Facteur d’orgues mais pas que ! Installé dans son petit atelier à Neufchâteau (Vosges), Victor Mangeol fait partie des rares restaurateurs à pratiquer la réparation d’harmoniums, instruments souvent abandonnés. Rencontre avec cet artisan d’art passionné par la musique.
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Aleteia : En quoi consiste exactement votre métier et comment devient-on facteur d’orgues ?
Victor Mangeol : Le métier de facteur d’orgues et de restaurateur d’harmoniums consiste à restaurer, conserver et entretenir les orgues dans les églises et les salles de concert, mais aussi les harmoniums. Avant d’être parvenu à en faire mon métier, j’ai réalisé des études en tant qu’ébéniste, facteur d’orgues et tuyauter en orgue. Puis je me suis rapproché de l’harmonium, un instrument “cousin”. Je voulais redécouvrir cet instrument que je considère magnifique mais aussi le répertoire musical qui l’accompagne.
Justement, quels sont les particularités de l’harmonium, souvent moins connu que l’orgue ?
L’harmonium est un instrument qui a fait son apparition au XIXe siècle. Il a été inventé et breveté par Alexandre François Debain en 1842. Il servait pour le culte et “meublait” les églises qui n’avait pas les moyens d’acquérir un orgue. Mais on trouvait également des harmoniums dans les écoles, pour apprendre le chant ou le catéchisme. Il n’était pas réservé uniquement à la liturgie et certains particuliers ou concertistes possédaient ces instruments pour lequel ils composaient. Justement, à ce jour, en parallèle de la redécouverte de ces magnifiques instruments, on redécouvre également un répertoire musical exceptionnel, exclusivement réservé à l’harmonium.
ll existe très peu de restaurateurs d’harmoniums en France. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous orienter vers cet instrument en particulier ?
Depuis tout petit, je suis passionné par la musique et les instruments. Mais étant facteur d’orgues, mon intérêt pour cet instrument “cousin” s’est fait naturellement. J’ai donc voulu m’orienter et me spécialiser plus concrètement sur l’harmonium afin de pouvoir répondre à une clientèle spécialisée. Il faut préciser qu’il existe en France uniquement trois entreprises spécialisées dans ce domaine ! Pour les restaurations, nous utilisons des techniques ancestrales qui remontent parfois au XVIIIe siècle : colles chaudes de nerfs, d’os, de poissons ou de peaux de lapin. Pour les finitions, nous travaillons également beaucoup à la main. Quant à la cire utilisée, nous la faisons venir de nos ruches familiales !
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Est-ce un instrument qui a encore la cote ?
Il existe encore beaucoup d’harmoniums mais ils sont souvent oubliés et abandonnés parce que les possesseurs ne connaissent pas forcément la valeur de ces instruments. Mais grâce à de nombreuses démonstrations et notre présence dans les salons de métiers d’art, nous avons réussi à sensibiliser des propriétaires et des musiciens pour remettre ces instruments en état. Nous organisons également des concerts pour en montrer toute la beauté sonore. L’harmonium est un patrimoine national car il est Français ! Il est donc important de penser à sa préservation comme témoin du passé.
Quelle restauration vous a-t-elle le plus marqué ? Un instrument en particulier ?
J’ai remis en état un instrument monumentale qui faisait 3,50 mètres de hauteur et environ 500 kilos. Cet instrument était muet et il a fallu le démonter entièrement pour le faire descendre deux étages d’une maison, avant d’être réinstallé dans une église. Cette remise en état fut longue et difficile !
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Jouez-vous de l’orgue ou de l’harmonium ?
Je suis effectivement organiste suppléant du grand orgue de l’église Saint-Sébastien de Nancy. Un instrument magnifique !
Au-delà de l’aspect patrimonial, que ressentez-vous à l’idée de participer à la sauvegarde de ces instruments, le plus souvent destinés à la liturgie ? Beaucoup de paroisses ne les utilisent plus, par manque d’organistes ou de moyens. Et pourtant, la musique est essentielle, elle accompagne les gens dans la pratique de leur foi.
La pratique de l’orgue dans les cultes me semble impérative à ce jour car, effectivement, elle a une place majeure dans la liturgie. Malheureusement, beaucoup de paroissiens, et même des prêtres, ont l’orgue ou l’harmonium en horreur. Ces instruments sont parfois mal compris dans l’exécution de pièces ou d’improvisations. Pourtant l’orgue est présent pour “colorer” la liturgie, il a une mission, donnée par les évêques de France. Sans les organistes, mon métier n’existerait pas et il est certain que dans la pratique quotidienne de mon métier, il est motivant de réaliser ou restaurer un bel instrument. Je souhaite que cela soit source d’émerveillement pour les petits comme les grands.
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Avez-vous de gros projets prévus pour 2018 ?
Actuellement, nous préparons de nouvelles restaurations d’harmoniums dans toute la France mais aussi le relevage de l’orgue du chœur de la cathédrale de Nancy. Nous allons également créer de nouveaux instruments avec des matériaux inédits, comme une serinette, un petit orgue portatif à tuyaux de verre.
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