer l’encadrement » des écoles privées hors contrat est examinée ce 21 février par le Sénat. Déposé par la sénatrice centriste d’Ille-et-Vilaine Françoise Gatel, ce texte propose de durcir les conditions “en amont” de la création d’une école. Par exemple, le texte prévoit d’allonger les délais d’opposition à l’ouverture d’une école de huit jours à deux mois pour le maire et trois mois pour « les services de l’État ». Par ailleurs, les personnes portant le projet devront fournir toute une « liste de pièces » telles que les titres du chef d’établissement et des enseignants, le projet pédagogique, les modalités de financement, les programmes et les horaires de l’enseignement devant être dispensé, le plan des locaux affectés à l’établissement et, si le déclarant appartient à une association ou si l’établissement projeté est financé par une association, une copie des statuts de cette association. »
Tous ces éléments pourront bien entendu être, le cas échéant, des motifs d’opposition. Si La République en marche ne dispose pas de la majorité au Sénat, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, s’est déclaré favorable à ce texte mi-février. Directrice générale de la Fondation pour l’école, Anne Coffinier revient pour Aleteia sur les risques d’une telle loi pour la liberté scolaire.
Aleteia : En quoi cette proposition de loi vous semble-t-elle être une menace pour la liberté d’enseignement des écoles hors contrat ?
Anne Coffinier : Cette proposition de loi complexifie l’ouverture de classes hors contrat qui en viendront même à être plus contrôlées par l’Éducation nationale que les écoles sous contrat, alors même qu’elles ne sont pas financées par de l’argent public. Trop d’écoles se créent aux yeux de l’Éducation nationale : on compte 122 nouveaux établissements rien que pour la rentrée 2017 ! C’est comme si cette vitalité de la société civile leur était insupportable… En parallèle, cette proposition n’est pas anecdotique, elle concerne la liberté scolaire en général car elle s’adresse aussi bien aux établissements hors contrats que sous contrats. Quand une école est créée, elle est obligatoirement « hors contrat » pendant une période de cinq ans. Ensuite, en fonction des financements et du rectorat, qui doit donner son accord, l’établissement peut passer sous contrat. Or, Emmanuel Macron a fait savoir qu’il n’octroierait pas de nouveaux budgets pour l’ensemble du privé ; aucune classe ne pourra donc passer « sous contrat »…
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Quels objectifs cette loi fixe-t-elle ?
Cette proposition de loi n’est pas claire dans ses finalités. C’est bien cela que je lui reproche. Parfois il s’agit de simplifier le régime, parfois il s’agit de lutter contre les dérives radicales… Sur ce deuxième point, ce texte ne sert à rien, car le vrai problème ne réside pas dans le hors contrat mais dans les écoles qui ne se déclarent pas. Le gouvernement est en train de taper avec un maillet sur un petit secteur qui a fait énormément d’efforts pour être dans les clous !
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Cette proposition de loi fait penser au projet de Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l’Éducation nationale, de transformer l’actuel régime de déclaration des écoles hors contrat en régime d’autorisation…
C’est le même esprit : rendre plus compliqué la création d’écoles. Le projet de Najat Vallaud-Belkacem avait été rejeté par le Conseil constitutionnel parce qu’il portait « une atteinte disproportionnée à la liberté constitutionnelle d’enseignement, indissociable de la liberté d’association ». Mais si cette proposition de loi prétend rester dans un régime de déclaration, il n’en demeure pas moi que l’ouverture d’établissements hors contrat va être soumis à un régime juridique tout aussi restrictif… et dissuasif. L’État essaye de renforcer sa mainmise sur le secteur de l’enseignement privé hors contrat mais ce n’est pas son travail, son rôle est de garantir les libertés, pas de les freiner !
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En quoi ces écoles indépendantes sont-elles nécessaires ?
L’intérêt des établissements hors contrat est d’être libres et donc d’avoir la latitude suffisante pour développer de nouvelles manières de faire, d’apprendre etc. Dans tous les secteurs, l’innovation vient de la société civile, et c’est aussi le cas pour l’éducation ! Ce qui est étrange c’est que ce discours a également été tenu par Jean-Michel Blanquer…. J’imagine qu’il n’a pas pu faire le poids face à l’inertie propre à l’administration de l’Éducation nationale…. Le secteur hors contrat, par sa capacité d’innovation, répond pleinement aux défis de la modernité. Le gouvernement doit comprendre cela ; mettre le secteur hors contrat dans l’incapacité d’innover, dans l’incapacité de stimuler le secteur public, serait dramatique pour la suite.