Directeur du service jésuite des réfugiés (JRS) en France, le père Antoine Paumard revient pour Aleteia sur l’accompagnement social et professionnel des réfugiés dans notre pays. Accueillir l’autre, un positionnement spirituel avant d’être politique. Aleteia : Que nous dit la crise migratoire de notre rôle de chrétien ?
Père Antoine Paumard : Le Pape a rappelé à plusieurs reprises que tout immigré qui frappe à notre porte est l’occasion de rencontrer le Christ. Cet étranger nous aide à dévoiler le Christ qui est en nous et entre nous. Accueillir l’autre est d’abord un positionnement spirituel avant d’être un positionnement politique. Il existe en chacun de nous une altérité irrépressible. En s’ouvrant à l’étranger, je m’ouvre à moi-même et à Dieu ; je deviens pleinement homme et donc pleinement Dieu.
« Accueillir, protéger, promouvoir et intégrer » : que vous inspire le message du pape François pour cette 104e journée mondiale du migrant et du réfugié ?
Ce message vient confirmer l’ensemble des messages adressés par les papes depuis Benoît XV : l’Église catholique a toujours eu à cœur d’accueillir et de s’occuper de l’exilé. C’est en 1914 que le pape Benoît XV a instauré une journée mondiale du migrant et du réfugié. Un peu plus de cinquante ans après, l’Église a fondé le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants. Il m’inspire un encouragement pour tous ceux et celles qui s’engagent dans des associations et qui donnent de leur temps mais aussi une invitation à “sortir la tête de la mêlée” : oui, il faut ouvrir la porte de chez soi, organiser un café solidaire, donner des cours de français, mais il faut également avoir une approche globale.
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La photo du jeune Aylan, publiée en septembre 2015, a entraîné une vague de soutien et de solidarité envers les migrants en Europe. Deux ans et demi après, quel regard portez-vous sur leur accueil en France ?
Tout le monde a pris la vague, les associations ont été énormément sollicitées et de nombreux bénévoles se sont engagés. Mais l’émotion n’est pas synonyme de raison et derrière les paroles, tous les actes nécessaires à une amélioration de la situation n’ont pas été posés. Le service jésuite des réfugiés (JRS) fait partie des associations qui ont été convoquées par le Premier ministre ainsi que par le ministre de l’Intérieur. À un moment donné, nous pouvons espérer des encouragements envers ceux qui accueillent et qui sont nombreux ! Malheureusement, nous n’avons vu aucun signe d’encouragement de la part du gouvernement. Certes il y a eu de “l’écoute”, 7 heures de discussion exactement, mais au regard du résultat on se dit qu’il s’agissait surtout d’une écoute courtoise relevant de méthodes politiciennes. Aujourd’hui notre État n’a plus d’argent, oui, c’est un fait. Mais au lieu de se lamenter et se dire qu’il s’agit d’une équation impossible à résoudre il faut, au contraire, se réjouir et y voir une équation stimulante ! La France bénéficie d’un tissu associatif extrêmement dynamique ; à l’État de regarder ces structures avec intérêt et à nous de ne pas nous braquer dans nos échanges.
Selon vous, quelle est l’urgence absolue en France aujourd’hui ?
L’urgence est de réussir à prodiguer un accueil digne aux personnes qui franchissent la frontière. L’État français doit pouvoir subvenir aux besoins de première nécessité. Plus de 40% des demandeurs d’asile, dont des personnes vulnérables, se retrouvent actuellement à la rue. La situation n’est pas tenable.
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Et l’apprentissage de la langue française ?
L’apprentissage de la langue française s’impose également comme une priorité. Nous devons initier des parcours d’apprentissage du français dès l’introduction de la demande de protection internationale. L’isolement provoqué par la barrière de la langue les empêche de se reconstruire et de devenir pleinement acteur de leur nouvelle vie. L’arrivée de ces réfugiés nous met face aux faiblesses de notre société : certains immigrés ont vécu 30 ans en France sans maitriser la langue française ! En parallèle de cet apprentissage, nous devons être capable de connaître leurs compétences professionnelles, les former le cas échéant, afin qu’ils puissent travailler rapidement et ne plus être dans une situation d’assistanat. Bien sûr, cela nécessite une réflexion en amont et un travail en bonne intelligence avec tous les acteurs mais il vaut mieux pécher par naïveté que par scepticisme !
Propos recueillis par Agnès Pinard Legry.