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Chaque année, au matin du 14 juillet, le pas lent des pionniers de la Légion étrangère résonne sur le bitume des Champs-Élysées. Coiffés d’un képi blanc ou d’un béret vert, les hommes qui la composent interpellent. Corps d’élite de l’armée française, la Légion étrangère représente 7 % des effectifs de l’armée de Terre et devrait compter d’ici l’année prochaine 8 900 hommes. Rassemblant aujourd’hui près de 160 nationalités, elle témoigne de l’importance de fédérer ces soldats autour d’une histoire, d’un passé commun. Et comment l’incarner si ce n’est par des traditions, des rites ? « Les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans l’espace », écrivait ainsi Saint-Exupéry dans Citadelle.
« Noël, fête chrétienne marquant la venue sur terre pour tous du Messie est, par-delà toutes les croyances, la fête de la famille légionnaire », rappelle le général de division Jean Maurin, commandant la Légion étrangère. Rapidement après sa création en 1831, la Légion étrangère a fêté Noël. Un témoignage rapporte ainsi qu’en 1912, à Fez, le 2e régiment étranger célébrait Noël « autour d’une crèche vivante, comme c’était alors la tradition. Les draps, les chèches, les ceintures bleues constituaient l’essentiel des déguisements de la sainte Famille et des bergers. [….] À minuit, les officiers venaient dans les chambres et la veillée commençait alors autour de la crèche avec ses chants, ses chœurs allemands, russes, espagnols. » Cette tradition n’a cessé de s’enrichir au fil des années : « Au cours de la Grande Guerre, une dimension supplémentaire fut ajoutée avec la réalisation de spectacles, de jeux ou et de sketches. Peu à peu, les crèches vivantes laissèrent la place à des crèches confectionnées par les légionnaires. C’est après la guerre d’Algérie qu’est apparu le concours de crèches au sein de chaque régiment avec attribution de prix par un jury », soulignait il y a deux ans le général Dary, ancien commandant de la Légion étrangère et ancien Gouverneur militaire de Paris.
Ces crèches, réalisées aussi bien dans les garnisons que sur le terrain en opérations extérieures, sont l’occasion de découvrir la richesse et la variété des talents qui animent ces légionnaires. Rivalisant d’imagination, d’ingéniosité et de débrouillardise, ils réalisent ainsi des crèches de Noël, œuvres d’art saisissantes d’humanité. Car au-delà de la scène de la nativité à proprement parler, la crèche témoigne de ce qu’a vécu l’unité, la section, le régiment au cours de l’année qui vient de s’écouler. Le lieutenant-colonel Rousselle, commandant en second du groupement de recrutement de la Légion étrangère, a fait partie, l’année dernière, du jury de sélection. Ce dernier comprend notamment le chef de corps, quelques cadres, le plus jeune légionnaire et éventuellement quelques autorités locales.
« Une crèche m’a particulièrement marqué, se souvient-t-il. L’unité, qui avait été largement déployée dans le cadre de l’opération Sentinelle, avait représenté avec du papier mâché les monuments parisiens dont elle assurait la sécurité. Ce "spectacle" était accompagnée d’une voix, celle d’un légionnaire, qui récitait une lettre envoyée à sa mère où il faisait part de la solitude qu’il pouvait parfois ressentir en ce temps de Noël ». « La Nativité, avec Jésus, Marie et Joseph, est systématiquement présente. Mais il s’agit aussi de raconter une histoire, leur histoire (celle des légionnaires NDLR) », insiste-t-il.
Cette année, le groupement de recrutement de la Légion étrangère, situé au Fort-de-Nogent, a choisi comme thème le 11e régiment étranger d’infanterie. Créé en 1939 au début de la Seconde Guerre mondiale, il a été dissous en 1940. « S’il n’a eu que six mois d’existence, les hommes de ce régiment ont incarné le courage ultime : le sacrifice de leur vie pour l’accomplissement de leur mission. Sur les quelque 3 000 hommes que comptait le régiment, 2 300 ont été tués, rappelle le lieutenant-colonel Rousselle. En avril 2018 nous allons recevoir la garde du drapeau du 11e régiment étranger d’infanterie, d’où le choix de faire notre crèche sur ce thème.
« Le monde entier a retenu de Noël l’image de la Sainte Famille. Noël, dans la tradition chrétienne est devenu ainsi la fête de la famille. Cette fête de la famille a largement dépassé la chrétienté, puisque toute famille, de par le monde, a le souci de se réunir à cette occasion, rappelle encore le général Dary. La Légion se présentant comme un refuge et une famille d’accueil pour tous ses hommes venus du monde entier, il paraissait naturel qu’elle intégrât cette fête à son patrimoine. Le légionnaire a fui ou quitté un métier, une patrie, des amis, une fiancée, et seule la chaleur d’une famille peut remplacer un tel vide dans le cœur et l’esprit d’un homme, surtout la nuit de Noël ». « Noël est fêtée avec ferveur par toute la communauté légionnaire lors de la veillée du 24 au 25 décembre, quelles que soient les circonstances, pour qu’au cours de cette nuit, plus que jamais, la Légion tienne lieu de famille au légionnaire », insiste également l’actuel commandant de la Légion étrangère, le général Maurin. Une Patrie, une famille.