Dans un roman inspiré des représentations de Marie-Madeleine dans les Évangiles, sainte Marie-Madeleine, vierge et prostituée, le dominicain Jean-Pierre Brice Olivier livre une magnifique méditation sur cette sainte qui est la preuve que les yeux avec lesquels Dieu nous regarde et nous aime n’a rien à voir avec le regard du reste du monde.
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Marie-Madeleine, surnommée « l’apôtre des apôtres » est la première femme à avoir vu le Christ après sa résurrection. Comme le disent les Béatitudes, si elle a pu voir Dieu et rencontrer le Christ dans la gloire de sa résurrection, c’est parce qu’elle avait un cœur pur (Mt 5, 8). Par cette méditation qu’il appelle roman, le dominicain Jean Pierre Brice Olivier ne cherche pas à faire une oeuvre d’exégète.
Alors que de nombreux travaux ont été réalisés pour insister sur le caractère fictif du personnage de Marie-Madeleine tel que légué par la tradition – figure d’une prostituée repentie devenue l’apôtre des apôtres et la première à la suite du Christ – Jean Pierre Brice Olivier raconte l’histoire de Marie-Madeleine en respectant précisément ce schéma narratif.
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L’auteur réactive cette vision de Marie-Madeleine, mêlant les figures de Marie de Béthanie, sœur de Marthe et Lazare, de Maria de Magdala avec ses sept démons et de la prostituée repentie, alors que l’exégèse actuelle a tendance à en faire trois personnes distinctes. C’est sans doute la raison pour laquelle il appelle cette méditation roman. Il ne cherche pas particulièrement la vérité historique mais préfère songer à ce que le Christ a voulu dire au monde en choisissant cette femme méprisée par la société la première pour se révéler dans la gloire de sa résurrection.
Une réflexion sur la virginité
Le roman est sous-titré « vierge et prostituée », ce qui peut sembler antinomique et fait référence au martyrologe romain. On dit en effet de nombreuses saintes qu’elles sont « vierge et martyr ». De même, Jean Pierre Brice Olivier a souhaité faire de Marie-Madeleine le symbole de la virginité malgré sa situation de prostituée. Cette évocation poétique signifie pour lui que la virginité est d’abord une attitude spirituelle. C’est une virginité de cœur, de même que Jésus dans saint Matthieu, proclame la joie des « pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 3).
On découvre une Marie-Madeleine pure et innocente et c’est cette innocence même, cette virginité de cœur, qui l’a conduit à des actes contraires à la chasteté. Elle semble ne même pas avoir idée du mal ou du péché et elle est trop bien intentionnée pour se méfier de la chair. C’est presque naturellement, sans le vouloir, qu’elle découvre la sexualité avec un homme, sans savoir exactement ce qu’elle faisait.
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La force du roman est de percevoir à quel point la virginité est une attitude spirituelle que peuvent symboliser Marie, mère de Dieu, et Marie-Madeleine. Il s’agit de se présenter comme un pauvre en expérience, de savoir que l’on n’a pas tout connu, que l’on ne possède que la joie de voir Dieu et que le reste nous échappe. La virginité, plus qu’une pureté idolâtrée, devient d’abord une pauvreté et une humilité intérieure qui rendent d’autant plus disponible à Dieu.
Un roman qui pose des questions
On peut malgré tout se demander si, en insistant sur la bonté et la pureté intrinsèque de Marie-Madeleine avant sa rencontre avec le Christ, l’auteur n’amoindrit pas ce que cette sainte pouvait avoir de puissant pour la conversion et la repentance. C’était, avec Marie sans péché, comme l’explique Régis Burnet dans son ouvrage sur la sainte, une figure qui venait compléter l’image de l’Église : une Église repentie, qui a pu s’égarer très loin du Christ mais qui a « beaucoup aimé » et qui a connu la grâce et le pardon en raison de ce grand amour. Si elle incarne une pureté face au péché depuis l’origine, elle est alors moins à-même de montrer la puissance du pardon de Dieu et d’être un exemple pour ceux qui ont été très loin de ce qu’enseigne le Christ.
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Sainte Marie Madeleine. Vierge et prostituée est un très beau roman, une très belle évocation, plein de finesse et d’une grande douceur dans la narration. Il permet de voir avec un œil neuf la figure de l’une des plus grandes saintes de tous les temps, objet d’une immense vénération populaire et encore enrichie par cet ouvrage plein de poésie. Que l’auteur ait été fasciné moins par la figure de repentie que par cette vie totalement orientée par le Christ et par l’amour, n’est-ce pas la preuve que les saints et la vénération dont ils font l’objet sont inépuisables et peuvent sans cesse se renouveler ? Que l’on ne peut pas les classer définitivement dans une catégorie, expliquant ce fait qu’une sainte puisse être à la fois Vierge et prostituée ?
Puisque, selon notre auteur, « son secret c’est d’avoir toujours voulu aimer. Elle n’a jamais rien souhaité d’autre. Elle n’a jamais rien tenté d’autre. Elle est devenue une spécialiste, une professionnelle de l’amour. Elle a compris qu’aimer n’est pas d’ordre sentimental, cette chose collante et encombrante, mais qu’il s’agit d’une volonté, celle d’être pour l’autre. Un don ».
Sainte Marie Madeleine. Vierge et prostituée, de Jean Pierre Brice Olivier, éditions du Cerf, 176 p., 15,00 euros.