Xavier Giannoli s’est lancé dans l’aventure assez risquée de suivre les étapes d’une enquête canonique. Une apparition mariale est l’objet de l’investigation, confiée à un reporter de guerre reconnu. En salle le 14 février, “L’Apparition”, film bien documenté, garde une part de mystère, sans se substituer à celui de l’Église qu’il respecte.
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Le réalisateur a eu beaucoup de mérite de traiter ce sujet avec le plus d’objectivité possible. D’autant que les arcanes du milieu catholique ne sont pas toujours faciles à démêler. D’ailleurs, c’est à ses propres questions sur la foi qu’il souhaitait répondre et il parvient à interroger de la même manière le spectateur. Avoir choisi Vincent Lindon pour tenir le film l’a épargné de certains écueils et permet de maintenir le point de vue adopté tout au long de l’enquête, celui du reporter, proche du documentaire. Le reste du casting est pertinent, même si l’histoire n’est pas toujours convaincante.
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Jacques, grand reporter pour Ouest-France, vient de perdre son coéquipier dans une mission de guerre. Il est contacté par le Vatican pour une histoire d’apparition, dans le sud-est de la France. Une jeune fille, Anna, dit avoir vu la Vierge Marie. Le phénomène prend de l’ampleur et le journaliste est chargé de compléter la commission d’enquête pour connaître la vérité.
Des dialogues justes pour sauver l’intrigue
Plusieurs histoires se mêlent à l’intrigue principale, comme l’indique la division en six chapitres du film. Le passé d’Anna pourrait en effet éclairer la véracité de ses propos, cerner là où se trouve le mensonge. Abandonnée à la naissance, elle est passée de familles d’accueil en foyers. Sa vocation religieuse ajoute à la difficulté de l’enquête, mais ce sont surtout les pressions de deux prêtres, responsables de l’engouement des fidèles pour le fait surnaturel de cette nouvelle apparition possible, qui sèment le trouble. Certains sentiments sont incompréhensibles, certaines réactions de même, à cause du manque de cohérence avec l’ampleur dramatique parfois inexistante.
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Le réalisateur sort beaucoup de cartes, mais passe parfois à côté de l’essentiel, se perd dans une intrigue, par peur d’affronter le risque de se tromper ? Le film manque à ce titre de force émotionnelle. Xavier Giannoli s’est manifestement refusé à explorer les sentiments et les positions de certains personnages. Pour autant, le texte et les dialogues sauvent l’histoire, souvent justes, épurés, travaillés et pertinents, ils viennent au secours du scénario, même si le tempo est là, et la fidélité à ce qu’il se passe parfois dans l’Église aussi. On effleure ici les âmes, sans y plonger vraiment, car le film se contente parfois d’observer, de rendre compte avec authenticité, pour laisser la liberté au spectateur de prendre son parti.
“La foi voyage parfois incognito”
À mesure que le journaliste se bat avec les vérités et les mensonges, les indices le séparent des autres, sauf d’Anna, avec qui il semble partager la souffrance de la situation. Plus l’enquête avance, plus Jacques pourrait se passer de preuves : il commence à comprendre l’enjeu de la foi face à la vérité des faits. Un prêtre de la commission d’enquête canonique lui souffle même : “La foi voyage parfois incognito”, un clin d’oeil au “hasard, c’est Dieu qui se promène incognito” d’Albert Einstein.
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Cela met-il en doute la foi des hommes d’Église ou celle des fidèles qui affluent avec trop de mysticisme dans leurs bagages sur le lieu de l’apparition ? Le film ne le dit pas, c’est une interrogation du spectateur, qui regarde cette enquête déclenchée par une vérité, suivie par un mensonge et close par un sacrifice, où chacun tente de garder pied face au fait incroyable et perturbant d’une apparition mariale.
Finalement, c’est peut-être la démarche du réalisateur qui nous touche le plus ici, palpable à travers le personnage de Jacques. Celle d’un homme qui ne sait pas et qui ne prétend pas se mettre au-dessus de la vérité, plutôt tenté par la possibilité d’avoir la foi, tout simplement : là où se trouve la véritable lumière. Voilà le coeur du film.