À l’heure où certains s’interrogent sur ce qui anime le pape François, un ouvrage permet de comprendre d’où il tire sa réflexion et la cohérence de sa pensée par rapport à l’enseignement de l’Église.S’il passe avant tout pour un homme d’action, le Pape est profondément nourri de philosophie. Pour le comprendre, il importe de découvrir ses influences, d’Ignace de Loyola à nos contemporains. Dirigé par Emmanuel Falque et Laure Solignac, François philosophe, sorti le 28 septembre aux éditions Salvator, évoque les penseurs qui inspirent le Saint-Père.
L’expérience du discernement
Selon Emmanuel Falque, professeur de philosophie à l’Institut catholique de Paris, la formation ignacienne du Pape François engendre chez lui une « autre manière d’être au monde » qui a des répercussions considérables sur sa manière d’être pape. Ainsi, dans l’Interview du pape François aux revues culturelles jésuites, François se présente comme « un pécheur sur lequel le Seigneur a posé ses yeux ». Plutôt que de voir dans cette formule une « préséance du péché sur la grâce », Emmanuel Falque reconnaît d’abord la dynamique des Exercices spirituels de saint Ignace : c’est dans le fait de se reconnaître pécheur que peut se vivre la joie de l’élection et la découverte du salut.
On comprend alors comment le Bien et le Mal peuvent être mêlés et l’importance cruciale du discernement. L’art de discerner à l’école de Saint Ignace est un art de corriger avec parcimonie, en sachant conserver le bon grain et en se refusant d’accuser le tout. Il s’agit d’agir sur des petits riens qui insufflent un nouvel esprit sans affaiblir l’ensemble. C’est cet esprit qui anime l’attitude du Pape François : pas chercher à tout condamner mais chercher ce qui vaut la peine d’être conservé et mis en avant, dans le monde comme dans l’Eglise.
Un pape nourri de la spiritualité franciscaine
On peut reconnaître selon Laure Solignac, maître de conférence à l’Institut catholique de Paris, la dimension franciscaine du Pape dans son attention au « singulier et sa méfiance vis-à-vis des généralités vides » et dans « l’importance d’un contact permanent avec le Verbe incarné et avec les Écritures ». C’est ce qui explique le langage visuel et concret du Pape François et l’importance que revêt pour lui la rencontre physique avec l’autre. Comme François d’Assise avec les lépreux, le pape François part à la rencontre de tous ceux qui sont loin de l’Eglise et n’hésite pas à leur laver les pieds.
Ce qui le rapproche de la spiritualité franciscaine, c’est aussi l’importance qu’il accorde à l’itinéraire de chacun et la vision de la vie comme un pèlerinage sur la terre. C’est cette conception d’une Église à la rencontre des périphéries que le pape François tente d’insuffler. C’est ainsi, explique Laure Solignac, « qu’il faut entendre l’encouragement formulé par le pape François à la fin de Laudato Si’ : « Marchons en chantant ! », quand bien même, comme le Poverello, ce serait de nuit.
Une philosophie orientée vers l’action
L’ouvrage met en évidence la parenté de la pensée du pape François avec celle des philosophes plus actuels. Paul Ricoeur, par exemple, a marqué François avec sa vision d’un homme capable « d’explorer sa propre sacralité » et de surmonter le mal grâce à la communion, un homme capable de créativité dans ses engagements concrets. C’est cette vision de l’homme que l’on retrouve dans l’encyclique Laudato Si.
On saisit grâce à cet ouvrage l’importance de la formation philosophique du pape François pour comprendre son pontificat et ses encycliques. S’il passe pour un homme d’action avant d’être un philosophe, c’est d’abord parce que les penseurs qui l’ont marqué sont les penseurs d’une philosophie de l’action, qu’il a l’art d’appliquer de manière concrète pour diriger l’Église.
François philosophe, Sous la direction d’Emmanuel Falque et Laure Solignac, Éd. Salvator, 224 p., 20 euros.