Acquis au défi écologique, les Français considèrent que la bioéthique pourrait échapper à cette exigence.
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Il faut remercier la Croix d’avoir jeté le pavé dans la mare à quelques jours de l’ouverture des États généraux de la bioéthique, phase de consultation préalable à la révision des lois du même nom prévue pour la fin de l’année 2018. Au menu du débat parlementaire, même si l’on ignore pour l’heure les contours du projet de loi qui lui sera soumis : la PMA, la GPA et la fin de vie à travers l’euthanasie et le suicide assisté. Il y a peu encore, les sondages montraient une opinion publique plutôt favorable à un élargissement de la PMA à tous les femmes, célibataires ou vivant en couple de femmes, mais hostile à la GPA (mères porteuses), et prudente à s’écarter du fragile équilibre créé par la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie. Or voici qu’un sondage réalisé par l’Ifop pour le quotidien catholique montre, pour la première fois, qu’une majorité de Français se déclare désormais favorable tant à la PMA pour toutes (60%), qu’à la GPA (64%) ou à la légalisation de l’euthanasie (71%). Il n’est guère que le suicide assisté (42%) qui pour l’heure ne franchit pas la barre…
Voilà de quoi nourrir largement le débat souhaité par le Président de la République, de manière à soumettre au Parlement un texte de loi qui fasse « consensus » dans l’opinion et ne provoque pas de nouvelles divisions à l’heure des réformes et du nécessaire redressement économique et social. Certains estimeront que, tout bien considéré, le consensus devrait être facile à trouver, sur la base de ce qu’indique le sondage Ifop de la Croix. D’autres feront valoir que l’opinion est mal informée, maléable, sensible à la présentation qui lui est faite de ces choix de société par les médias soucieux de débusquer partout l’hypocrisie, acquis à la levée de « tous les tabous » au nom des libertés et du progrès. Ils souligneront le fait que, sur ces questions extrêmement complexes, les difficultés et conséquences de telles évolutions sont généralement sous-estimées, contrairement à la présentation assez lénifiante qui nous est faite de leur adoption à l’étranger.
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L’inconnue des six mois à venir est donc de savoir si l’on sera capables de créer les conditions d’un vrai débat public échappant aux surenchères idéologiques des uns et des autres. De manière à ce que le gouvernement puisse idéalement soumettre au Parlement un projet de loi soucieux de préserver le bien commun ou a minima un texte de compromis reposant sur une volonté citoyenne éclairée. Ce qui suppose qu’elle soit saisie au terme d’un débat contradictoire, où tous les arguments auront pu être loyalement examinés. Et non en amont au travers de simples sondages… Et que députés et sénateurs acceptent, sur ces dossiers tellement complexes, de prendre leurs responsabilités en toute connaissance de cause.
Mais il faut être conscients qu’un tel exercice, déjà difficile en soi, sera de toute manière sujet à controverse. Au mois de juin dernier la Commission consultative nationale d’éthique (CCNE), rendait public un avis favorable à l’élargissement de la PMA – et hostile à la GPA – au terme d’un rapport d’une très grande qualité, mais dont la lecture laissait augurer une conclusion totalement opposée. Les éléments d’analyses semblaient plaider pour le statu quo et le maintien de l’interdiction d’élargissement de la PMA. Le choix politique d’une majorité de la Commission a été fait de passer outre. D’où le vote négatif, argumenté, de onze de ses trente-neuf membres.
Le sondage de la Croix, dont certains contestent déjà l’opportunité sinon la pertinence frappe donc les trois coups du débat public. Ce blogue entend bien y contribuer, à sa modeste mesure, comme il le fait déjà depuis longtemps.
Une conscience écologique sélective
Pour l’heure, je relèverai simplement ce qui m’apparaît comme la contradiction majeure de notre société que révèle ce sondage. L’opinion publique française est aujourd’hui majoritairement acquise à l’enjeu du combat écologique. À rebours d’une certaine vision du progrès où l’homme pensait pouvoir s’émanciper indéfiniment de la nature, nos sociétés ont pris conscience du danger que l’activité humaine faisait désormais peser sur l’avenir de notre « maison commune » pour reprendre l’expression du pape François. Et que la survie de notre planète exigeait de savoir identifier et respecter un certain nombre de limites dans l’exploitation des richesses naturelles.
Or la même opinion publique persiste à considérer que le domaine de la bioéthique, qui touche au plus intime de la vie humaine, échapperait à cette loi commune de l’écologie. Que les progrès des sciences et des techniques pourraient permettre de s’affranchir sans risque des lois de la nature. Bref : le défi écologique justifierait le retour d’une forme de transcendance – d’origine naturelle ou spirituelle – venant limiter l’autonomie de l’activité humaine… sauf pour ce qui le concerne lui-même.
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Ce paradoxe touche tout aussi bien les catholiques dont le sondage de la Croix nous montre, une fois encore, qu’ils sont parfaitement perméables à la plupart des évolutions dites de société. Les mêmes qui saluent l’audace prophétique du pape François dans son encyclique Laudato si’ lorsqu’il s’agit de la protection de la nature et de l’environnement, occultent totalement le cœur de son message qui est bien la notion d’écologie intégrale. Une écologie où l’homme n’est plus, certes, le cœur unique de la Création mais l’une de ses composantes irremplaçables, aujourd’hui également menacée par une lente dérive à l’horizon de laquelle se profile l’aventure transhumaniste.
Les mêmes qui adhèrent à sa condamnation des dérives de l’économie libérale feignent de ne pas voir que le marché du vivant, ouvert par les techniques d’assistance médicale à la procréation, représentent le nouveau réacteur du capitalisme mondialisé. Un aveuglement largement partagé par ceux-là même, parmi les catholiques, qui sont les adversaires les plus farouches de la PMA, de la GPA et de l’euthanasie… tout en refusant d‘adhérer aux mises en garde pontificales contre le système économique qui les promeut et s’en nourrit.
Je connais les objections qui me seront opposées. Je les reçois avec sérénité mais sans entêtement. Je fais mienne l’exhortation de Mgr Brunin, ancien responsable de la commission Famille et société de la Cef, lorsqu’il déclare dans le même dossier de la Croix : « L’Église doit éviter deux écueils : le défaitisme et la croisade. » Ce sera ma ligne de conduite.