Dans une époque où la cohabitation avant le mariage est de plus en plus fréquente, quel est l’avis de l’Église sur ce sujet et pour quelles raisons ? Que penser d’une « période à l’essai » avant de s’engager pour la vie ? La société ayant évolué aussi vite que les mœurs, nombreux sont les jeunes couples habitant ensemble avant de s’engager -ou non- pour la vie. Études plus tardives, loyers élevés, peur de la solitude, multiplication des conquêtes amoureuses et donc complication du choix à poser… Les facteurs sont nombreux pour expliquer ces cohabitations avant le mariage. Mais qu’en pense l’Église, que conseille-t-elle à ce sujet ?
Ce que dit le catéchisme de l’Église catholique
La situation de concubinage, aussi appelée “union libre”, est évoquée très clairement dans le catéchisme de l’Église catholique : ” Il y a union libre lorsque l’homme et la femme refusent de donner une forme juridique et publique à une liaison impliquant l’intimité sexuelle.”. S’ensuit une définition précise de l’expression union libre jugée “fallacieuse” et de ses implications : “que peut signifier une union dans laquelle les personnes ne s’engagent pas l’une envers l’autre et témoignent ainsi d’un manque de confiance, en l’autre, en soi-même, ou en l’avenir ? L’expression recouvre des situations différentes : concubinage, refus du mariage en tant que tel, incapacité à se lier par des engagements à long terme.”
Après avoir défini les termes, le catéchisme rappelle le point de vue de l’Église à ce sujet et le justifie : “Toutes ces situations offensent la dignité du mariage ; elles détruisent l’idée même de la famille ; elles affaiblissent le sens de la fidélité. Elles sont contraires à la loi morale : l’acte sexuel doit prendre place exclusivement dans le mariage ; en dehors de celui-ci, il constitue toujours un péché grave et exclut de la communion sacramentelle.”
S’ensuit une réponse à l’objection fréquente du “droit à ” pour des personnes catholiques, amoureuses et ayant le désir, l’intention de se marier par la suite : “Quelle que soit la fermeté du propos de ceux qui s’engagent dans des rapports sexuels prématurés,” ceux-ci ne permettent pas d’assurer dans sa sincérité et sa fidélité la relation interpersonnelle d’un homme et d’une femme, et notamment de les protéger contre les fantaisies et les caprices” (CDF, décl.” Persona humana” 7). L’union charnelle n’est moralement légitime que lorsque s’est instaurée une communauté de vie définitive entre l’homme et la femme. L’amour humain ne tolère pas “l’essai”. Il exige un don total et définitif des personnes entre elles (cf. FC 80).” L’union libre est ensuite qualifiée “d’offense grave à la dignité du mariage”.
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L’invitation du pape François
Dans son exhortation apostolique Amoris Laetitia, publiée le 8 avril 2016, le pape François propose une pédagogie nouvelle à destination des familles. Il souhaite prendre en compte les fragilités humaines et ne pas nier la réalité de nos existences. Le Saint-Père y rappelle que la Bible “abonde en familles, en générations, en histoires d’amour et en crises familiales” et considère que la Parole de Dieu ne doit pas se révéler “comme une séquence de thèses abstraites, mais comme une compagne de voyage, y compris pour les familles qui sont en crise ou sont confrontées à une souffrance ou à une autre, et leur montre le but du chemin» (AL 22).
Suite à la publication de cette exhortation apostolique, certains médias ont vu dans le pape François, le pape progressiste qui allait faire “évoluer les mœurs de l’Église” et changer d’avis à propos d’un grand nombre de questions sociétales.
Au sujet de l’union libre, le pape François ne remet pas en cause la dimension fondamentale du mariage. D’ailleurs, à l’argument du progrès et de l’évolution des mœurs le pape rétorque, sans appel : “En tant que chrétiens nous ne pouvons pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, pour être à la mode, ou par complexe d’infériorité devant l’effondrement moral et humain.”
Le pape François “n’assouplit” pas l’enseignement de l’Eglise. Il refuse simplement d’imposer “des normes par la force de l’autorité” et désire expliquer la beauté et l’importance du sacrement du mariage, en “présenter les raisons et les motivations” pour faire comprendre à tous sa nécessité… et la vacuité de l’union libre. Il espère ainsi faire en sorte que “les personnes soient mieux disposées à répondre à la grâce que Dieu leur offre.”
Il n’hésite pas à rappeler que le mariage “n’est pas une convention sociale (…) ni le simple signe extérieur d’un engagement” mais bien “un don pour la sanctification et le salut des époux.” C’est la raison pour laquelle la préparation au mariage doit être prise très au sérieux par les prêtres. Enfin, il insiste sur le fait que le mariage n’est qu’un début de parcours et non un achèvement. Le mariage “lance vers l’avant, avec la décision ferme et réaliste de traverser ensemble toutes les épreuves et les moments difficiles.”
Certains ne manqueront pas de rappeler la fameuse phrase prononcée par le pape, le 16 juin 2017 en la Basilique de Latran lors du Congrès ecclésial du diocèse de Rome : “Pourtant, je dis vraiment que j’ai vu tellement de fidélité dans ces cohabitations, tant de fidélité ; et je suis sûr que ce sont de vrais mariages, ils ont la grâce du mariage, justement pour la fidélité qu’ils ont.”
Le Pape justifierait-il là l’union libre ? Il la prend en compte pour mieux expliquer l’importance de préparer les jeunes, réellement, au sacrement du mariage. Leur en expliquer les tenants, les aboutissements, la beauté de ses grâces. Éviter les mariages trop rapides autant que les mariages jamais prononcés “par peur de perdre notre liberté” comme beaucoup l’expriment. Si le Pape compare certaines unions libres à des mariages, c’est certainement pour expliquer que le mariage n’enferme pas, ne condamne personne mais que, bien au contraire, il n’est qu’un début, qu’un commencement, qu’une installation à deux, comme dans une union libre, mais avec cela en plus : ce début de vie à deux est déposé devant le Seigneur et confié à la Providence.
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Dans Amoris Laetitia est également expliqué que : “D’autres formes d’union contredisent radicalement cet idéal [celui du mariage chrétien], mais certaines le réalisent au moins en partie et par analogie. Les Pères synodaux ont affirmé que l’Église ne cesse de valoriser les éléments constructifs dans ces situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus à son enseignement sur le mariage”. Que penser de ce point de vue pour le moins surprenant à première lecture de la part de notre Pape ?
Le pape François semble aller chercher la société là où elle se trouve actuellement (de moins en moins d’engagements maritaux) pour lui proposer cet idéal du mariage catholique et lui en expliquer la force et la beauté. Qui pourrait prétendre que certaines unions libres ne ressemblent pas, dans leur forme et dans le fond, à un mariage ? Mais nous sommes ici dans des cas d’exception et le Pape aimerait proposer une solution d’engagement fiable, vocationnel et pérenne, accessible à toutes les personnes engagées de bonne volonté et de bonnes intentions dans leur amour partagé.
Malgré des propos du pape François qui parlent à son époque et tentent d’aller la chercher dans ses faiblesses et ses manques de repères, l’Église ne saurait pour autant encourager la cohabitation avant le mariage. Une habitude pourtant de plus en plus fréquente malgré le fait qu’elle ait bien montré ses limites : des séparations de plus en plus tôt, un engagement qui ne se prononce pas, des enfants qui naissent de deux personnes qui ne font pas “qu’une”, un amour qui est offert mais sans se donner fidèlement à l’autre, pour la vie, pour le meilleur et pour le pire…