“Douze kilomètres à pied pour confier au Seigneur les vocations dans nos familles”, c’est le pèlerinage qu’ont réalisé des mères de familles de la paroisse du Chesnay (Yvelines) le 27 janvier dernier. Une manière pour elles de concentrer leurs prières sur l’accueil d’une vie consacrée parmi leurs propres enfants.
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Ma fille rentre au couvent ! Mon fils rentre au séminaire ! Émotion ? Joie ? Angoisse ? Frustration ? Les larmes de toutes nature se mélangent sur les visages des parents et des frères et sœurs qui l’apprennent. Les vocations naissent dans l’intimité du coeur des jeunes gens et la première étape leur appartient à eux seuls. La communauté chrétienne, à l’heure où le nombre de consacrés diminue en France, apporte fréquemment son soutien dans la prière pour que ces jeunes trouvent la force de répondre à l’appel de Dieu.
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Dans une émission de KTO (avril 2013), Mgr Renauld de Dinechin rappelle que “demander des prêtres, des religieux à Dieu dans la prière, c’est consentir à ce qu’Il puisse répondre de la manière dont il veut, que ça passe loin de moi ou près de moi”. Car oui, si une vie consacrée est le fruit d’un acte courageux de la personne concernée, elle est aussi un bouleversement pour la famille. Parents, frères et sœurs, amis, entament un chemin de dépossession de l’être cher, qui se consacre à une vie nouvelle, loin de ses préoccupations d’antan.
Les vocations ne surgissent pas à n’importe quel endroit et de façon complètement inexplicable. Bien souvent, les familles qui accueillent une vocation reconnaissent avoir fait grandir leurs enfants dans des environnements propices à la maturation de la foi. Delphine, une parisienne de 64 ans, confie avoir pris appui sur sa foi “fragile” pour éduquer ses enfants. À la naissance de ses filles, elle remet à Dieu sa charge de mère : quoi qu’il en fera, elle acceptera. Promesse dont elle ne manque pas de se rappeler quand sa fillette de 7 ans lui murmure à l’oreille son désir de vie religieuse. “Nous les avons inscrit aux scouts, je les emmenais à la messe, nous avions une paroisse “trop” bien pour nous”, raconte cette femme qui pourtant ne se définit pas “très catho !”.
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Au fil du temps, les dispositions personnelles grandissent, portées par l’entourage. Delphine ne savait pas que sa fille allait chaque jour à la messe. L’importance et le rôle des lieux et des personnes qui les font vivre est indéniable pour aider les jeunes à se poser des questions profondes et à être capable de répondre à l’appel de Dieu. La prière pour les vocations est donc inséparable d’un accompagnement et d’un encouragement actif des familles dans le chemin de foi de leurs enfants.
La difficulté de l’accueil
Cette disposition des familles chrétiennes n’empêchent pas la difficulté de l’accueil. Frère Jean-Thomas (o.p) le rappelle, la ferveur des parents “n’empêche pas un petit pincement au cœur, un temps d’acceptation qui peut être plus ou moins long, mais ça se fait très bien pour peu qu’il y ait une vie de prière”. Derrière ce pincement du cœur se cache un réel renoncement qui s’impose aux parents : fin des visites régulières de l’enfant, pas de petits-enfants etc.
Delphine, quelques temps après, dit avoir eu une “réaction très égoïste”. “Le plus dur est de se dire que tout ce qu’on fera dans l’avenir, elle ne le verra pas”, souffle-t-elle en parlant du départ de sa fille Élisabeth, rentrée à 20 ans chez les cisterciennes. La charge émotionnelle est difficile à anticiper, et l’annonce est toujours un cap à franchir pour tous les membres de la famille. “Il vaut mieux que ce soit un moment où il n’y a pas trop de tensions familiales, prévient frère Jean-Thomas, même si là encore, on ne doit pas repousser l’annonce et encore moins l’entrée au motif que ce ne serait pas le moment”.
“S’il fallait donner un conseil aux familles dans l’accueil des vocations, je dirais qu’il faut tout à la fois favoriser la sainteté des enfants, et la liberté de leur décision, conseille frère Jean-Thomas. Si vos enfants ont le désir d’être des saints, il est possible que la question de la vocation émerge, et alors il faudra l’accueillir avec bienveillance”, avance-t-il.
Un fruit pour toute la famille
C’est ensuite un réel travail de relecture pour la famille que d’identifier les fruits de ce bouleversement. Delphine raconte avoir vu le regard de sa fille “transformé” après quelques années de vie religieuse : “J’ai su qu’elle était heureuse et à sa place”.
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Marion, 19 ans aujourd’hui, en avait 12 quand elle a vu sa sœur Stéphanie rentrer chez les moniales de Bethléem. “Elle n’arrivait pas à nous l’expliquer, il fallait juste l’accepter”, confie-t-elle en parlant de sa famille. Et de confier sans détours que “c’est encore difficile” aujourd’hui à bien des égards. Pourtant, explique-t-elle dans un sourire, “en acceptant Dieu comme le parfait beau-frère, j’ai aussi découvert une nouvelle communauté religieuse, des centaines de sœurs qui me prenaient vraiment pour leur petite sœur ! Une famille qui s’impose mais qu’on accueille et que j’aime retrouver”.
Oui, la vocation c’est parfois l’exclusivité “imposée” d’un membre de la famille. “Il faut beaucoup d’humilité pour accepter de s’effacer devant le mystère de la vocation de son enfant, et d’être relégué au second plan de la décision”, admet frère Jean-Thomas. Mais toute la famille peut en tirer sa part. La grâce de l’abandon et la créativité de la foi sont là pour réussir à s’approprier une réalité plutôt que de la subir passivement : Marion sait désormais saisir l’occasion de “belles discussions qui naissent de ma présentation de famille”, pour toucher les cœurs et témoigner que “Dieu seul suffit”.