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François Huguenin : “Les chrétiens peuvent changer le monde”

FRANCOIS HUEGUENIN
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Benjamin Fayet - publié le 17/01/18
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L’essayiste François Huguenin vient de publier Le pari chrétien aux éditions Tallandier. Pour Aleteia, il revient sur ce livre qui s’interroge sur les fractures qui parcourent les chrétiens français et sur leur rapport complexe à la politique.

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Aleteia : En introduction, vous écrivez que ce livre est né d’un constat sur les catholiques de France. Quel est-il ?
François Huguenin : Mon constat est que les polémiques concernant les questions politiques prennent de plus en plus un tour violent entre catholiques. Avec un double mouvement : chacun voit midi à sa porte, renvoyant volontiers la parole pontificale aux orties ; et chacun se prétend dépositaire de la vérité du catholicisme. Tout cela serait juste risible si cela ne portait atteinte à l’unité de l’Église et entretenait la confusion sur ce qu’est être chrétien dans le monde.

Vous évoquez un “rapport pathologique des chrétiens au politique”. Qu’entendez-vous par là ?
Il est normal que nous ayons des sensibilités différentes et que sur les modalités de mise en œuvre de certaines mesures nous puissions avoir des avis différents. C’est pourquoi je n’ai jamais cru à l’utopie d’un parti chrétien. En revanche, nous devrions arriver à l’unité sur les principes fondamentaux. Ils sont tous dans la doctrine sociale de l’Église, répétés à l’unisson par les trois derniers papes avec une grande force de conviction et une belle diversité de tempéraments ! Ce qui permettrait sur la mise en œuvre des débats sereins entre des options légitimement diverses. Or aujourd’hui, les catholiques n’arrivent plus à se mettre d’accord sur l’essentiel de leur annonce qui est la priorité donnée aux plus faibles, quels qu’ils soient (chacun ayant la tentation faire son choix parmi l’enfant à naître, la personne en fin de vie, le pauvre, le migrant, etc…). Et ils s’étripent sur les candidats aux élections de façon dérisoire…

Vous incitez les chrétiens à prendre la parole dans les débats publics. N’est-ce pas malheureusement se disqualifier aujourd’hui que de s’affirmer chrétien publiquement ?
Pas toujours. Je ne demande pas de brandir son étendard chrétien parce qu’on s’occupe des malades, que l’on visite les prisonniers ou que l’on secourt les pauvres. Mais il faut savoir témoigner de sa foi. Le Christ le demande explicitement. Parfois même, cela est très aidant. Sur certaines questions, je pense à celle de l’avortement, comment exprimer la parole chrétienne sans rappeler que nous pensons que chaque être humain est digne parce nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu ? Souvent nos contemporains ont l’impression que nous leur faisons la morale car ils ne perçoivent pas que la parole que nous portons nous dépasse, n’est pas strictement la nôtre. Dire d’où nous parlons permet, dans une société où les visions éthiques sont très dispersées, d’être plus audibles.


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Comme Fabrice Hadjdaj vous considérez que le retour des chrétiens à une situation minoritaire peut être une chance. Pourquoi ?
Je pense que pendant plus de 1500 ans nous avons vécu, en Occident, dans un monde qui était chrétien. Cette chrétienté a donné lieu à une civilisation admirable dont je ne sous-estime pas l’apport pour l’humanité. Mais cela a aussi nourri parfois un catholicisme sociologique qui s’est effondré avec la mort de la chrétienté. Les premiers chrétiens étaient minoritaires, cela ne les a pas empêchés de vivre leur foi et de la porter au monde entier ! Mais cela les a protégés d’une certaine confusion entre le fait d’être chrétien et d’avoir le pouvoir dans la société. Cette position a des avantages (la stabilité de la société) mais possède le redoutable inconvénient de risquer faire du pouvoir une idole. Le chrétien minoritaire dans un monde libre comme le nôtre, où il n’est pas persécuté, dispose d’une magnifique liberté par rapport au pouvoir. Il est dans une situation qui lui permet de vivre plus sereinement la vraie posture du chrétien : être dans le monde mais pas du monde. C’est une grâce !

Dans un monde en voie d’uniformisation et de globalisation, les chrétiens peuvent-ils former une alternative ?
Oui. Je pense que la seule parole cohérente à l’idéologie massivement dominante matérialiste, consumériste, individualiste de notre époque, à l’ultralibéralisme, au capitalisme débridé, au transhumanisme, c’est la pensée de l’Église. Sur cette parole cohérente et universelle, les chrétiens peuvent s’appuyer. Ils n’ont pas “le pouvoir” ? Qu’importe : par leur action sur le terrain ils peuvent changer le monde. Et par l’expérience de communion qu’ils font dans l’Eucharistie dominicale, ils sont à la fois enracinés dans une communauté singulière (paroissiale notamment) et reliés à l’Église universelle. C’est la seule réponse à la mondialisation.

Quelles sont les initiatives et les actions menées par des chrétiens qui suscitent actuellement votre enthousiasme dans notre société ?
Il y en a tellement. Le secteur associatif regorge de chrétiens qui mettent leurs compétences au service de la société. Ce ne sont pas toujours des associations chrétiennes, je pourrais citer l’association Pierre Claver qui a créé une école pour les demandeurs d’asile, mais elles peuvent l’être officiellement comme “Aux captifs la libération” qui accompagne les gens de la rue ou la Maison de Marthe et Marie qui aide les femmes enceintes en difficulté à garder leur enfant. Et puis je ne veux pas oublier, car c’est mon domaine, ceux qui par leur plume font circuler une parole. On se lamente du fait qu’il n’y aurait plus de grands écrivains chrétiens. Ils n’ont sans doute pas la caisse de résonnance d’hier, mais Fabrice Hadjadj, François Cassingena-Trevédy, Christiane Rancé, Sylvie Germain, Jean-Louis Chrétien, Rémi Brague, Denis Moreau, Jean-Luc Marion, mais aussi, on le sait moins, François Sureau, Pierre Manent, et je ne les cite pas tous, pardon, ce n’est pas rien… Faut-il encore les lire !

Propos recueillis par Benjamin Fayet



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