Jean-Michel Blanquer a présenté ce matin en Conseil des ministres la nouvelle formule du baccalauréat. Revalorisation du contrôle continu, limitation à quatre le nombre d’épreuves écrites, mise en place d’un grand oral, disparition des filières généralistes (L, ES, S)… Claude Lelièvre, historien spécialiste des questions d’éducation, a décrypté pour Aleteia cette réforme.
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Le nouveau baccalauréat, dont la première session aura lieu en 2021, ne comptera désormais plus que quatre épreuves écrites, dont le français et la philosophie ainsi qu’un grand oral, qui pèseront pour 60 % de la note finale, les 40 % restant provenant du contrôle continu. En parallèle, les séries généralistes (L, ES, S) seront supprimées au profit d’un tronc commun et de “majeures”, a indiqué ce 14 février le ministre de l’Éducation nationale en Conseil des ministres. Claude Lelièvre, professeur honoraire d’histoire de l’éducation à la faculté des sciences humaines et sociale-Sorbonne (Paris V) et spécialiste dans l’histoire des politiques scolaires, a commenté cette nouvelle formule pour Aleteia.
Aleteia : Que pensez-vous de la revalorisation du contrôle continu, qui comptera désormais pour 40% de la note finale ?
Claude Lelièvre : Jean-Michel Blanquer a annoncé ce matin que le contrôle continu représentera 40% de la note finale du baccalauréat. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Sur ces 40%, seuls 10% proviendront des notes de première et terminale. Les 30% restant résulteront de partiels organisés dans chaque établissement au niveau national. Les élèves vont donc bachoter plus souvent et plus longtemps dans l’année. Avec seulement 10% de vrai contrôle continu, nous sommes bien loin de la simplification du baccalauréat qui était pourtant l’objectif premier de cette réforme. En terme de simplification, c’est l’arnaque du siècle. C’était pourtant le centre de l’affaire… Je suis très surpris et très déçu à ce niveau-là.
Au-delà de la simplification, ce quasi rééquilibrage “épreuves – contrôle continu” est-elle une mesure plus juste, reflétant mieux le niveau de l’élève, ou cela va-t-il être, au contraire, être une source d’inégalités ?
Que l’évaluation se fasse par le biais d’épreuves ou par le contrôle continu, où est l’enjeu si ce n’est celui de la simplification ? Avec un taux de réussite de 90,7% pour le bac général, 90,5% pour le bac technologique et 81,5% pour le bac professionnel, la question n’est pas vraiment celle des inégalités. C’est un faux problème.
Que pensez-vous de la disparition des trois filières généralistes au profit d’un tronc commun et de deux majeures ?
Cette mesure ne rassure pas les enseignants mais va rassurer les enseignés. Globalement je suis assez rétif aux entonnoirs, cette formule devrait permettre de préparer de manière plus pluraliste au supérieur. À priori, l’élève ne pourra pas déboucher dans un endroit qui ne débouche sur rien ! Il faut voir désormais la mise en œuvre et comment les “majeures” vont être choisies en plus du tronc commun. Je tiens également à souligner que de nombreuses personnes issues des milieux intellectuels, politiques et médiatiques se sont émues de la disparition de ces filières. Mais il ne s’agit là que du bac général. Le ministre de l’Éducation nationale a peu parlé du bac technologique et pas du tout du bac professionnel…
Est-ce que le grand oral vous semble être une épreuve intéressante ?
Quand Napoléon a créé le baccalauréat, il n’y avait que de l’oral. Il s’agissait d’un entretien avec trois universitaires qui durait entre 20 et 30 minutes. Sous la IIIe République, chaque matière du baccalauréat était passée à l’écrit et à l’oral. Puis sous la Ve République, il n’a été conservé que pour les langues étrangères et le français. Au début, j’étais vent debout contre l’intitulé “grand oral”. Nous n’avons pas besoin de jouer les bibendums. Mais finalement je trouve le format assez pertinent : l’élève sera interrogé sur un travail bi-disciplinaire qu’il aura réalisé sur un ou deux ans, il devra le défendre à l’oral. C’est un peu comme la soutenance d’une petite thèse et pour l’universitaire que je suis, cela ne peut que me plaire.
Ce nouveau format répond-t-il mieux aux exigences des études supérieures et, a fortiori, aux exigences rencontrées sur le marché du travail ?
Sur l’organisation même de l’épreuve, à l’exception du grand oral, je n’y crois absolument pas. En revanche, concernant l’organisation des cours au lycée, je pense que la formule “tronc commun – électifs” est pertinente car modulaire.